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[2021] 3 R.C.F. F-19

 

Citoyenneté et Immigration

Pratique en matière d'immigration — Contrôle judiciaire visant la décision par laquelle une agente de programme d’Emploi et Développement social Canada (EDSC) a refusé de délivrer une étude d’impact sur le marché du travail (EIMT) favorable à la demanderesse[1] — Les exigences relatives à l’EIMT sont régies par les art. 203(1) et (3) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227 et les directives publiées par EDSC intitulées « Exigences du Programme pour les postes à bas salaire » (les Exigences du Programme) — La demanderesse a demandé une EIMT en vue de pourvoir un poste de superviseur du service alimentaire à son restaurant de Surrey, en Colombie‑Britannique — En raison de la pandémie de COVID‑19, des modifications ont été apportées aux critères d’évaluation — Les employeurs étaient dorénavant tenus de confirmer que les travailleurs seraient toujours en mesure d’exécuter leurs tâches malgré les restrictions locales et d’afficher de nouveau toutes les offres d’emploi publiées avant le 15 mars 2020, puisque le taux de chômage avait augmenté — La demanderesse a informé l’agente qu’elle avait satisfait à ces exigences — L’agente a jugé que l’offre d’emploi affichée posait problème — La demanderesse devait fournir des copies de l’offre d’emploi affichée sur les sites des organisations auxquelles elle a déclaré avoir demandé d’afficher le poste à pourvoir — Elle a fourni un résumé des efforts déployés en matière d’affichage — La décision rendue par l’agente informait la demanderesse que l’EIMT avait donné lieu à une décision défavorable en raison [traduction] « d’efforts insuffisants pour embaucher des Canadiens ou des résidents permanents » — L’offre d’emploi envoyée aux organisations n’a pas été affichée conformément aux Exigences du Programme — La demanderesse a soutenu que l’agente a entravé l’exercice de son pouvoir discrétionnaire en considérant comme obligatoire l’affichage ciblant des groupes sous‑représentés — Elle a fait valoir également que la question qu’il convenait de poser était énoncée à l’art. 203(1)b) du Règlement et consistait à savoir si l’emploi de l’étranger est susceptible d’avoir un effet neutre ou positif sur le marché du travail au Canada — Elle a soutenu en outre que les exigences minimales en matière d’affichage ne figuraient pas dans une liste de facteurs énumérés à l’art. 203(3) et qu’elles étaient contenues uniquement dans les Exigences du Programme — Il s’agissait de savoir si l’agente a entravé l’exercice de son pouvoir discrétionnaire lorsqu’elle a rendu la décision faisant l’objet du contrôle — Les agents ne sont généralement pas tenus d’expliquer les motifs pour lesquels une dérogation aux Exigences du Programme n’est pas justifiée dans une situation donnée — Cependant, il ressort clairement de la jurisprudence que le pouvoir discrétionnaire d’un agent sera considéré comme ayant été indûment limité lorsqu’il est manifeste que l’agent a estimé que les Exigences du Programme avaient force obligatoire ou qu’il les a appliquées comme si tel était le cas — Il serait déraisonnable de s’attendre à ce qu’un agent envisage de déroger aux Exigences du Programme sans qu’une demande en ce sens ait été formulée par la demanderesse — En l’espèce, la demanderesse a demandé à l’agente de faire preuve d’une certaine souplesse dans l’application des Exigences du Programme — L’agente a estimé que les directives prévues dans les Exigences du Programme avaient force obligatoire — Elle a uniquement vérifié si l’affichage répondait aux attentes précises en matière de diffusion de l’annonce auprès de groupes cibles et de durée de la période d’affichage qui sont énoncées dans les Exigences du Programme — Aucun de ces facteurs n’était énoncé dans le Règlement — Cela n’a démontré aucune souplesse lorsqu’il s’est agi de vérifier si les efforts que la demanderesse a déployés permettaient également d’établir qu’elle avait fait des efforts raisonnables en matière de recrutement bien qu’elle n’ait pas respecté les Exigences du Programme — L’agente a considéré que, pour faire la preuve d’efforts raisonnables, il était nécessaire, plutôt que simplement suffisant, de démontrer que les Exigences du Programme avaient été respectées — Il s’agissait d’une entrave illicite à l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, qui a rendu déraisonnable sa décision — L’agente ne disposait pas des moyens nécessaires pour mener à bien son évaluation; elle a été chargée d’examiner la demande en fonction d’un ensemble de directives qui semblaient être des « exigences » — Les éléments qui sont intégrés à la structure du processus d’évaluation laissent fortement entendre que les Exigences du Programme devraient être considérées comme ayant force obligatoire — Le défendeur devrait envisager de prendre des mesures pour préciser que les Exigences du Programme constituent des lignes directrices et n’ont pas force de loi — Demande accueillie.

Tufor Holdings Ltd. c. Canada (Emploi et Développement social) (IMM-3771-20, 2021 CF 1350, juge Zinn, motifs du jugement en date du 3 décembre 2021, 16 p. + 6 p.)



[1] Un employeur au Canada peut être tenu d’obtenir une EIMT favorable avant d’embaucher un travailleur étranger. Une EIMT favorable confirme qu’il est nécessaire de recruter un travailleur étranger pour pourvoir un emploi vacant et qu’aucun travailleur canadien ou résident permanent ne peut occuper cet emploi.

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