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[2012] 3 R.C.F. 432

DES-05-8

2010 CF 1242

AFFAIRE INTÉRESSANT un certificat signé en vertu du paragraphe 77(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi);

ET le dépôt de ce certificat devant la Cour fédérale en vertu du paragraphe 77(1) de la Loi;

ET Mohamed Harkat

Répertorié : Harkat (Re)

Cour fédérale, juge Noël—Ottawa, 3, 4, 5 et 6 novembre 2008, 18, 19, 20, 21, 22, 25, 26, 27, 28 et 29 janvier, 1er, 2, 3, 4, 5, 8, 9, 10, 11 et 12 février, 8, 9, 10, 11, 30 et 31 mars, 31 mai, 1er et 2 juin 2010; à huis clos, 10, 11, 12, 15, 16, 17, 18 et 19 septembre 2008, 23, 24, 25 et 26 novembre, 1er et 2 décembre 2009, 30 mars, 26 et 27 mai, 9 décembre 2010.

* Note de l’arrêtiste : Cette décision a été confirmée en appel (A-76-11, 2012 CAF 122). Les motifs du jugement, qui ont été prononcés le 25 avril 2012, seront publiés dans le Recueil des décisions des Cours fédérales.

Citoyenneté et ImmigrationExclusion et renvoiPersonnes interdites de territoire — Certificat de sécurité — Requête contestant la constitutionnalité des art. 77(2), 78, 83(1)c) à e), h), i), 85.4(2) et 85.5b) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (la LIPR) — Un certificat déclarant le demandeur interdit de territoire pour raison de sécurité en vertu des art. 34(1)c), d) et f) de la LIPR a été signé par le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile et par le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration et a été déposé à la Cour fédérale — Il était question de savoir si les art. 77(2), 78, 83(1)c) à e), h), i), 85.4(2) et 85.5b) de la LIPR violent l’art. 7 de la Charte canadienne des droits et libertés aux motifs qu’ils n’établissent pas des normes permettant la tenue d’instructions équitables, qu’ils n’accordent pas à la personne visée le droit de connaître la preuve produite contre elle et d’y répondre et qu’ils font en sorte qu’il est impossible pour la Cour de rendre une décision suffisamment éclairée fondée sur les faits et le droit — Les dispositions contestées sont constitutionnelles parce qu’elles établissent un processus équitable grâce auquel les renseignements communiqués ne posent aucun risque à la sécurité nationale — La LIPR protège les droits de la personne visée et elle l’informe de la preuve produite contre elle de façon à ce qu’elle soit capable d’y répondre — L’avocat spécial défend en toutes circonstances les intérêts de la personne visée lors des audiences à huis clos et, en même temps, les renseignements touchant la sécurité nationale sont protégésLa Cour peut rendre une décision fondée sur l’ensemble des faits pertinents et du droit applicable — Requête rejetée.

Droit constitutionnel — Charte des droits — Vie, liberté et sécurité — Question de savoir si les art. 77(2), 78, 83(1)c) à e), h), i), 85.4(2) et 85.5b) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (la LIPR) violent l’art. 7 de la Charte aux motifs qu’ils n’établissent pas des normes permettant la tenue d’instructions équitables, qu’ils n’accordent pas à la personne visée le droit de connaître la preuve produite contre elle et d’y répondre et qu’ils font en sorte qu’il est impossible pour la Cour de rendre une décision suffisamment éclairée fondée sur les faits et le droit — Bien que le régime actuel prive le demandeur de sa liberté et que celui-ci pourrait également être privé de son droit à la sécurité de sa personne, les dispositions contestées sont constitutionnelles parce qu’elles établissent un processus équitable grâce auquel les renseignements communiqués ne posent aucun risque à la sécurité nationale — La LIPR protège les droits de la personne visée et elle l’informe de la preuve produite contre elle de façon à ce qu’elle soit capable d’y répondre — Les dispositions de la LIPR limitant les droits protégés par l’art. 7 de la Charte peuvent se justifier dans une société libre et démocratique en vertu de l’art. 1 de la Charte.

Il s’agissait d’une requête contestant la constitutionnalité du paragraphe 77(2), de l’article 78, des alinéas 83(1)c) à e), h) et i), du paragraphe 85.4(2) et de l’alinéa 85.5b) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (la LIPR).

En 2008, après l’entrée en vigueur de la Loi modifiant la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (certificat et avocat spécial) et une autre loi en conséquence (le projet de loi C‑3), un certificat déclarant le demandeur interdit de territoire pour raison de sécurité en vertu des alinéas 34(1)c), d) et f) de la LIPR a été signé par le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile et par le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration (les ministres) et a été déposé à la Cour fédérale.

Dans l’arrêt Charkaoui c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CSC 9, [2007] 1 R.C.S. 350, la Cour suprême a conclu que l’ancienne version de la LIPR contrevenait à l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés au motif qu’elle violait le droit de la personne visée de connaître la preuve produite contre elle et le droit d’y répondre et qu’elle ne pouvait pas être sauvegardée par son article premier parce qu’elle ne portait pas le moins possible atteinte aux droits en cause. Le projet de loi C‑3 a apporté d’importantes modifications à la procédure régissant le contrôle judiciaire des certificats ainsi qu’aux demandes de remise en liberté judiciaire présentées dans ce contexte. Ces modifications comprenaient un nouveau processus de divulgation de renseignements touchant la sécurité nationale et prévoyaient l’intervention d’avocats spéciaux chargés de défendre les intérêts des personnes désignées lors des audiences à huis clos. 

La question constitutionnelle en l’espèce était celle de savoir si les dispositions contestées violent l’article 7 de la Charte aux motifs qu’elles n’établissent pas des normes permettant la tenue d’instructions équitables, qu’elles n’accordent pas à la personne visée le droit de connaître la preuve produite contre elle et d’y répondre et qu’elles font en sorte qu’il est impossible pour la Cour de rendre une décision suffisamment éclairée fondée sur les faits et le droit.

Pour répondre à cette question, il fallait déterminer si la LIPR a porté atteinte aux droits à la liberté et à la sécurité du demandeur; le cas échéant, si les nouvelles dispositions de la LIPR constituent des solutions de rechange véritables et substantielles qui respectent les principes de justice fondamentale tout en protégeant les renseignements touchant la sécurité nationale; dans la négative, si l’article premier de la Charte pouvait sauvegarder ces nouvelles dispositions.

Jugement : la requête doit être rejetée.

 Sous le régime actuel, le demandeur est privé de sa liberté et, suivant des décisions qui seront prises ultérieurement, il pourrait également être privé de son droit à la sécurité de sa personne. Ceci étant dit, les dispositions contestées sont constitutionnelles parce qu’elles établissent un processus équitable grâce auquel les renseignements communiqués ne posent aucun risque à la sécurité nationale. La LIPR protège également les droits de la personne visée et elle l’informe de la preuve produite contre elle de façon à ce qu’elle soit capable d’y répondre. L’avocat spécial défend en toutes circonstances les intérêts de la personne visée lors des audiences à huis clos et, en même temps, les renseignements touchant la sécurité nationale sont protégés. Au terme de ce processus, la Cour a été saisie des faits présentés par les deux parties et elle peut rendre une décision fondée sur l’ensemble des faits pertinents et du droit applicable.

La Charte opère une distinction entre les citoyens et les non‑citoyens (paragraphes 6(1) et (2)). Le Canada a le droit d’accepter et de refuser l’entrée au pays à des candidats à l’immigration pour des raisons légitimes, telles que la sécurité et la grande criminalité. La LIPR prévoit des normes et des conditions visant l’entrée et le séjour de non‑citoyens. L’article 7 de la Charte s’applique en fonction de ce contexte lors de l’examen des principes de justice fondamentale lorsqu’il est question d’enjeux liés à la sécurité nationale, de politiques d’immigration et des droits de la personne. Les renseignements touchant la sécurité nationale doivent être protégés de toute divulgation : il s’agit d’un intérêt sociétal valable reconnu par la Cour suprême.

Par les nouvelles dispositions de la LIPR, le législateur veille à ce que des solutions de rechange adéquates soient mises en place. Le processus de divulgation établi par la LIPR ainsi que le rôle actif joué par les avocats spéciaux dans la contestation des allégations des ministres assurent à la personne visée une protection adéquate. Les principes de justice fondamentale sont respectés. Ces principes sont : 1) le droit à une audition; 2) l’audition doit être présidée par un magistrat indépendant et impartial; 3) la décision doit être fondée sur les faits et le droit, ce qui emporte le droit de chacun de connaître la preuve produite contre lui et le droit d’y répondre. En vertu des nouvelles dispositions, la LIPR prévoit aussi le droit à une audience puisque tant la personne visée que le ministre ont l’occasion de faire valoir leurs arguments (paragraphe 83(1)). Le rôle de la Cour a été élargi, notamment en ce qui a trait à son obligation de veiller à ce que des résumés soient fournis tout au long de l’instance, à son pouvoir discrétionnaire d’exiger la tenue d’une audience à huis clos ainsi qu’à son rôle à l’égard de l’avocat spécial et du contrôle judiciaire des détentions et des conditions de détentions. La nouvelle version de la LIPR, tout comme c’était le cas pour l’ancienne, respecte les deux premières exigences de la justice fondamentale. L’ancienne version ne respectait pas la troisième exigence parce qu’elle ne prévoyait pas une divulgation suffisante et parce que la personne visée n’était pas représentée de façon adéquate lors des audiences à huis clos, ce qui lui aurait permis d’être bien informée de la preuve produite contre elle et d’être en mesure d’y répondre. Pour que cette exigence soit respectée, il faut être certain que, à la fin du processus, la Cour a été mise au courant de tous les faits. Des résumés de la preuve, fournis lors du dépôt du certificat et tout au long de l’instance, doivent permettre à la personne visée d’être suffisamment informée de la preuve produite contre elle sans porter atteinte à la sécurité nationale (paragraphe 77(2) et alinéa 83(1)g)). En outre, l’avocat spécial doit contester toute affirmation voulant que la divulgation de renseignements ou autres éléments de preuve porterait atteinte à la sécurité nationale ou à la sécurité d’autrui (alinéa 85.1(2)a)). La question de la divulgation n’incombe donc pas seulement au ministre (paragraphe 77(2)), mais également à la Cour (alinéa 83(1)e)) et à l’avocat spécial (alinéa 85.1(2)a)). Sous l’ancienne version de la LIPR, la question de la divulgation ne relevait que de la Cour. Le régime actuel dispose également que l’avocat spécial doit être mis au courant de l’ensemble de la preuve présentée lors des audiences publiques et à huis clos afin qu’il puisse défendre les intérêts de la personne visée (paragraphe 85.1(1)). L’ancienne version de la LIPR ne prévoyait rien de tel. Le demandeur connaissait l’ensemble des allégations formulées contre lui et certains éléments de preuve importants étayant ces allégations. Finalement, dans des affaires en matière d’immigration portant sur l’espionnage ou la subversion, la divulgation de renseignements touchant la sécurité nationale peut être problématique; son étendue variera selon les circonstances de chaque affaire. La nouvelle version de la LIPR confère au juge des pouvoirs discrétionnaires dans de telles circonstances afin que ce dernier puisse prendre les mesures qui s’imposent.

Avant de conclure que la divulgation de renseignements porterait atteinte à la sécurité nationale ou à la sécurité d’autrui, il faut que certaines étapes soient respectées. Selon la LIPR, la personne visée doit être suffisamment informée de la preuve à laquelle elle doit répondre à la condition que la preuve ne renferme pas des renseignements qui porteraient atteintes à la sécurité nationale ou à la sécurité d’autrui. Ces deux exigences s’entrechoquent. La LIPR prévoit la divulgation de renseignements au moyen de résumés qui peuvent parer aux risques de divulgation de renseignements qui pourraient être préjudiciables. Si les ministres n’acceptent pas une telle divulgation, la loi prévoit un mécanisme leur permettant de retirer les renseignements en cause. La Cour doit garantir leur confidentialité et elle ne peut pas les utiliser aux fins de sa décision. Il faut établir l’équilibre entre deux éléments lors de la divulgation de renseignements dans le cadre d’une instance relative à un certificat de sécurité : le juge doit suffisamment informer la personne visée mais il ne doit pas y avoir une divulgation de renseignements qui porterait atteinte à la sécurité nationale. Cet objectif peut être atteint par la rédaction d’un résumé de la preuve adéquat. En l’espèce, la divulgation effectuée a permis au demandeur d’être suffisamment informé pour lui permettre de connaître la « substance » des allégations formulées contre lui et d’y répondre. Les éléments divulgués renfermaient des renseignements touchant la sécurité nationale, mais aucun renseignement qui aurait pu porter atteinte à la sécurité nationale ou à la sécurité d’autrui. Contrairement à la LIPR, la Loi sur la preuve au Canada (la LPC) ne prévoit pas l’intervention d’avocats spéciaux. Les intérêts de la personne visée ne sont pas aussi bien défendus par l’amicus curiae suivant la LPC que par l’avocat spécial suivant la LIPR. Lors des audiences à huis clos, les avocats spéciaux connaissent l’ensemble des renseignements touchant la sécurité nationale présentés, y compris des renseignements qui seraient préjudiciables si divulgués. Les avocats spéciaux sont chargés de les examiner afin de défendre les intérêts de la personne visée et ils peuvent contester les allégations de non‑divulgation des ministres. Le droit de connaître la preuve n’est pas absolu et peut être adapté aux circonstances, à la condition que l’équité et les principes de justice fondamentale soient respectés. Le législateur connaissait la procédure établie par la LPC lorsqu’il a choisi le processus de divulgation de la LIPR. La procédure prévue par la LPC a été conçue pour être applicable dans différentes situations de fait et vise de nombreuses questions de droit. La LIPR est plus précise, car elle vise les affaires d’interdiction de territoire pour raison de sécurité ou de grande criminalité ou bien pour atteinte aux droits de la personne ou au droit international. Ce n’est que lorsqu’il est conclu que la divulgation de renseignements porterait atteinte à la sécurité nationale ou à la sécurité d’autrui — et qu’aucun résumé de ces renseignements ne pourrait être fourni de façon à empêcher ce résultat — que la Cour ne peut plus exercer le pouvoir discrétionnaire qui lui permettait de divulguer les renseignements. Aucune mise en balance des intérêts ne peut alors être opérée. L’absence de pouvoir discrétionnaire à cette étape ne rend pas les alinéas 83(1)c) à e) de la LIPR inconstitutionnels. Ces dispositions établissent un juste équilibre entre le besoin de protection des renseignements confidentiels et les droits de la personne visée.

Le paragraphe 85.4(2) et l’alinéa 85.5b) de la LIPR (exigeant que les avocats spéciaux demandent l’autorisation du juge avant de communiquer avec qui que ce soit) renforcent l’équité du processus et respectent les principes de justice fondamentale. L’une des préoccupations du législateur était que, si les avocats spéciaux n’avaient pas l’obligation de demander l’autorisation de la Cour avant de communiquer avec qui que ce soit, il pourrait y avoir divulgation par inadvertance de renseignements touchant la sécurité nationale. Le législateur a estimé que la meilleure façon de garantir la confidentialité des renseignements classifiés après que les avocats spéciaux y ont eu accès était de leur interdire de communiquer sans l’autorisation de la Cour. En l’espèce, la preuve est colossale et renferme des documents sensibles. La LIPR n’interdit pas les communications entre les avocats spéciaux, la personne visée et les avocats, elle ne fait que les assujettir à l’autorisation d’un juge. En l’espèce, la Cour a pleinement exercé son pouvoir discrétionnaire et les demandes de communication n’ont été qu’exceptionnellement rejetées. Les avocats spéciaux assument entièrement la charge de la défense des intérêts du demandeur pendant les audiences à huis clos. Au début de l’instance, les avocats spéciaux ont reçu leurs directives avant qu’ils aient accès aux renseignements classifiés. Ils ont eu suffisamment de temps. Au fur et à mesure que des renseignements ont été divulgués au cours de l’instance, les avocats spéciaux ont eu la possibilité de demander à la Cour l’autorisation de communiquer avec le demandeur afin d’obtenir d’autres directives si nécessaire. Le fait que la Cour ait accès à des renseignements qui n’auraient pas été déposés en preuve pendant une audience ne sort pas de l’ordinaire et n’est ni préjudiciable ni injuste à l’égard de la personne visée. Les juges présidant un voir‑dire entendent souvent des éléments de preuve et obtiennent fréquemment des renseignements au cours de l’instance. En outre, les juges se prononcent régulièrement sur des questions de recevabilité d’éléments de preuve et ont le discernement pour faire abstraction des renseignements qu’ils ont obtenus avant d’en prononcer l’exclusion. Les dispositions contestées opèrent le juste équilibre entre les impératifs de la sécurité nationale et des droits de la personne visée, particulièrement les dispositions sur la communication qui ont été adoptées dans l’intérêt de la personne visée et à son avantage.

La Cour suprême, dans l’arrêt La Reine c. Oakes, [1986] 1 R.C.S. 103, a consacré un critère permettant de rechercher si une violation peut être justifiée au sens de l’article premier de la Charte. Dans le cadre d’une analyse fondée sur l’article premier, il faut rechercher si la limite aux droits à la vie, à la liberté et à la sécurité imposée par la loi est justifiée. Suivant l’article 7, la Cour doit rechercher si les limites imposées respectent les principes de justice fondamentale. Suivant l’article premier, les mêmes faits sont examinés sous un autre angle. Les dispositions de la LIPR limitant les droits protégés par l’article 7 de la Charte peuvent se justifier dans une société libre et démocratique. La protection de la sécurité des Canadiens et des renseignements touchant la sécurité nationale dans la LIPR constitue un objectif légitime, urgent et réel. Les dispositions légales se rattachent à cet objectif; elles portent le moins possible atteinte aux droits touchés et leur effet attentatoire est proportionnel à l’importance de l’objectif poursuivi. Les dispositions portant sur le processus de divulgation de renseignements touchant la sécurité nationale et sur la procédure relative à la communication sont sauvegardées par l’article premier de la Charte.

LOIS ET RÈGLEMENTS CITÉS

Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44], art. 1, 6(1),(2), 7, 9, 10c), 24(1).

Loi modifiant la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (certificat et avocat spécial) et une autre loi en conséquence, L.C. 2008, ch. 3.

Loi sur la preuve au Canada, L.R.C. (1985), ch. C-5, art. 38.06(2) (édicté par L.C. 2001, ch. 41, art. 43).

Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité, L.R.C. (1985), ch. C-23, art. 2 (mod. par L.C. 2001, ch. 41, art. 89).

Loi sur les Indiens, L.R.C. (1985), ch. I-5.

Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27, art. 3(1)h),i), 19, 20, 27, 33, 34, 36 (mod. par L.C. 2008, ch. 3, art. 3), 76 (mod., idem, art. 4), 77(2) (mod., idem), 78 (mod., idem), 79 (mod., idem), 80 (mod., idem), 81 (mod., idem), 82(1) (mod., idem), (2) (mod., idem), (4) (mod., idem), (5)a) (mod., idem), 82.1 (édicté, idem), 82.2 (édicté, idem), 82.3 (édicté, idem), 82.4 (édicté, idem), 83 (mod., idem), 85(1) (mod., idem), (3) (mod., idem), 85.1 (édicté, idem), 85.2 (édicté, idem), 85.4 (édicté, idem), 85.5 (édicté, idem).

Règles de procédure du Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité à l’égard des fonctions exercées en vertu de l’alinéa 38(c) de la Loi sur le Service canadien de renseignement de sécurité, adoptées le 9 mars 1985, règles 48(2),(4), en ligne : <http://www.sirc-csars.gc.ca/cmpplt/rulreg-fra.html>.

JURISPRUDENCE CITÉE

décisions appliquées :

Charkaoui c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CSC 9, [2007] 1 R.C.S. 350; Charkaoui c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CSC 38, [2008] 2 R.C.S. 326; La Reine c. Oakes, [1986] 1 R.C.S. 103.

décisions examinées :

Harkat (Re), 2009 CF 167; Almrei (Re), 2009 CF 1263, [2011] 1 R.C.F. 163; Harkat (Re), 2005 CF 393; Almrei (Re), 2008 CF 1216, [2009] 3 R.C.F. 497; R. v. Malik, 2005 BCSC 350; Canada (Procureur général c. Canada (Commission d’enquête sur les actions des responsables canadiens relativement à Maher Arar), 2007 CF 766, [2008] 3 R.C.F. 248; Chiarelli c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1992] 1 R.C.S. 711; Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817; Renvoi : Motor Vehicle Act de la C.-B., [1985] 2 R.C.S. 486; Canada (Procureur général) c. Khawaja, 2007 CF 490, [2008] 1 R.C.F. 547; Ruby c. Canada (Solliciteur général), 2002 CSC 75, [2002] 4 R.C.S. 3; Medovarski c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration); Esteban c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CSC 51, [2005] 2 R.C.S. 539; R. c. Wholesale Travel Group Inc., [1991] 3 R.C.S. 154; Jaballah (Re), 2009 CF 279; Jaballah (Re), 2010 CF 79, [2011] 2 R.C.F. 145; Terre-Neuve (Conseil du Trésor) c. N.A.P.E., 2004 CSC 66, [2004] 3 R.C.S. 381; R. c. Mills, [1999] 3 R.C.S. 668.

décisions citées :

Harkat (Re), 2009 CF 203; Harkat (Re), 2009 CF 1050, [2010] 4 R.C.F. 149; Harkat (Re), 2009 CF 241; Harkat (Re), 2009 CF 659, [2010] 3 R.C.F. 169; Harkat (Re), 2009 CF 1008; Mahjoub (Re), 2010 CF 787; Harkat (Re), 2010 CF 1241, [2012] 3 R.C.F. 251; Singh et autres c. Ministre de l’Emploi et de l’Immigration, [1985] 1 R.C.S. 177; R. c. O’Connor, [1995] 4 R.C.S. 411; Nouveau-Brunswick (Ministre de la Santé et des Services communautaires) c. G. (J.), [1999] 3 R.C.S. 46, (1999), 216 R.N.-B. (2e) 25; Gosselin c. Québec (Procureur général), 2002 CSC 84, [2002] 4 R.C.S. 429; Suresh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CSC 1, [2002] 1 R.C.S. 3; R. c. Rodgers, 2006 CSC 15, [2006] 1 R.C.S. 554; Idziak c. Canada (Ministre de la Justice), [1992] 3 R.C.S. 631; R. c. Lyons, [1987] 2 R.C.S. 309; Centre hospitalier Mont-Sinaï c. Québec (Ministre de la Santé et des Services sociaux), 2001 CSC 41, [2001] 2 R.C.S. 281; R. c. Malmo-Levine; R. c. Caine, 2003 CSC 74, [2003] 3 R.C.S. 571; Dehghani c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1993] 1 R.C.S. 1053; R. c. La, [1997] 2 R.C.S. 680; Canadian Foundation for Children, Youth and the Law c. Canada (Procureur général), 2004 CSC 4, [2004] 1 R.C.S. 76; États-Unis d’Amérique c. Ferras; États-Unis d’Amérique c. Latty, 2006 CSC 33, [2006] 2 R.C.S. 77; R. c. Nova Scotia Pharmaceutical Society, [1992] 2 R.C.S. 606; Thomson c. Canada (Sous-ministre de l’Agriculture), [1992] 1 R.C.S. 385; Miller c. Canada (Solliciteur général), 2006 CF 912, [2007] 3 R.C.F. 438; Hampel c. Canada, ordonnance modifiée en date du 6 décembre 2006; Lambert c. Canada, ordonnance en date du 5 juin 1996; R. c. Corbett, [1988] 1 R.C.S. 670; R. c. McClure, 2001 CSC 14, [2001] 1 R.C.S. 445; Personne désignée c. Vancouver Sun, 2007 CSC 43, [2007] 3 R.C.S. 253; Harkat (Re), 2009 CF 204, [2004] 4 R.C.F. 370; R. c. Chaulk, [1990] 3 R.C.S. 1303.

DOCTRINE CITÉE

Canada. Enquête interne sur les actions des responsables canadiens relativement à Abdullah Almalki, Ahmad Abou-Elmaati et Muayyed Nureddin (l’honorable Frank Iacobucci, c.r., commissaire). « Décision sur le mandat et la procédure », Ottawa : Travaux publics et Services gouvernementaux, 31 mai 2007, en ligne : <http://epe.lac-bac.gc.ca/100/206/301/pco-bcp/commissions/internal_inquiry/2010-03-09/www.iacobucciinquiry.ca/fr/rulings/index.htm>.

REQUÊTE contestant la constitutionnalité des dispositions 77(2), 78, 83(1)c) à e), h), i), 85.4(2) et 85.5b) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés. Requête rejetée.

ONT COMPARU

Matthew Webber, Norman Boxall et Leonardo Russomanno pour le demandeur.

André Séguin, David Tyndale, Bernard Assan, Amina Riaz et Gordon Lee

pour le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile et le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration.

Paul J.J. Cavalluzzo et Paul D. Copeland à titre d’avocats spéciaux.

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

Webber Schroeder Goldstein Abergel, Ottawa, et Bayne Sellar Boxall, Ottawa, pour le demandeur.

Le sous-procureur général du Canada pour le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile et le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration.

Paul J.J. Cavalluzzo et Paul D. Copeland à titre d’avocats spéciaux.

Ce qui suit est la version française des motifs de l’ordonnance et de l’ordonnance rendus par

            Le juge Noël :

1.         Introduction

[1]        Le législateur a élaboré un régime régissant la délivrance de certificats de sécurité selon lequel les personnes visées, comme le demandeur, Mohamed Harkat, peuvent obtenir une audience équitable. Ce régime protège également les renseignements lesquels, s’ils étaient divulgués, porteraient atteinte à la sécurité nationale ou à la sécurité d’autrui. Bien que la sécurité nationale puisse empêcher la divulgation de renseignements, la procédure établie par la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés [L.C. 2001, ch. 27] (la LIPR) dispose que des résumés doivent être donnés à la personne visée tout au long de l’instance afin qu’elle soit suffisamment informée de la preuve produite contre elle par les ministres. L’absence de M. Harkat et de ses avocats lors des audiences à huis clos (in camera) est palliée par la nomination d’avocats spéciaux qui défendent ses intérêts. M. Harkat soutient qu’un tel régime est injuste et ne donne pas la possibilité à la personne visée de connaître la preuve produite contre lui, car des éléments de preuve pertinents ne sont pas divulgués. Il avance également que les principes de justice fondamentale sont bafoués en ce qu’il y a admission en preuve d’éléments de preuve inadmissibles en justice et qu’il y a permission au juge de rendre une décision fondée sur des éléments de preuve auxquels n’a pas eu accès la personne visée. En outre, il allègue que le recours aux avocats spéciaux et le déséquilibre des intérêts en matière de divulgation prévus par la LIPR ne respectent ni les principes de justice fondamentale ni l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés [qui constitue la partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44]] (la Charte). M. Harkat soutient également qu’une telle violation à l’article 7 n’est pas justifiée au sens de l’article premier de la Charte. Par ailleurs, les ministres avancent que la LIPR établit un juste équilibre entre la protection des renseignements confidentiels et la protection des droits des personnes désignées, ce qui ne contrevient pas aux principes de justice fondamentale. Subsidiairement, les ministres soutiennent que les dispositions en cause sont sauvegardées par l’article premier de la Charte. Comme en témoignera ce qui suit, la Cour conclut que le régime de certificats de sécurité respecte les principes de justice fondamentale et l’article 7 de la Charte et, subsidiairement, qu’il est sauvegardé par l’article premier de la Charte. La requête contestant la constitutionnalité des dispositions pertinentes de la LIPR est rejetée.

Table des matières

Paragraphes

1. Introduction

1

2. La question constitutionnelle

2–4

3. Bref historique de l’instance

5–21

4. Bref aperçu des audiences sur le caractère raisonnable du certificat — résumés, communications et ordonnances

22–24

5. Les allégations factuelles formulées contre M. Harkat et divulgation de la preuve

25–34

6. Les prétentions des parties

Le résumé des observations présentées par M. Harkat

35–42

Le résumé des observations présentées par les ministres

43–48

7. Aperçu des nouvelles dispositions de la LIPR

49–68

Les nouvelles dispositions sur le contrôle de la détention

69–72

Les nouvelles dispositions sur les appels

73

8. Le régime des avocats spéciaux de la LIPR comparé à d’autres régimes

74–80

9. L’article 7 de la Charte et les principes de justice fondamentale

81–83

10. Quels sont les principes de justice fondamentale pertinents?

84–91

11. Au besoin, l’article premier de la Charte peut-il s’appliquer en l’espèce?

92–96

12. Les questions en litige

97–98

13. Qu’entend-on par renseignement touchant la sécurité nationale?

99–105

14. La LIPR a-t-elle porté atteinte aux droits à la liberté et à la sécurité de M. Harkat?

106–113

15. Suivant l’article 7 de la Charte, est-il acceptable que les renseignements touchant la sécurité nationale nécessitent une protection juridique?

114–126

16. Les protections mises en place par la nouvelle LIPR constituent-elles des solutions de rechange véritables et substantielles qui respectent les principes de justice fondamentale tout en protégeant les renseignements touchant la sécurité nationale?

127–143

16.1 Les dispositions relatives à la divulgation dans la LIPR (les alinéas 18(1)c) à e)) sont-elles inconstitutionnelles parce qu’elles ne prévoient pas une mise en balance dans le cadre de laquelle il faudrait tenir compte de l’intérêt public, comme le prévoit le paragraphe 38.06(2) de la Loi sur la preuve au Canada?

144–162

16.2 Les dispositions de la LIPR exigeant que les avocats spéciaux demandent l’autorisation du juge avant de communiquer avec qui que ce soit sont-elles trop larges?

163–184

17. Les autres questions

185–188

La norme de preuve

189–191

L’admissibilité de la preuve

192–195

La décision quant au caractère raisonnable du certificat peut être fondée sur des renseignements non divulgués à la personne visée ou divulgués dans des résumés de la preuve

196–202

18. Conclusions visant la première question

203–204

19. L’article premier

205–208

19.1 Le critère de l’arrêt Oakes

209

19.1.1 Un objectif urgent et réel

210–217

19.1.2 Les dispositions légales en cause ont-elles un lien rationnel avec l’objectif urgent et réel?

218–221

19.1.3 Porte-t-on le moins possible atteinte aux droits?

222–227

19.1.4 L’effet attentatoire est-il proportionnel à l’importance de l’objectif poursuivi?

228–232

19.1.5 Conclusion relative à l’article premier

233

20. Conclusion

234–235

21. La certification de questions

236

22. Ordonnance

237

Annexe A

Les plus récentes conditions de remise en liberté

Annexe B

Listes des jugements, ordonnances, communications et résumés

2.         La question constitutionnelle

[2]        Les dispositions 77(2), 78, 83(1)c) à e), 83(1)h), 83(1)i), 85.4(2) et 85.5b) de la LIPR [mod. par L.C. 2008, ch. 3, art. 4] violent‑elles l’article 7 de la Charte aux motifs qu’elles n’établissent pas des normes permettant la tenue d’instructions équitables, qu’elles n’accordent pas à la personne visée le droit de connaître la preuve produite contre elle et d’y répondre et qu’elles font en sorte qu’il est impossible pour la Cour de rendre une décision suffisamment éclairée fondée sur les faits et le droit?

[3]        L’article premier et l’article 7 de la Charte sont ainsi rédigés :

1. La Charte canadienne des droits et libertés garantit les droits et libertés qui y sont énoncés. Ils ne peuvent être restreints que par une règle de droit, dans des limites qui soient raisonnables et dont la justification puisse se démontrer dans le cadre d’une société libre et démocratique.

[…]

Droits et libertés au Canada

7. Chacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne; il ne peut être porté atteinte à ce droit qu’en conformité avec les principes de justice fondamentale.

Vie, liberté et sécurité

[4]        Les dispositions pertinentes de la LIPR sont ainsi libellées :

77. […]

(2) Le ministre dépose en même temps que le certificat les renseignements et autres éléments de preuve justifiant ce dernier, ainsi qu’un résumé de la preuve qui permet à la personne visée d’être suffisamment informée de sa thèse et qui ne comporte aucun élément dont la divulgation porterait atteinte, selon le ministre, à la sécurité nationale ou à la sécurité d’autrui.

[…]

Dépôt de la preuve et du résumé

78. Le juge décide du caractère raisonnable du certificat et l’annule s’il ne peut conclure qu’il est raisonnable.

[…]

Décision

83. (1) Les règles ci-après s’appliquent aux instances visées aux articles 78 et 82 à 82.2 :

[…]

c) il peut d’office tenir une audience à huis clos et en l’absence de l’intéressé et de son conseil — et doit le faire à chaque demande du ministre — si la divulgation des renseignements ou autres éléments de preuve en cause pourrait porter atteinte, selon lui, à la sécurité nationale ou à la sécurité d’autrui;

d) il lui incombe de garantir la confidentialité des renseignements et autres éléments de preuve que lui fournit le ministre et dont la divulgation porterait atteinte, selon lui, à la sécurité nationale ou à la sécurité d’autrui;

e) il veille tout au long de l’instance à ce que soit fourni à l’intéressé un résumé de la preuve qui ne comporte aucun élément dont la divulgation porterait atteinte, selon lui, à la sécurité nationale ou à la sécurité d’autrui et qui permet à l’intéressé d’être suffisamment informé de la thèse du ministre à l’égard de l’instance en cause;

[…]

h) il peut recevoir et admettre en preuve tout élément — même inadmissible en justice — qu’il estime digne de foi et utile et peut fonder sa décision sur celui-ci;

i) il peut fonder sa décision sur des renseignements et autres éléments de preuve même si un résumé de ces derniers n’est pas fourni à l’intéressé;

[…]

  85.4 […]

Protection des renseignements

(2) Entre le moment où il reçoit les renseignements et autres éléments de preuve et la fin de l’instance, l’avocat spécial ne peut communiquer avec qui que ce soit au sujet de l’instance si ce n’est avec l’autorisation du juge et aux conditions que celui-ci estime indiquées.

[…]

Restrictions aux communications — avocat spécial

85.5 […]

b) de communiquer avec toute personne relativement au contenu de tout ou partie d’une audience tenue à huis clos et en l’absence de l’intéressé et de son conseil dans le cadre d’une instance visée à l’un des articles 78 et 82 à 82.2.

Divulgations et communications interdites

3.         Bref historique de l’instance

[5]        Un certificat déclarant M. Harkat interdit de territoire pour raison de sécurité (le certificat de 2008) a été signé par le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile et par le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration et a été déposé à la Cour fédérale en application de la nouvelle Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés [articles 76 à 87.2 (mod. par L.C. 2008, ch. 3, art. 4)] (ci‑après la nouvelle LIPR ou la LIPR) le 22 février 2008. Il est allégué que M. Harkat est interdit de territoire pour raison de sécurité au motif qu’il s’est livré au terrorisme, qu’il constitue un danger pour la sécurité du Canada et qu’il est membre d’une organisation dont il y a des motifs raisonnables de croire qu’elle est, a été ou sera l’auteur d’actes terroristes (voir les alinéas 34(1)c), d) et f) de la nouvelle LIPR ou la LIPR).

[6]        Le 22 février 2008, la Loi modifiant la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (certificat et avocat spécial) et une autre loi en conséquence [L.C. 2008, ch. 3] (ci‑après le projet de loi C‑3 ou la nouvelle LIPR) est entrée en vigueur par suite de la décision d’inconstitutionnalité de la Cour suprême du Canada dans l’affaire Charkaoui c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CSC 9, [2007] 1 R.C.S. 350 (Charkaoui n1). La Cour suprême a conclu que l’ancienne loi [L.C. 2001, ch. 27] contrevenait à l’article 7 de la Charte au motif qu’elle violait le droit de la personne visée de connaître la preuve produite contre elle et le droit d’y répondre et qu’elle ne pouvait pas être sauvegardée par l’article premier de la Charte parce qu’elle ne portait pas le moins possible atteinte aux droits en cause. La Cour suprême a également déclaré que l’ancien article 84(2) qui portait sur les demandes de remise en liberté judiciaire contrevenait à l’article 9 et à l’alinéa 10c) de la Charte parce qu’il n’offrait pas la possibilité aux étrangers de faire contrôler promptement leur détention. Le projet de loi C‑3 a apporté d’importantes modifications à la procédure régissant le contrôle judiciaire des certificats ainsi qu’aux demandes de remise en liberté judiciaire présentées dans ce contexte. Ces modifications comprenaient un nouveau processus de divulgation de renseignements touchant la sécurité nationale et prévoyaient l’intervention d’avocats spéciaux chargés de défendre les intérêts des personnes désignées lors des audiences à huis clos. Le projet de loi C‑3 a également éliminé la distinction entre les résidents permanents et les étrangers aux fins de la remise en liberté judiciaire provisoire. Le certificat de 2008 de M. Harkat a été signé après l’adoption du projet de loi C‑3. Les ministres ont aussi demandé le statu quo quant aux conditions de remise en liberté de M. Harkat.

[7]        Le 26 juin 2008, la Cour suprême du Canada a rendu un second arrêt en matière de procédure de certificats de sécurité dans l’affaire Charkaoui c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CSC 38, [2008] 2 R.C.S. 326 (Charkaoui no 2). Dans ce pourvoi, M. Charkaoui sollicitait l’arrêt des procédures vu la destruction des originaux des notes prises pendant son entrevue menée par le Service canadien du renseignement de sécurité (le SCRS). La Cour suprême du Canada a en partie fait droit au pourvoi de M. Charkaoui. Bien qu’elle ait estimé que l’arrêt des procédures était prématuré, la Cour suprême a conclu que la destruction des notes opérationnelles constituait une grave violation de l’obligation de conservation et de divulgation des renseignements du SCRS. Les juges LeBel et Fish ont fait les observations suivantes au nom de la Cour suprême au paragraphe 53 :

L’application des garanties constitutionnelles accordées par l’art. 7 de la Charte ne dépend toutefois pas d’une distinction formelle entre les différents domaines du droit. Elle dépend plutôt de la gravité des conséquences de l’intervention de l’État sur les intérêts fondamentaux de liberté, de sécurité et parfois de droit à la vie de la personne. Par sa nature, la procédure des certificats de sécurité peut mettre gravement en péril ces droits, comme la Cour l’a reconnu dans l’arrêt Charkaoui. La reconnaissance d’une obligation de divulgation de la preuve fondée sur l’art. 7 devient nécessaire à la préservation de ces droits.

[8]        En conséquence, cette Cour a donc ordonné aux ministres et au SCRS le 24 septembre 2008 de [traduction] « déposer à la section des instances désignées de la Cour les informations et les renseignements concernant Mohamed Harkat y compris, de manière non limitative, les brouillons, les diagrammes, les enregistrements et les photographies que le SCRS a en sa possession ».

[9]        Les avocats spéciaux, en collaboration avec les avocats des ministres et le juge désigné, ont examiné la divulgation effectuée sur le fondement de l’arrêt Charkaoui no 2 et ont cerné les renseignements qu’ils estimaient pertinents pour l’instance. Par suite de l’examen fondé sur ce jugement, des documents d’information ont été produits en preuve (voir les pièces M13, M15, M17, M18, M25 et M26).

[10]      À l’automne 2008, des audiences à huis clos ont été tenues concernant la question de la divulgation de type Charkaoui no 2. En outre, un témoin des ministres a présenté un témoignage à l’appui des allégations contre M. Harkat et du caractère raisonnable du certificat. Vu que la procédure liée à la divulgation de renseignements de type Charkaoui no 2 n’était pas terminée, le contre‑interrogatoire du témoin par les avocats spéciaux n’a porté que sur la question du danger que représentait M. Harkat en lien avec le contrôle de ses conditions de remise en liberté. Le contre‑interrogatoire sur le caractère raisonnable du certificat a été reporté au 23 novembre 2009. Pendant ces audiences à huis clos, la Cour s’est prononcée sur d’autres points soulevés par les avocats spéciaux, tels que leurs demandes d’accès à un dossier d’un employé du SCRS et à des dossiers de sources humaines du SCRS. Dans les deux cas, des motifs de jugement ont été prononcés (voir Harkat (Re), 2009 CF 203 et Harkat (Re), 2009 CF 1050, [2010] 4 R.C.F. 149).

[11]      En octobre 2008, les ministres ont consenti à un changement de résidence et au retrait d’une condition qui obligeait M. Harkat à vivre avec deux cautions de surveillance. Le consentement des ministres était conditionnel à l’acceptation par M. Harkat d’un certain nombre de conditions, telles que l’installation de caméras de surveillance par l’Agence des services frontaliers du Canada (l’ASFC). Les ministres ont aussi accepté de retirer une caution de sécurité.

[12]      En mars 2009, la Cour a contrôlé, lors d’une audience publique, les conditions imposées à M. Harkat. Des audiences à huis clos ont également été tenues pour les débats concernant les renseignements classifiés portant sur le danger. La Cour a conclu que la remise en liberté de M. Harkat sans condition porterait atteinte à la sécurité nationale, mais a confirmé sa remise en liberté suivant des conditions plus appropriées. Par exemple, M. Harkat pouvait rester seul à la maison entre 8 h et 21 h s’il avait donné un préavis de 36 heures à l’ASFC et l’appelait une fois l’heure, à l’heure pile (voir Harkat (Re), 2009 CF 241).

[13]      Le 23 avril 2009, par suite des audiences à huis clos qui étaient en cours, les ministres ont divulgué publiquement des faits sur lesquels ils s’étaient fondés et qui n’avaient pas été divulgués précédemment ainsi qu’un résumé d’autres documents divulgués sur le fondement de l’arrêt Charkaoui no 2 (voir la pièce M15). Ces documents ont été déposés comme pièce même si les avocats ont convenu que le juge désigné ne pouvait se fonder que sur les renseignements dont il avait été question pendant l’interrogatoire et le contre‑interrogatoire des témoins. Cette pièce fait partie du dossier public seulement dans la mesure où elle révèle la portée des renseignements divulgués à M. Harkat sur le fondement de l’arrêt Charkaoui no 2.

[14]      Le 12 mai 2009, une perquisition a été effectuée dans la maison de M. Harkat. La perquisition a fait l’objet d’un contrôle judiciaire, et la Cour a conclu qu’elle n’était pas justifiée et a ordonné que tous les articles saisis soient rendus à M. Harkat (voir Harkat (Re), 2009 CF 659, [2010] 3 R.C.F. 169).

[15]      Le 26 mai 2009, la Cour a reçu une lettre des ministres qui contenait de nouveaux renseignements sur la fiabilité d’une source humaine qui avait fourni des renseignements sur M. Harkat (ci‑après la question du polygraphe). La Cour a donc ordonné aux ministres de déposer de façon confidentielle le dossier de la source humaine, car la Cour disposait d’informations jetant le doute sur l’exhaustivité des renseignements fournis par les ministres. En outre, le 16 juin 2009, la Cour a donné une directive publique offrant à trois témoins du SCRS la possibilité d’expliquer leur témoignage et leur omission de fournir des renseignements pertinents à la Cour. Ils ont accepté l’invitation de la Cour.

[16]      Dans leurs observations, les avocats spéciaux ont sollicité comme réparation en vertu du paragraphe 24(1) de la Charte l’exclusion de l’ensemble des renseignements fournis par la source humaine en cause. Le 15 octobre 2009, la Cour a rendu une ordonnance publique et prononcé les motifs y afférents (Harkat (Re), 2009 CF 1050, [2010] 4 R.C.F. 149). La Cour a estimé que les employés du SCRS n’avaient pas eu l’intention d’omettre ou de dissimuler des renseignements concernant la source humaine et qu’il n’existait pas de motifs suffisants pour conclure que les droits que tirait M. Harkat de la Charte avaient été violés. Cependant, la Cour a ordonné que les avocats spéciaux et la Cour aient accès à un autre dossier ayant trait à la source humaine et sur lequel les ministres s’étaient fondés, annulant ainsi le privilège relatif aux sources humaines, et ce, afin de dissiper toute inquiétude quant à la capacité des avocats spéciaux de pleinement contester la preuve. La Cour a estimé que c’était nécessaire pour réparer l’atteinte portée à la bonne administration de la justice et pour rétablir le climat de confiance pendant l’instance. Une nouvelle pièce a été déposée par les ministres et elle reflétait adéquatement le contenu du dossier de la source humaine ayant trait au test du polygraphe.

[17]      Le 21 septembre 2009, M. Harkat a déposé une demande en révision de ses conditions de remise en liberté. Sur le fondement d’une nouvelle évaluation de la menace effectuée par les ministres, un grand nombre de restrictions ont été retirées. Par exemple, M. Harkat peut désormais faire des sorties sans la présence de ses cautions et voyager à l’extérieur de la région d’Ottawa suivant certaines conditions (Harkat (Re), 2009 CF 1008). M. Harkat est encore assujetti à certaines restrictions énumérées à l’annexe A des présents motifs.

[18]      Pendant les audiences à huis clos précédant le début de l’audience publique concernant le caractère raisonnable du certificat, les avocats spéciaux ont soulevé une question quant à certains renseignements fournis par des tiers lesquels, selon eux, devaient être communiqués à M. Harkat. Ces renseignements faisaient l’objet d’une mise en garde dans le milieu du renseignement selon laquelle il fallait obtenir une permission pour pouvoir les divulguer. Cette question délicate a longuement été débattue lors d’audiences à huis clos. Les avocats spéciaux ont convenu qu’il fallait que la source de l’information donne son autorisation avant que soient divulgués certains renseignements. Les ministres ont établi un processus pour solliciter de telles autorisations dans des cas particuliers. Certains renseignements ont en définitive été divulgués à M. Harkat par voie de résumés ou de communications.

[19]      Les avocats spéciaux et les avocats pour les audiences publiques (ci‑après les avocats publics) ont essayé d’obtenir des renseignements à jour sur MM. Zubaydah et Wazir, deux personnes qui auraient des liens avec M. Harkat. Des audiences à huis clos ont été tenues, et la question a longuement été examinée. Lorsque c’était possible, des renseignements ont été communiqués publiquement (voir, par exemple, le document du 12 mai 2010). À la fin des audiences publiques, la Cour a informé les parties que tout nouveau renseignement sur ces deux personnes pourrait être déposé à la Cour jusqu’au 31 août 2010, et ce, bien que la Cour ait pris en délibéré l’affaire le 2 juin 2010. Un résumé d’information a été fourni à M. Harkat et aux avocats publics par suite d’un échange de messages entre les avocats des ministres, les avocats spéciaux et la Cour (voir la communication orale, le 1er septembre 2010).

[20]      Suivant la LIPR et l’arrêt Charkaoui no 2, les personnes participant aux audiences à huis clos ont eu pleinement accès à l’ensemble des renseignements du SCRS portant sur M. Harkat ainsi qu’à d’autres renseignements de sécurité. Elles ont eu accès à des renseignements concernant des cibles, des personnes suscitant des doutes, des façons de procéder et des modus operandi, des échanges de renseignements avec des organismes étrangers, des rapports d’enquêtes, des noms possibles de sources humaines, etc. Ils ont également pu avoir un aperçu de la façon dont le Service canadien du renseignement de sécurité fonctionne à l’interne lorsqu’il recueille et examine des renseignements. Ce type d’information est très sensible.

[21]      Au cours de la présente instance, M. Harkat a été représenté par trois avocats publics et deux avocats spéciaux. Cinq avocats sont intervenus au nom des ministres; seulement trois d’entre eux ont participé aux audiences à huis clos. Les avocats spéciaux ont participé à toutes les audiences publiques et sont intervenus occasionnellement concernant un certain nombre de questions en litige publiques.

4.         Bref aperçu des audiences sur le caractère raisonnable du certificat — résumés, communications et ordonnances

[22]      Les audiences publiques sur le caractère raisonnable du certificat visant M. Harkat ont été tenues le 4 novembre 2008, du 18 janvier au 12 février 2010 et du 8 mars au 11 mars 2010. L’audition publique et l’audition à huis clos des observations orales ont eu lieu entre le 25 mai et le 1er juin 2010. Les audiences à huis clos ont été tenues par intermittence de septembre 2008 à mai 2010. Deux témoins ont déposé au nom des ministres lors des audiences publiques. L’un d’eux a été reconnu comme témoin expert.

[23]      Le défendeur, M. Harkat, a témoigné. Sept témoins qu’il avait cités ont également été entendus, et cinq d’entre eux à titre de témoins experts sur un éventail de sujets. Un autre témoin expert n’a pas déposé, mais son rapport a été présenté comme pièce.

[24]      Près de 20 témoins ont été contre‑interrogés lors d’audiences à huis clos sur un certain nombre de questions telles que le caractère raisonnable du certificat, le test du polygraphe, l’évaluation de la menace, les divulgations de type Charkaoui no 2, les sources humaines, etc. Par conséquent, des communications et des directives ont été divulguées à M. Harkat afin de l’informer de ce dont il avait été question à huis clos, sans que soient divulgués des renseignements qui pourraient porter atteinte à la sécurité nationale ou à la sécurité d’autrui. En outre, les avocats spéciaux ont demandé 18 fois l’autorisation de communiquer avec les avocats publics et d’autres personnes. La Cour a fait droit à plus de 12 de ces demandes. L’annexe B renferme un aperçu de l’ensemble des jugements, ordonnances, communications et résumés.

5.         Les allégations factuelles formulées contre M. Harkat et la divulgation de la preuve

[25]      Le certificat de sécurité est appuyé par un rapport de renseignement de sécurité confidentiel à partir duquel a été produit un rapport public de renseignement de sécurité (pièce M5) qui a été déposé le 22 février 2008 et fourni à M. Harkat. Il était possible de consulter cette pièce lorsque les deux avocats spéciaux ont été nommés, et M. Harkat et ses avocats publics ont disposé d’au moins un mois pour en discuter avant qu’on leur communique les renseignements classifiés. Par la suite, les avocats spéciaux ont dû demander l’autorisation de la Cour pour communiquer parce qu’ils avaient eu accès au rapport de renseignement confidentiel de sécurité. Un rapport public révisé de renseignement de sécurité (le RPRRS — pièce M7) a été fourni le 6 février 2009; il a été produit par suite d’un processus de longue durée d’examen des renseignements classifiés effectué lors des audiences à huis clos auquel ont participé toutes les parties et qui a permis la divulgation de renseignements supplémentaires. De façon générale, il est allégué dans le RPRRS que M. Harkat, avant et après son arrivée au Canada, s’était livré au terrorisme en soutenant des activités terroristes en tant que membre d’une organisation terroriste connue sous l’appellation réseau ben Laden (le RBL). Les allégations et la preuve produites par les ministres sont les suivantes :

[traduction]

a)   Avant son arrivée au Canada en octobre 1995, Harkat était un membre actif du réseau ben Laden et était lié à des individus que l’on croyait appartenir à ce réseau. Il a menti au sujet de ses activités au Pakistan : il a caché aux autorités canadiennes le soutien qu’il a apporté à des organisations extrémistes islamiques;

b)   En Algérie, Harkat était membre du Front islamique du salut (le FIS), un parti politique licite à cette époque. Harkat a reconnu qu’il appuie le FIS depuis 1989. Après avoir été déclaré illégal, le FIS a mis sur pied une branche militaire, l’Armée islamique du salut, qui a adopté une doctrine prônant la violence politique, et elle était liée au Groupe islamique armé (le GIA). Le GIA appuyait une doctrine fondée sur la perpétration d’actes de violence immoraux et aveugles dont même les civils étaient la cible. Lorsque le FIS a coupé les ponts avec le GIA, Harkat a fait savoir qu’il était loyal au GIA. La décision de Harkat de se mettre du côté du GIA révèle qu’il est pour le recours à la violence terroriste;

c)   Harkat était lié à Ibn Khattab;

d)   L’Algérien Mohammad Adnani (alias Harkat), un ancien soldat en Afghanistan, était membre d’une organisation terroriste égyptienne, soit Al-Jama’a al-islamiya (l’AJAI);

e)   Après son arrivée au Canada, Harkat s’est livré à des activités au nom du réseau ben Laden en utilisant des méthodes typiques des agents dormants;

f)    À l’appui de leurs activités clandestines, les membres du réseau ben Laden ont recours à de faux documents. Lorsque Harkat est arrivé au Canada, il avait deux passeports en sa possession, un passeport saoudien et un passeport algérien. Le passeport saoudien, qui était au nom de Mohammed S. Al Qahtani, a été vérifié et déclaré faux. Il a été déterminé que les passeports saoudiens sont les passeports les plus utilisés par les extrémistes musulmans qui sont entrés au Canada avant 2002 : les détenteurs de passeport saoudien n’avaient pas besoin de visa pour entrer au Canada;

g)   Harkat a employé des noms d’emprunt tels que Mohammed M. Mohammed S. Al Qahtani, Abu Muslim, Abu Muslima, Mohammad Adnani, Mohamed Adnani, Abu [sic] Muslim, Mohammed Harkat et Mohamed — le Tiarti, et les a gardés secrets afin de cacher son identité et de dissimuler ses véritables activités au nom du réseau ben Laden;

h)   Harkat est resté discret parce qu’il devait obtenir un statut au Canada, après quoi il serait « prêt ». Il était un agent dormant entré au Canada pour s’établir dans la collectivité afin de mener des activités clandestines à l’appui de l’extrémisme islamique;

i)    Harkat a eu recours à des techniques de sécurité et il était au fait des questions de sécurité parce qu’il a pris de très grandes précautions pour ne pas être repéré;

j)    Harkat a tenu secrètes ses allées et venues précédentes, y compris le temps qu’il a passé en Afghanistan. Il a également dissimulé ses liens avec des extrémistes islamistes, notamment ses liens avec des personnes au Canada, en partie pour se dissocier des individus ou des groupes qui auraient pu appuyer le terrorisme;

k)   Harkat a maintenu ses liens avec la structure financière du réseau ben Laden et a dissimulé ces liens. Il avait accès à de l’argent provenant du réseau ben Laden et en a reçu, conservé ou investi au Canada. Il a également des liens avec Hadje Wazir, un banquier qu’il a connu au Pakistan et que l’on croit être Pacha Wazir, une personne participant au financement du terrorisme au moyen de transactions financières pour Ibn Khattab et le réseau ben Laden;

l)    Harkat a aidé des extrémistes islamistes au Canada, a facilité leur entrée au Canada et a gardé secrètes leurs activités. Harkat a donné des conseils à Wael (alias Mohammed Aissa Triki) sur son processus d’immigration au Canada et il lui a notamment conseillé de nier connaître des personnes vivant au Canada et de communiquer avec lui au terme de son processus d’immigration. Harkat a parlé à Abu Messab Al Shehre pendant qu’il était à Londres, au Royaume‑Uni. Al Shehre a été fouillé à son arrivée au Canada et il était en possession de divers documents (c.‑à‑d. une liste d’achat de munitions et d’armes) et de divers articles (c.‑à‑d. des armes ou des parties d’armes), y compris un bandeau habituellement porté au combat par des extrémistes islamistes et que l’on croyait être couvert de versets du Coran. Al Shehre a été détenu et Harkat lui a rendu visite en prison, mais Harkat a nié l’avoir rencontré auparavant;

m)  Harkat a communiqué avec de nombreux extrémistes islamiques à l’étranger, notamment les membres du réseau ben Laden, et d’autres extrémistes islamistes, dont Ahmed Said Khadr et Abu Zubaydah.

[26]      Les annexes du RPRRS renferment une brève description d’organisations ou de personnes comme Al‑Qaïda, le Groupe islamique armé (GIA), Ibn Khattab et Ahmed Said Khadr. Elles renferment également 6 résumés du SCRS portant sur des entrevues de M. Harkat tenues entre le 1er mai 1997 et le 14 septembre 2001 ainsi que 13 résumés de conversations (les conversations K). Ces résumés de conversations concernent M. Harkat : soit il participait à la conversation, soit il en était l’objet, et les conversations avaient eu lieu entre septembre 1996 et septembre 1998. Les ministres les invoquent comme preuve à l’appui de leurs allégations. De tels éléments d’information n’avaient jamais été divulgués auparavant. Grâce à une réécriture prudente, le contenu de ces conversations a été tiré du cahier de renseignements du SCRS et a été déposé en tant que pièce. C’est grâce aux avocats qui ont participé aux audiences à huis clos que cette divulgation a été possible. Enfin, le RPRRS renferme également des renseignements publics qui ont été invoqués et des documents d’immigration portant sur M. Harkat. Ce type d’éléments de preuve révèle l’opinion que les ministres ont de la situation de M. Harkat.

[27]      Par suite des examens continus des renseignements classifiés ayant eu lieu pendant les audiences à huis clos, des allégations factuelles et des éléments de preuve plus précis ont été fournis à M. Harkat et déposés publiquement le 23 avril 2009 (voir la pièce M10) :

[traduction]

a)   Harkat dirigeait un « lieu d’hébergement » en banlieue de Peshawar, au Pakistan. Des renseignements donnent à penser que le lieu d’hébergement pourrait être lié à Ibn Khattab et avoir été utilisé par des moudjahidines qui se rendaient dans des camps de formation en Afghanistan ou qui en revenaient avec l’aide de Harkat;

b)   Des renseignements révèlent que Harkat avait accès à de l’argent lorsqu’il en avait besoin. Après son arrivée au Canada, Harkat a reçu de l’argent de personnes à l’étranger;

c)   Des renseignements montrent que Harkat a travaillé pour la même organisation qu’Ahmed Said Khadr (Human Concern International) et qu’il connaissait Khadr avant de venir au Canada. En outre, des renseignements donnent à penser que l’on a confié à Harkat des tâches précises à accomplir pour aider Khadr.

[28]      Les avocats spéciaux ont soutenu que de tels renseignements devaient être divulgués afin que M. Harkat soit adéquatement informé. Des documents bien conçus et fondés sur des renseignements sensibles ont permis cette divulgation. Le 10 février 2009, les ministres ont déposé un rapport secret supplémentaire en matière de sécurité à partir duquel a été produit un rapport public supplémentaire en matière de sécurité (pièce M11), dans lequel ils alléguaient ce qui suit :

[traduction]

a)   De 1994 à 1995, Abu Muslim (alias Harkat) était un djihadiste actif à Peshawar et travaillait pour Ibn Al Khattab, et non Al-Qaïda, pour qui il faisait des courses et était chauffeur;

b)   De 1994 à 1995, Dahhak était l’un des amis de HARKAT. En février 1997, HARKAT a communiqué avec une personne au Pakistan qu’il a appelé Hadje Wazir. HARKAT a dit s’appeler « Muslim » du Canada, et a demandé à Wazir s’il connaissait Al Dahhak, ce à quoi Wazir a répondu par la négative. On croit que les noms Dahhak, Al Dahhak et Abu Dahhak (alias Ali Saleh Husain) désignent la même personne et que cette personne est liée à Al-Qaïda;

c)   Pendant qu’il était au Pakistan, il était reconnu que HARKAT avait les cheveux aux épaules et boitait visiblement.

[29]      Ces renseignements ont été rendus publics par suite de nombreuses demandes présentées par les avocats spéciaux et, en définitive, avec la collaboration des avocats des ministres. À la suite de l’examen des dossiers secrets effectué selon l’arrêt Charkaoui no 2, des renseignements plus précis ont été divulgués à M. Harkat :

[traduction]

1996

Communication avec Mohammed Aissa Triki

En septembre 1996, Harkat a discuté avec des connaissances de la visite prochaine de son ami tunisien Wael au Canada, qui a utilisé le nom de Mohammed Issa pour sa visite au Canada. (On croit que Wael est Mohammed Aissa Triki). Harkat a donné des conseils à « Wael » sur son processus d’immigration au Canada. Harkat a conseillé à Triki de donner son récit sans le changer et de ne pas mentir. Puis Harkat a conseillé à Triki de nier connaître des personnes au Canada et lui a dit de communiquer avec lui au terme de son processus d’immigration. Triki, qui a affirmé avoir 45 000 $ lorsqu’il est arrivé à Montréal en septembre 1996, s’est directement rendu à Ottawa et a demeuré chez Harkat.

Triki a quitté Toronto le 23 octobre 1996 muni d’un faux passeport saoudien au nom de Mohamed Sayer Alotaibi. Plus tard, en novembre 1996, on a appris que Harkat rembourserait une personne pour toute facture de téléphone impayée visant les appels faits par Triki pendant qu’il était au Canada.

Processus d’immigration

En octobre 1996, on a appris que Harkat ne voulait être associé à personne tant qu’il n’aurait pas terminé son processus d’immigration.

Situation financière

En novembre 1996, lors d’une conversation entre Harkat et une autre personne, cette dernière a demandé combien Harkat était prêt à payer pour s’acheter une automobile. Harkat a dit que l’argent n’était pas un problème pour lui. Il a ajouté qu’il paierait jusqu’à 8 000 $ pour une automobile en bon état. En décembre 1996, Harkat a informé une personne qu’il paierait 7 650 $ pour l’automobile. Lorsqu’on lui a demandé s’il avait l’argent en main, Harkat a répondu que son ami à l’école où il apprenait l’anglais l’avait assuré qu’il allait mettre cette somme à sa disposition. Harkat a ajouté que l’argent se trouvait aux États‑Unis et qu’il transférerait l’argent.

Communication avec Abu Messab Al Shehre

En novembre 1996, Abu Messab Al Shehre a parlé à Harkat depuis Londres, au Royaume-Uni. Al Shehre a appelé Harkat « Abu Muslim » et lui a demandé comment les [traduction] « frères » se portaient. Quand Al Shehre a dit que Harkat pourrait se souvenir de lui comme étant « Abu Messab Al Shehre de Babi », Harkat, qui s’était identifié en tant que Mohammed, a rapidement dit qu’Abu Muslim n’était pas là. Quand Al Shehre lui a demandé où se trouvait Abu Muslim, Harkat a répondu qu’il ne le savait pas et qu’il ne savait pas non plus quand il serait de retour. En conclusion, Al Shehre a dit qu’il était désolé de l’avoir dérangé et l’a appelé Sheikh Mohamed. Plus tard, en novembre 1996, Harkat a reçu les excuses d’Abu Messab Al Shehre pour avoir utilisé son alias, Abu Muslim; Harkat essayait d’éviter d’être appelé Abu Muslim. En décembre 1996, Harkat a révélé à une personne qu’il connaissait très bien Al Shehre et qu’Al Shehre était son ami.

À son arrivée au Canada en décembre 1996, les effets personnels d’Al Shehre ont été fouillés par des agents de Revenu Canada Douanes et Accise (RCDA), maintenant connu sous l’appellation Agence des services frontaliers du Canada (ASFC). Al Shehre avait en sa possession divers documents et articles, notamment une liste d’achat de munitions et d’armes (p. ex., fusil Kalashnikov, grenade propulsée par fusée) et des documents expliquant comment tuer. Parmi les armes saisies par RCDA lors de la fouille, on comptait un nunchaku (une arme interdite suivant le Code criminel du Canada), une cordelette servant à étrangler et une épée de samouraï (wazi). On a également trouvé un étui d’épaule (apparemment utilisé pour porter un pistolet fait en Russie), un passe‑montagne et un bandeau habituellement porté au combat par les extrémistes islamistes et que l’on croyait être couvert de versets du Coran. Par conséquent, Al Shehre a été détenu par RCDA.

Au cours de cette période, Harkat a régulièrement communiqué avec des connaissances pour se tenir informé de la situation d’Al Shehre. Harkat a insisté pour que l’une de ces connaissances trouve de l’argent pour payer l’avocat d’Al Shehre et il lui a proposé d’appeler le frère d’Al Shehre à l’étranger pour lui demander de l’argent. Harkat s’est tenu informé de la situation d’Al Shehre jusqu’à ce que ce dernier soit expulsé vers l’Arabie saoudite le 29 mai 1997, où il a été arrêté le 30 mai 1997.

1997

Processus d’immigration

En février 1997, Harkat a informé certaines connaissances qu’il avait été accepté en qualité de réfugié et qu’il pouvait maintenant présenter une demande afin d’obtenir le droit d’établissement.

Communication avec Hadje Wazir

En février 1997, Harkat a communiqué avec une personne au Pakistan qu’il a appelé Hadje Wazir, et il a dit s’appeler « Muslim » du Canada. Harkat a par la suite posé des questions au sujet de « Khattab » (que l’on croit être Ibn Khattab) ou de l’un ou l’autre de ses [traduction] « hommes ». Wazir a répondu que Khattab n’avait pas été vu depuis longtemps, mais que l’on avait vu ses hommes. Harkat a alors demandé si Wael (que l’on croit être Mohammed Aissa Triki) rendait régulièrement visite à Wazir, ce à quoi Wazir a répondu dans l’affirmative. Harkat lui a donné son numéro de téléphone et a demandé que Wael communique avec lui. Il a également demandé que l’on fournisse son numéro de téléphone soit à Wael, soit à tout autre frère qui se présentait au commerce de Wazir pour effectuer des transactions. Harkat a par la suite expliqué qu’il avait l’habitude de faire des transactions au commerce de Wazir.

En août 1997, Harkat a dit qu’il avait l’intention de se rendre où Hadje Wazir demeurait et de lui demander de l’argent. Il a ajouté qu’il pouvait facilement obtenir de l’argent de Hadje Wazir.

Communication avec Ahmed Said Khadr

En mars 1997, Harkat a dit qu’il avait rencontré Ahmed Said Khadr au Islamic Information and Education Centre (IIEC) à Ottawa et qu’il le verrait de nouveau sous peu.

Liens avec Abu Zubaydah

En mars 1997, Harkat a discuté d’arrangements financiers avec une connaissance à Ottawa qui a affirmé avoir communiqué avec Abu Zubaydah à [traduction] « l’endroit » où Harkat [traduction] « se trouvait avant ». Abu Zubaydah voulait que Harkat l’aide à payer les frais juridiques d’Abu Messab Al Shehre et il lui a demandé s’il pourrait fournir 1 000 $. Harkat a répondu qu’il était prêt à payer cette somme si Abu Zubaydah communiquait avec lui. Lorsqu’on lui a demandé s’il ne craignait pas qu’Abu Zubaydah l’appelle à la maison, Harkat a répondu par la négative et il a affirmé qu’il le connaissait personnellement. À un certain moment pendant la discussion, la connaissance a parlé d’Abu Zubaydah comme étant Addahak/Aldahak.

Emploi

En mars 1997, Harkat a discuté avec un partenaire d’affaires potentiel de la possibilité de fonder une entreprise commerciale ensemble. Harkat a révélé qu’il voyagerait pour aller voir un ami commun et pour obtenir des fonds de cet ami. Il a expliqué qu’il ouvrirait au Canada une franchise de l’entreprise de leur ami commun. Harkat a également ajouté qu’il se rendrait en Arabie Saoudite pour obtenir l’argent si son partenaire potentiel considérait sérieusement établir un partenariat d’affaires. Le partenaire a dit que la meilleure entreprise que lui et Harkat pourraient exploiter serait une station‑service. Cette entreprise exigerait 45 000 $ de chaque partenaire. Harkat a répondu que l’argent n’était pas un problème pour lui.

En octobre 1997, Harkat a commencé à travailler en tant que livreur dans une pizzéria à Orléans, mais il a démissionné deux jours plus tard.

Études

En septembre 1997, Harkat s’est inscrit en tant qu’étudiant à temps plein à une école secondaire pour adulte à Ottawa. Harkat voulait continuer ses études en anglais, en physique et en chimie.

Activités antérieures

En octobre 1997, Harkat a avisé une connaissance que le SCRS avait interrogé Mohammed Elbarseigy pendant six heures et que ce dernier leur avait dit tout ce qu’il savait à son sujet, y compris le fait qu’il avait travaillé à Amanat.

De 1998 à 1999

Communication avec Abu Messab Al Shehre

En février 1998, lors d’une conversation avec Abu Messab Al Shehre, qui se trouvait en Arabie saoudite à ce moment‑là, Al Shehre, qui s’est adressé à Harkat comme étant leur Sheikh, a demandé à Harkat comment il voyait son amitié avec lui. Harkat a répondu qu’il s’agissait d’un genre de confrérie. Al Shehre a répliqué qu’il s’agissait davantage que d’une confrérie. Harkat a dit que, vu qu’il devait obtenir un statut au Canada, il avait essayé de rester discret pendant la détention d’Al Shehre, mais qu’il avait été en mesure d’envoyer une connaissance à la prison et de l’aider de diverses façons. Harkat a demandé à Al Shehre d’envoyer 1 500 $ afin de payer les honoraires d’avocat de ce dernier. Il a conseillé à Al Shehre d’obtenir les fonds du « groupe » s’il ne pouvait pas trouver l’argent lui‑même. Harkat a ouvertement affirmé qu’il devait se faire [traduction] « discret » parce qu’il fallait qu’il obtienne son statut au Canada. En outre, Harkat a dit à Al Shehre que, dès que son [traduction] « statut » allait lui être accordé, il serait [traduction] « prêt ».

Projet de mariage

En juin 1998, Harkat a dit à une connaissance qu’il craignait d’être renvoyé du pays par les autorités du Canada et qu’il avait donc décidé d’épouser une musulmane canadienne afin d’éviter d’être expulsé.

En février 1999, Harkat a dit à sa petite amie à Ottawa qu’il lui rendrait visite le lendemain afin de la demander en mariage.

En juillet 1999, Harkat a révélé à une connaissance que ses parents lui avaient également trouvé une épouse en Algérie. Lorsqu’on lui a proposé de faire venir cette femme au Canada, Harkat a affirmé que sa petite amie du moment à Ottawa ne l’accepterait pas.

Emploi

En 1998 et 1999, Harkat a travaillé dans diverses stations‑services et dans une pizzéria.

En octobre 1998, Harkat a révélé à une connaissance qu’il avait l’intention d’acheter le bail d’une station‑service si on lui accordait son statut. Harkat a ajouté qu’il n’avait aucun problème à trouver de l’argent. Il n’avait besoin que d’un dépôt de 25 000 $.

En août 1999, Harkat a pris rendez‑vous avec Canada Trust pour discuter de la possibilité d’obtenir un prêt de 30 000 $ afin d’investir dans une station‑service.

Plans pour se rendre en Algérie et en Tunisie

En décembre 1998, Harkat a révélé qu’il rendrait visite à sa famille en Algérie à l’été 2001. En août 1999, Harkat a dit à une connaissance que sa famille lui avait déconseillé de retourner en Algérie et qu’il leur avait alors proposé qu’ils se rencontrent en Tunisie. Harkat a ajouté que, s’il se rendait en Algérie, il risquait d’être arrêté simplement parce qu’il était important au sein du Front.

Études

En août 1999, Harkat a laissé savoir qu’il s’inscrirait à une école secondaire pour adulte afin de suivre des cours d’anglais langue seconde.

En décembre 1999, Harkat cherchait quelqu’un qui puisse passer l’examen de chauffeur de taxi à sa place. En février 2000, une connaissance de Harkat lui a dit avoir trouvé quelqu’un qui pourrait passer l’examen de chauffeur de taxi à sa place.

Situation financière

En octobre 1999, Harkat a confié à sa petite amie qu’il avait fait une erreur en quittant son autre emploi. Il a ajouté qu’il ne pouvait pas se permettre de ne pas avoir deux emplois parce qu’il devait payer de lourdes factures. Il a ajouté qu’après s’être disputé avec le propriétaire de la pizzéria au sujet de son horaire et d’une augmentation de salaire le propriétaire l’avait congédié. Harkat a dit que, grâce à ses deux emplois, il faisait auparavant 2 500 $ par mois, mais que maintenant, avec un seul emploi à la station‑service, il travaillait sept jours par semaine et ne gagnait que 1 500 $ par mois. Harkat a aussi estimé que sa situation s’améliorerait s’il pouvait passer l’examen de chauffeur de taxi en novembre 1999. Cependant, avant la fin du mois de novembre, il travaillait de nouveau à la pizzéria et avait le même horaire. Il a expliqué qu’il était retourné travailler à la pizzéria parce qu’il devait payer ses dettes.

De 2000 à 2002

Processus d’immigration

Entre 2000 et 2002, Harkat était très inquiet quant à l’état d’avancement de sa demande de résidence permanente et a souvent fait part de sa situation difficile à ses amis. En outre, pendant cette période, Harkat communiquait régulièrement avec Citoyenneté et Immigration Canada (CIC) afin de s’informer de l’état d’avancement de sa demande.

Mariage

En mars 2000, Harkat croyait que la seule solution à ses problèmes d’immigration était de se marier. En avril 2000, Harkat s’est trouvé une nouvelle petite amie, Sophie Lamarche. Harkat ne voulait pas lui mettre de la pression pour qu’ils se marient, mais il pensait qu’il pourrait la garder comme solution de rechange.

En avril 2000, Harkat a révélé avoir parlé à Sophie au sujet de sa situation et il a dit que Sophie, en réponse, lui avait promis qu’elle l’aiderait en temps utile. Harkat a ajouté que, si quelque chose arrivait, il la marierait.

En mai 2001, on a appris que Harkat avait épousé Sophie en janvier 2001. Plus tard en mai 2001, Harkat a affirmé que son mariage avec Sophie n’était pas sérieux et qu’il pourrait la quitter à tout moment.

Plans pour se rendre en Algérie

En mars 2000, Harkat prévoyait se rendre en Algérie en août 2000. En mai 2001, il a dit qu’une fois qu’il obtiendrait son statut de résident permanent, il irait en Algérie. En juin 2001, Harkat a mentionné qu’il aimerait obtenir bientôt son statut de résident permanent pour pouvoir se rendre en Algérie. En juillet 2001, Harkat a fait savoir qu’il prévoyait se rendre en Algérie en janvier 2002.

Cours

En juillet 2001, Harkat a commencé un cours de conduite de camion.

Jeu au casino

En décembre 2001, Harkat a révélé qu’il allait au casino depuis cinq ans et qu’il continuait d’y aller. De 1997 à 2002, Harkat est régulièrement allé au Casino du Lac-Leamy à Hull (Gatineau) ainsi qu’au Casino de Montréal, quoiqu’il y soit allé moins souvent. Pendant cette période, Harkat a gagné et a perdu de grandes sommes d’argent. Selon Harkat, en juin 2001, le casino lui a offert une passe pour un siège en première rangée au théâtre pour qu’il puisse assister à tous les spectacles présentés au casino parce que le casino savait qu’il avait perdu 100 000 $ au jeu. Par conséquent, Harkat a souvent dû emprunter de l’argent à sa petite amie et à son frère au cours des années. Pendant son témoignage présenté devant la Cour fédérale le 27 octobre 2004, Harkat a reconnu avoir un problème de jeu.

Emploi

En février 2000, Harkat avait trois emplois : pompiste, livreur de pizza et livreur de pièces d’automobile. En mars 2000, Harkat a quitté son emploi à la pizzéria et a perdu ses deux autres emplois, mais il en a trouvé deux autres, dont un dans une station‑service.

En décembre 2001, Harkat était prestataire de l’assurance‑emploi pendant qu’il travaillait dans une pizzéria. Harkat a dit que le gérant de la pizzéria avait accepté de signer une lettre affirmant qu’il avait commencé à travailler le 15 décembre, et que si on lui posait des questions il affirmerait qu’il travaillait bénévolement à la pizzéria lorsqu’il s’ennuyait à la maison ou qu’il voulait rendre service au gérant lorsqu’il avait besoin d’aide. Harkat n’a jamais été payé par chèque, par conséquent, rien n’a pu être prouvé.

Emploi précédent

En septembre 2001, Harkat a dit qu’il avait travaillé pour le Human Concern International en Arabie Saoudite et pour l’entreprise « Muslim ».

(Voir pièce M15 — Les passages soulignés indiquent ce qui avait déjà été divulgué à M. Harkat. Cette pièce faisait partie de la divulgation effectuée sur le fondement de l’arrêt Charkaoui no 2. Les deux groupes d’avocats ont convenu que ce ne sont pas tous les renseignements se trouvant dans cette pièce qui pouvaient être utilisés en preuve devant la Cour : seuls les renseignements utilisés lors de l’interrogatoire et du contre‑interrogatoire des témoins peuvent être ainsi utilisés. L’information est incluse pour démontrer l’ampleur de la divulgation faite à M. Harkat.)

[30]      D’autres résumés de conversations qu’il a eues en mai et juin 2001 avec des membres de sa famille, des amis ainsi qu’avec une fiancée et sa mère en Algérie ont été mis à la disposition de M. Harkat et ajoutés au rapport public de renseignement de sécurité par suite de la décision Harkat (Re), 2009 CF 167. Ces résumés ont été divulgués à M. Harkat et à ses avocats qui ont par la suite eu 10 jours pour signifier et déposer une requête afin que la Cour ordonne que ces résumés de conversations soient traités de façon confidentielle. Vu que M. Harkat n’a pas présenté une telle requête, les résumés ont dès lors fait partie du rapport public révisé de renseignement de sécurité (voir la pièce M7, à l’annexe K).

[31]      Dans le cadre des audiences publiques, 51 pièces ont été déposées par les ministres, 82 pièces ont été déposées par M. Harkat et 9 témoins ont déposé. La preuve publique est volumineuse et donne une bonne idée des faits de l’affaire, de l’histoire de l’Islam et de la situation politique de l’époque dans des pays tels que l’Algérie, l’Arabie saoudite, le Pakistan, l’Afghanistan et la Russie (Tchétchénie et Daguestan). La preuve permet également de comprendre le régime d’immigration canadien dans la mesure où il a trait à M. Harkat. La preuve publique a permis à M. Harkat de connaître l’ensemble des allégations formulées contre lui ainsi que certains éléments de preuve factuels pertinents à l’appui de ces allégations. M. Harkat ne pouvait pas connaître l’ensemble des faits, mais ce qu’il en savait lui a permis de répondre à la preuve présentée contre lui, comme il a été possible de le constater pendant son témoignage. Les observations écrites des avocats publics de M. Harkat révèlent clairement la connaissance qu’il avait de la preuve présentée contre lui.

[32]      De nombreuses pièces ont été déposées par les ministres et les avocats spéciaux dans le cadre des audiences à huis clos. Des témoins ont été contre‑interrogés. Toutes les possibilités pertinentes ont été examinées. En raison de la question du polygraphe, des dossiers complets portant sur des sources humaines ont été exceptionnellement produits, lus et examinés. Tous les intervenants ont été pleinement mis au courant et ont été capables de s’acquitter de leurs obligations en conséquence.

[33]      Les documents tirés de sources accessibles au public invoqués par les ministres ont été contestés par M. Harkat grâce au témoignage de Mme Lisa Given, professeure associée à l’École de bibliothéconomie et des sciences de l’information de la Faculté d’éducation de l’Université de l’Alberta à Edmonton. Elle a clairement montré qu’on ne peut pas se fonder sur l’ensemble des renseignements et que les renseignements doivent être rigoureusement examinés.

[34]      Les audiences publiques ont permis à M. Harkat, au moyen de témoignages d’experts, de produire ses propres documents tirés de sources accessibles au public.

6.         Les prétentions des parties

            Le résumé des observations présentées par M. Harkat

[35]      Le demandeur soutient que la procédure des certificats de sécurité constitue une violation de l’article 7 de la Charte parce qu’elle ne donne pas à la personne visée la possibilité de connaître la preuve produite contre lui et d’y répondre. Plus précisément, le demandeur affirme que la procédure des certificats de sécurité viole l’article 7 de la façon suivante :

- Le paragraphe 77(2) de la LIPR ne donne pas au demandeur la possibilité de connaître la preuve produite contre lui et d’y répondre parce qu’il prévoit que seul un résumé de la preuve doit être fourni au demandeur;

- L’alinéa 83(1)e) de la LIPR viole l’article 7 de la Charte parce qu’il interdit automatiquement la divulgation de la preuve au demandeur sur le fondement de la sécurité nationale;

- L’alinéa 83(1)i) contrevient aux mêmes principes de justice fondamentale et viole donc l’article 7 de la Charte parce qu’il permet au juge de fonder sa décision sur des renseignements et autres éléments de preuve, et ce, même si un résumé de ces derniers n’a pas été divulgué au demandeur;

- Le paragraphe 85.4(2) et l’article 85.5 violent l’article 7 de la Charte parce qu’ils interdisent aux avocats spéciaux de communiquer avec qui que ce soit, si ce n’est avec l’autorisation du juge, au sujet de l’instance après avoir obtenu les renseignements confidentiels;

- Si la norme de contrôle de la raisonnabilité, établie sur le fondement commun des articles 33 et 78, est interprétée comme appelant une norme moins contraignante que la prépondérance de la preuve, cela constitue une violation de l’article 7 de la Charte.

[36]      La Cour suprême du Canada enseigne dans l’arrêt Charkaoui no 1 que, pour qu’une personne puisse présenter une défense pleine et entière, il doit y avoir une divulgation permettant à la personne de non seulement présenter des arguments quant à la preuve, mais également de préparer une argumentation complète sur les questions de droit (voir le paragraphe 52). Selon M. Harkat, cela signifie que la personne visée doit non seulement être capable de répondre à l’allégation, mais doit également être capable de présenter des arguments juridiques sur le bien‑fondé de l’allégation même. Malgré la présence des avocats spéciaux, les ministres doivent rigoureusement respecter leurs obligations liées à la divulgation. Ils doivent faire connaître à la personne visée l’essentiel de la preuve invoquée pour établir le bien‑fondé de leurs allégations afin que la personne visée puisse répondre aux allégations présentées contre elle. Il s’agit d’un élément essentiel du droit à une audience équitable.

[37]      Par conséquent, lorsqu’une allégation donnée se fonde en majeure partie sur la preuve gardée secrète, la Cour devrait être tenue de mettre en balance les intérêts relatifs à la sécurité nationale et l’intérêt public lié au droit à une audience équitable. Les avocats spéciaux ne sont pas en position de réfuter la preuve du gouvernement parce qu’ils n’ont pas le droit d’en discuter avec la personne visée. Afin de protéger le droit à une audience équitable, la Cour doit veiller à ce que le plus de renseignements possible soient divulgués à la personne visée tout en s’assurant que les renseignements sont protégés.

[38]      M. Harkat soutient que l’alinéa 83(1)e) de la LIPR viole l’article 7 de la Charte. Il allègue que, dans la foulée des arrêts Charkaoui n1 et Charkaoui no 2, il existe une obligation constitutionnelle de mise en balance qui commande la plus grande divulgation possible. Le juge désigné aurait donc l’obligation d’exiger que les ministres s’acquittent de leur fardeau d’établir que les enjeux relatifs à la sécurité nationale l’emportent sur le droit de la personne visée à une audience équitable. M. Harkat soutient que les enjeux liés à la confidentialité en matière de sécurité nationale soulevée dans d’autres instances que celles portant sur des certificats de sécurité en matière d’immigration sont régis par le paragraphe 38.06(2) [édicté par L.C. 2001, ch. 41, art. 43] de la Loi sur la preuve au Canada [L.R.C. (1985), ch. C-5] (la LPC). Suivant cette disposition, le juge est tenu de mettre en balance les intérêts relatifs à la sécurité nationale et d’autres intérêts, y compris l’intérêt public lié au droit à une instruction équitable. Une telle mise en balance est donc imposée par la Constitution.

[39]      M. Harkat avance que les avocats spéciaux ne sont pas en mesure d’aider la personne visée à plaider sa cause s’il leur est interdit de communiquer avec elle après avoir examiné les documents secrets. En outre, le paragraphe 85.4(2) de la LIPR dispose que, dès qu’un avocat spécial a reçu les renseignements confidentiels, il ne peut communiquer avec qui que ce quoi au sujet de l’instance si ce n’est avec l’autorisation du juge. Selon M. Harkat, il s’agit d’une violation du secret professionnel parce que le juge présidant l’audience est alors au moins au courant de l’objet de la communication entre l’avocat spécial et la personne visée. M. Harkat allègue également que, si les avocats spéciaux n’avaient pas le droit de poser des questions à la personne visée au sujet de la preuve des ministres après avoir examiné les renseignements divulgués, il leur serait alors impossible d’aider la personne visée à présenter de façon satisfaisante une défense pleine et entière.

[40]      Le demandeur soutient que les manquements à l’article 7 ne peuvent pas être sauvegardés par l’article premier de la Charte. Il allègue qu’aucune circonstance exceptionnelle ne justifie de déroger aux droits à la divulgation de la personne visée, que le régime de divulgation établi par la LIPR ne constitue pas une interdiction liée à la sécurité nationale portant le moins possible atteinte aux droits que tire le demandeur de l’article 7 et que ce régime ne peut donc pas être sauvegardé par l’article premier. Cependant, il reconnaît que la protection de la sécurité nationale constitue un élément d’intérêt public suffisamment important pour justifier une entorse au secret professionnel. Il s’ensuit que la loi peut légitimement imposer des limites à l’habituelle libre circulation de l’information entre les avocats et les clients. Cependant, toute limite de ce type doit respecter le principe de l’atteinte minimale qui, selon le demandeur, suffit amplement pour protéger la sécurité nationale (voir le mémoire du demandeur sur la divulgation et l’intérêt public et sur la communication avec les avocats spéciaux daté du 26 avril 2010, au paragraphe 70).

[41]      M. Harkat a affirmé vouloir contester certaines dispositions de la LIPR, à savoir : le paragraphe 77(2) et les alinéas 83(1)c) à e), dans la mesure où ces dispositions ne portent pas sur des restrictions à la divulgation, l’alinéa 83(1)h) concernant l’admissibilité de la preuve et l’alinéa 83(1)i) qui prévoit que la décision peut être fondée sur des renseignements et autres éléments de preuve, et ce, même si un résumé n’a pas été fourni au demandeur; cependant, M. Harkat n’a présenté aucune observation orale ou écrite à cet égard. La Cour a bien attiré l’attention des avocats sur cette situation. Selon M. Harkat, il a présenté des arguments appuyant l’inconstitutionnalité de ces dispositions en faisant valoir l’argument général selon lequel [traduction] « si la loi limite automatiquement la divulgation de renseignements à la personne visée sur le fondement de la sécurité nationale — et à plus forte raison si la loi interdit toute divulgation — elle viole l’article 7 de la Charte ». Cet argument général vise au mieux ces dispositions particulières dans la mesure où elles ont trait à des questions se rattachant à la divulgation. Cependant, le demandeur n’a fait valoir aucun argument portant précisément sur des questions liées à chacune de ces dispositions. Par exemple, l’alinéa 83(1)h) concerne l’admissibilité de la preuve dans le cadre des audiences publiques et des audiences à huis clos. Aucun argument n’a été avancé pour appuyer l’inconstitutionnalité de cette disposition précise. Le juge appelé à se prononcer sur des questions constitutionnelles doit disposer d’observations complètes appuyant la conclusion recherchée. La Cour ne saurait se contenter de rien de moins. Les avocats ont débattu en détail les questions liées au droit à une audience équitable, au droit de connaître la preuve et d’y répondre et au droit d’obtenir une décision suffisamment éclairée fondée sur le droit et les faits, ce qui s’est révélé utile.

[42]      Dans ses observations écrites, M. Harkat a également avancé que la norme de contrôle applicable en l’espèce était la raisonnabilité, mais la présente question a été réglée du consentement des parties, suivant les conclusions tirées par le juge Mosley dans la décision Almrei (Re), 2009 CF 1263, [2011] 1 R.C.F. 163, au paragraphe 101 (Almrei (2009)). La Cour abordera brièvement cette question dans les présents motifs.

Le résumé des observations présentées par les ministres

[43]      Les ministres soutiennent que la thèse du demandeur quant à la constitutionnalité du régime est largement fondée sur sa préférence pour les autres procédures que le législateur a refusé d’adopter. L’existence d’autres procédures possibles ne rend pas inconstitutionnelle celle que le législateur a adoptée. Il faut respecter la décision du législateur quant à la procédure choisie pour assurer l’équité du régime de certificats et pour protéger les renseignements sensibles touchant la sécurité nationale.

[44]      Les ministres allèguent que, en matière de certificats de sécurité, l’article 7 de la Charte n’établit aucun droit absolu à la divulgation de l’ensemble des renseignements. Selon les ministres, M. Harkat a mal interprété la conclusion tirée par la Cour suprême dans l’arrêt Charkaoui n1, parce qu’il ne s’agit pas de savoir s’il doit y avoir divulgation complète, il s’agit plutôt de savoir si l’information divulguée constitue une autre façon adéquate d’informer le demandeur. Les ministres soutiennent que le régime de certificats de sécurité prévoit une autre façon d’informer pour l’essentiel le demandeur et qu’il respecte donc les principes de justice fondamentale garantis par l’article 7 de la Charte. M. Harkat a entre autres reçu un résumé des renseignements protégés, lequel révélait de façon plutôt détaillée la nature des allégations et des renseignements invoqués par les ministres. En outre, les avocats spéciaux, qui agissaient pour le compte de M. Harkat, connaissaient la preuve produite contre lui et y ont répondu. Vu cette procédure, la décision portant sur le caractère raisonnable du certificat était fondée sur l’ensemble des faits pertinents et sur le droit applicable puisque M. Harkat pouvait communiquer des renseignements aux avocats spéciaux à tout moment lors de l’audience. Selon les ministres, vu les interventions des avocats spéciaux lors des audiences à huis clos, l’instance respecte autant que possible le système contradictoire compte tenu des limites imposées par les enjeux relatifs à la sécurité nationale et garantit que l’instance est équitable et juste.

[45]      Les ministres soutiennent que le demandeur ne s’est pas acquitté de son fardeau d’établir que l’absence d’obligation de mise en balance dans le régime législatif avait porté atteinte à son droit à une audience équitable. La préférence de M. Harkat pour le régime de la LPC ne rend pas le choix du législateur inapproprié ou inconstitutionnel. Les ministres allèguent donc que l’alinéa 83(1)e) de la LIPR respecte les principes de justice fondamentale. Le législateur a clairement précisé qu’il n’avait pas l’intention d’exiger la mise en balance des intérêts prévue par le paragraphe 38.06(2) de la LPC dans les instances en matière de certificat de sécurité.

[46]      Selon les ministres, les dispositions sur la communication se trouvant aux articles 85.4 et 85.5 de la LIPR sont équitables vu les intérêts en cause et respectent les principes de justice fondamentale. La LIPR précise qu’aucun secret professionnel n’existe entre l’avocat spécial et la personne visée par le certificat. En outre, elle limite les communications entre les avocats spéciaux et la personne visée après que les avocats spéciaux ont consulté les renseignements confidentiels afin de minimiser autant que possible les risques de divulgation par inadvertance. Rien dans le dossier ne donne à penser que ce régime a nui au rôle des avocats spéciaux ou a causé un préjudice quelconque à M. Harkat. Les ministres avancent que la LIPR a été appliquée de façon à permettre les communications lorsque la Cour a estimé que c’était justifié. L’objectif du pouvoir discrétionnaire est d’autoriser les communications si elles sont justifiées, et des directives et des ordonnances ont été accordées en l’espèce afin de permettre la communication entre les avocats spéciaux et les avocats publics au sujet des conséquences et des répercussions des décisions, y compris les mesures à prendre, les arguments juridiques à présenter ainsi que la portée des contre-interrogatoires.

[47]      Comme il a été mentionné précédemment, M. Harkat et les ministres ont discuté de la norme de contrôle dans leurs observations écrites, mais les parties ont convenu que les conclusions de la décision Almrei (2009) doivent être suivies, et la Cour abordera brièvement cette question dans les présents motifs.

[48]      Les ministres allèguent que, si la Cour concluait que le régime de divulgation ou les restrictions relatives à la communication violaient les droits de M. Harkat garantis par l’article 7 de la Charte, une telle violation constituerait une limite raisonnable imposée par une règle de droit et que cette limite pourrait se justifier dans le cadre d’une société libre et démocratique au sens de l’article premier de la Charte.

7.         Aperçu des nouvelles dispositions de la LIPR

[49]      Le paragraphe 77(2) de la LIPR dispose que les ministres doivent fournir à la Cour tous les renseignements sur lesquels le certificat de sécurité est fondé. Les ministres donnent à la personne visée un résumé de la preuve ne comportant aucun renseignement touchant la sécurité nationale afin de permettre à la personne visée d’être suffisamment informée de la preuve produite contre elle. Sous l’ancien régime, il incombait au juge désigné d’élaborer un tel résumé de la preuve par suite du dépôt d’un certificat (voir l’alinéa 78h) de l’ancienne LIPR [L.C. 2001, ch. 27]). L’alinéa 83(1)e) de la LIPR dispose que le juge désigné, « tout au long de l’instance », veille à ce que soit fourni à l’intéressé et à son avocat public un résumé de la preuve. L’ancienne LIPR était différente, car un seul résumé devait être fourni (voir, encore une fois, l’alinéa 78h)). Cependant, il était pratique courante que les juges désignés fournissent des résumés de la preuve tout au long de l’instance. Dans la présente affaire, vu la préoccupation constante de tenir informé M. Harkat sans que soient divulgués de renseignements touchant à la sécurité nationale, beaucoup plus de renseignements lui ont été divulgués que pendant l’instance précédente en matière de certificat de sécurité. La collaboration entre les avocats spéciaux et les avocats des ministres a également été fructueuse.

[50]      Cette nouvelle obligation, selon laquelle la divulgation doit être effectuée tôt dans l’instance, permet à la personne visée et à son avocat d’obtenir le résumé au début de l’instance. En outre, comme je l’exposerai ultérieurement, elle permet aux avocats spéciaux de rencontrer la personne visée afin de discuter de l’affaire. Avant que les avocats spéciaux soient mis au fait des renseignements confidentiels, ils peuvent rencontrer la personne visée tant qu’il le souhaite sans l’autorisation du juge. En l’espèce, les avocats spéciaux ont eu plus d’un mois pour obtenir des directives de la personne visée (voir l’ordonnance du 4 juin 2008). L’un des avocats spéciaux, M. Paul Copeland, était l’avocat public de M. Harkat au cours de la première instance relative au certificat de sécurité.

[51]      Le juge désigné doit veiller à ce que des résumés soient fournis « tout au long de l’instance ». Cette pratique est conçue pour avantager la personne visée. Au cours de la présente instance, la Cour a permis que soit fourni à la personne visée un grand nombre de résumés de la preuve, dans le respect du principe de non‑divulgation de renseignements classifiés. Grâce à la mise à jour des renseignements au fur et à mesure que l’instance progressait (voir par exemple les transcriptions des débats judiciaires datés du 21 septembre 2009, p. 1 et 2; du 25 septembre 2009, p. 1 et 2; et du 21 janvier 2010, vol. 4, p. 1), il a été également pratique courante de tenir informer les personnes intéressées pendant les audiences publiques et les audiences tenues par téléconférences auxquelles participaient tous les avocats, y compris les avocats spéciaux.

[52]      L’alinéa 83(1)b) de la LIPR prévoit la nomination d’un avocat spécial tiré de la liste dressée par le ministre de la Justice (voir le paragraphe 85(1)). En l’espèce, deux avocats spéciaux ont été nommés à la demande de M. Harkat. Les ministres ne se sont pas opposés à la nomination des deux candidats choisis par M. Harkat. Avant de faire une nomination, la Cour doit avoir entendu la personne visée et les ministres et avoir « accordé une attention et une importance particulière aux préférences » exposées par l’avocat public de la personne visée. C’est ainsi que la présente instance s’est déroulée. M. Harkat a choisi M. Paul Copeland et M. Paul Cavalluzzo, qui se trouvaient sur la liste des candidats pour agir en qualité d’avocats spéciaux. La Cour doit tenir compte du paragraphe 83(1.2) de la LIPR lorsqu’elle fait de telles nominations.

[53]      L’alinéa 83(1)c) de la LIPR est plus précis que l’article 78 de l’ancienne LIPR : il prévoit que les ministres peuvent demander qu’une audience se déroule à huis clos (en l’absence de la personne visée et de l’avocat public), mais en présence de l’avocat spécial si les renseignements dont il y serait question « porterai[en]t » atteinte à la sécurité nationale ou à la sécurité d’autrui s’ils étaient divulgués. L’intervention des avocats spéciaux à ces audiences a permis de s’assurer que l’audience à huis clos était justifiée et que des résumés appropriés étaient fournis à la personne visée. Il était pratique courante que tous les intervenants, y compris les avocats spéciaux, donnent leur accord au sujet des résumés des audiences à huis clos.

[54]      Encore une fois, comme l’ancienne LIPR le prévoyait (voir l’alinéa 78b)), le juge désigné garantit la confidentialité des renseignements classifiés dont la divulgation « porterait » atteinte à la sécurité nationale ou à la sécurité d’autrui (voir l’alinéa 83(1)d) de la nouvelle loi).

[55]      Si les ministres ne sont pas d’accord avec le juge désigné quant à la divulgation potentielle que ce dernier souhaite faire, ils peuvent retirer les renseignements en cause, à la suite de quoi le juge désigné ne peut pas faire état de ces renseignements dans la décision et il doit assurer leur confidentialité (voir les alinéas 83(1)j) et f) de la LIPR). Si le juge désigné et les ministres ne sont pas d’accord quant à certains renseignements classifiés, ces dispositions tranchent la question. Il n’a pas été nécessaire d’avoir recours à ces dispositions en l’espèce. Les ministres ont même fait montre de déférence envers la Cour à certaines occasions.

[56]      La LIPR offre tant à la personne visée qu’aux ministres la possibilité de se faire entendre (voir l’alinéa 83(1)g)). Sous l’ancienne LIPR, cette possibilité n’était offerte qu’à la personne visée (voir l’alinéa 78i) de l’ancienne LIPR). Ce nouvel alinéa prévoit clairement que le juge désigné doit veiller à ce que les deux parties puissent faire valoir leurs arguments. Les deux parties peuvent produire de nouveaux éléments de preuve dont ne disposaient pas les ministres lorsque le certificat a été signé (voir l’alinéa 83(1)c)).

[57]      Les renseignements inadmissibles en justice peuvent être admis en preuve, tant lors des audiences publiques que des audiences à huis clos, à condition qu’ils soient dignes de foi et utiles (voir l’alinéa 83(1)h) de la nouvelle LIPR). L’exigence selon laquelle les renseignements doivent être « digne[s] de foi » a été ajoutée à l’ancienne disposition (voir l’alinéa 78j) de l’ancienne LIPR). Dans le milieu du renseignement, l’information peut être obtenue de diverses sources au Canada et à l’étranger et elle peut prendre différentes formes. De façon générale, les renseignements ne proviennent pas directement de la source initiale. Ils peuvent faire l’objet d’un résumé, d’une analyse de renseignements de sécurité, d’un simple rapport faisant état de faits, etc. Par l’ajout de l’exigence que les renseignements soient dignes de foi à l’exigence liée au caractère utile, le législateur oblige le juge désigné, avec la collaboration des avocats spéciaux et des avocats des ministres, à se demander si les renseignements invoqués sont « digne[s] de foi et utile[s] ». Les juges désignés recouraient déjà à cette pratique sous le régime de l’ancienne LIPR. À ce sujet, la juge Dawson (maintenant juge à la Cour d’appel fédérale), dans la décision Harkat (Re), 2005 CF 393, a clairement décrit l’examen relatif à la fiabilité des renseignements qui devait être effectué suivant l’ancienne LIPR (aux paragraphes 98 et 99) :

En somme, le juge désigné doit s’enquérir de la source de tout élément d’information comptant parmi les renseignements confidentiels invoqués par les ministres comme motif raisonnable de croire que la personne en cause doit être interdite de territoire pour des raisons de sécurité. Une fois identifiée la source du renseignement, le juge désigné doit s’interroger sur ce qui ressort au juste de la documentation, et voir ce qu’un témoin peut utilement dire de la fiabilité du renseignement et de la mesure dans laquelle ce renseignement, ou d’autres informations provenant de la même source, peuvent être corroborés. Pendant tout cet examen, le juge doit demeurer très attentif à cette obligation de sonder la fiabilité de chaque élément de preuve. Il doit garder à l’esprit la possibilité d’une méprise, d’une erreur quant à l’identité de telle ou telle personne, de manœuvres, d’incompétence ou de malveillance. Rappelons combien il est important de demander si le Service ne dispose pas de renseignements disculpatoires.

Seul cet exercice délicat permet à la Cour d’évaluer correctement les preuves produites tant par les ministres que par la personne faisant l’objet du certificat. Il faut parvenir, sur ce point, à une conclusion rigoureuse et objective afin de protéger non seulement les droits de la personne nommée dans le certificat mais également les intérêts légitimes de l’État.

[58]      Selon la LIPR, sont exclus des éléments de preuve dignes de foi et utiles les renseignements dont il existe des motifs raisonnables de croire qu’ils ont été obtenus par suite du recours à la torture (voir le paragraphe 83(1.1) de la nouvelle LIPR et la décision Mahjoub (Re), 2010 CF 787).

[59]      La décision rendue par le juge désigné peut se fonder sur des renseignements non divulgués dans des résumés ou autrement à la personne visée (voir l’alinéa 83(1)i) de la nouvelle LIPR). Il se peut que, dans certaines affaires, la seule preuve justifiant l’interdiction de territoire pour des raisons de sécurité découle d’une source très sensible et que la divulgation d’une telle preuve, même au moyen d’un résumé, révélerait inévitablement la source. Une telle disposition peut alors être utile. Dans les affaires en matière d’immigration, tout en gardant à l’esprit que l’objet de la LIPR est le maintien de la sécurité des Canadiens (voir l’alinéa 3(1)h)), les ministres ont certainement les outils nécessaires pour fournir ces renseignements sans compromettre la sécurité des Canadiens. Cependant, en l’espèce, M. Harkat connaissait toutes les allégations formulées contre lui, certaines de façon plus détaillée que d’autres. La décision rendue dans la présente instance a été rendue en conséquence (voir Harkat (Re), 2010 CF 1241, [2012] 3 R.C.F. 251).

[60]      Au paragraphe 3 de l’arrêt Charkaoui no 1, la juge en chef de la Cour suprême du Canada a conclu que l’ancienne LIPR contrevenait à l’article 7 de la Charte « en autorisant la délivrance d’un certificat d’interdiction de territoire sur la foi de documents secrets, sans prévoir la participation d’un représentant indépendant à l’étape du contrôle judiciaire pour garantir le plus grand respect des intérêts de la personne désignée ». En réponse à cette conclusion, le législateur a créé l’avocat spécial et a veillé à ce qu’il lui soit fourni des ressources et du soutien administratif adéquats (voir le paragraphe 85(3) de la nouvelle LIPR).

[61]      Le rôle de l’avocat spécial est de « défendre les intérêts » de la personne visée lors des audiences à huis clos (voir le paragraphe 85.1(1) de la nouvelle LIPR). Cette mission est claire. L’avocat spécial a accès aux mêmes renseignements classifiés dont dispose le juge désigné (voir le paragraphe 85.4(1) de la nouvelle LIPR). En l’espèce, les avocats spéciaux ont pu consulter les documents classifiés le 7 juillet 2008, soit un mois après leur nomination. Ils ont eu accès à des bureaux protégés et disposaient de leur propre série de documents fournie par le greffe des instances désignées de la Cour fédérale. Ils ont pu accéder à ces bureaux protégés tout au long de l’instance.

[62]      L’avocat spécial n’est pas partie à l’instance et ses rapports avec la personne visée ne sont pas ceux qui existent entre un avocat et son client (voir le paragraphe 85.1(3) de la nouvelle LIPR). M. Harkat a eu plus de deux avocats publics pendant l’instance. Le paragraphe 85.1(3) vise à prévenir les conflits d’intérêts parce que d’ordinaire un avocat révélerait tous les points pertinents à son client. Cela étant dit, les communications entre la personne visée, son avocat et l’avocat spécial sont réputées être visées par le secret professionnel et elles sont donc protégées (voir le paragraphe 85.1(4) de la nouvelle LIPR).

[63]      La LIPR dispose que, lors des audiences à huis clos, l’avocat spécial peut contester : 1) les restrictions imposées par les ministres relativement à la divulgation de renseignements qui porteraient atteintes à la sécurité nationale ou à la sécurité d’autrui, et 2) la pertinence, la fiabilité et la suffisance des renseignements classifiés (voir les alinéas 85.1(2)a) et b) de la nouvelle LIPR). Bien que les instances relatives à des certificats soulèvent des questions de droit, le caractère raisonnable d’un certificat dépend davantage des faits que du droit. Le juge désigné doit apprécier la preuve dont il dispose selon la prépondérance de la preuve après que les ministres se sont acquittés de leur fardeau initial. Le législateur l’a clairement reconnu lorsqu’il a chargé l’avocat spécial de contester les restrictions relatives à la divulgation et de mettre à l’épreuve les renseignements confidentiels. Les avocats spéciaux se sont acquittés de leurs responsabilités, ce qui a permis d’autres divulgations de renseignements comme les résumés de conversations et les résumés de la preuve portant sur certaines personnes, notamment M. Ahmed Said Khadr et M. Shehre (voir la pièce M7, rapport public révisé de renseignement de sécurité, annexe K). La Cour a été témoin du rôle actif joué par les avocats spéciaux lors des audiences à huis clos, lequel était semblable au rôle joué par les avocats publics lors des audiences publiques. Les deux équipes d’avocats ont activement défendu les intérêts de la personne visée tout en assurant la protection de la confidentialité des renseignements touchant la sécurité nationale.

[64]      Pour remplir leur mission lors des audiences à huis clos, les avocats spéciaux peuvent présenter des observations écrites et orales, contre‑interroger les témoins et soulever des objections visant les avocats des ministres. Ils peuvent, si nécessaire et avec l’autorisation du juge, exercer d’autres pouvoirs (voir l’article 85.2 de la nouvelle LIPR). Au cours de la présente instance, les avocats spéciaux sont intervenus, ont soulevé des objections aux questions des avocats des ministres, ont contre‑interrogé les témoins appelés pendant les audiences à huis clos, ont présenté des observations orales sur diverses questions (par exemple, sur les restrictions relatives à la divulgation, sur les demandes d’accès à un certain nombre de documents, sur la question du polygraphe, sur les divulgations faites sur le fondement de l’arrêt Charkaoui no 2, sur le caviardage effectué, etc.) et ont déposé des observations écrites sur un certain nombre de questions de fait et de droit (par exemple, sur des questions liées à la divulgation et à l’arrêt Charkaoui no 2, sur certains témoignages entendus, sur le besoin de préciser des enjeux de politiques, sur les dangers que représentait, le cas échéant, M. Harkat, sur l’examen des conditions, etc. Ils ont également présenté des observations finales sur le caractère raisonnable du certificat). Les avocats spéciaux ont aussi demandé l’autorisation de déposer des requêtes particulières, lesquelles ont été accueillies, telles que des requêtes en accès à des dossiers de sources humaines et à un dossier d’employé ainsi que d’autres requêtes. Certaines de ces requêtes ont donné lieu à des décisions très secrètes qui ont par la suite été caviardées puis rendues publiques. Les avocats spéciaux ont donc exercé de façon active tous les pouvoirs qui leur ont été conférés afin de défendre les intérêts de la personne visée.

[65]      Une fois que l’avocat spécial a consulté les renseignements classifiés, il ne peut plus communiquer avec la personne visée, avec l’avocat public ou avec qui que ce soit au sujet de l’instance sans avoir préalablement obtenu l’autorisation du juge désigné. Une telle autorisation peut être accordée aux conditions estimées indiquées (voir le paragraphe 85.4(2) de la nouvelle LIPR). Si l’avocat spécial communique avec une autre personne après en avoir obtenu l’autorisation, le juge désigné peut imposer à cette autre personne des restrictions liées à la communication, et ces restrictions peuvent être assujetties ou non à des conditions (voir le paragraphe 85.4(3) de la nouvelle LIPR). De telles restrictions liées à la communication ont été adoptées afin d’éviter que des renseignements classifiés soient divulgués par inadvertance, même innocemment. Il est possible qu’un avocat spécial emploie par inadvertance un mot‑code protégé aux fins du renseignement. Cela ne doit pas se produire. Lorsque le juge désigné préside des audiences publiques et qu’il connaît tant la preuve publique que la preuve classifiée en cause, il est très difficile pour lui de parler en public des points abordés et de poser des questions aux témoins sans divulguer des renseignements classifiés. Comme il a été noté précédemment, il incombe en définitive au juge désigné de garantir la confidentialité des renseignements traités lors des audiences à huis clos (voir l’alinéa 83(1)d) de la nouvelle LIPR).

[66]      Au paragraphe 15 de la décision Almrei (Re), 2008 CF 1216, [2009] 3 R.C.F. 497 (Almrei (2008)), le juge en chef de la Cour a relevé que l’interdiction de communiquer s’appliquait à toute personne ayant eu accès aux renseignements classifiés et qu’elle s’applique en permanence à moins que l’on obtienne l’autorisation de « tout juge » (a judge) :

Il y a entre les dispositions contestées deux différences évidentes. D’abord, l’interdiction de communiquer qui est énoncée au paragraphe 85.4(2) s’adresse uniquement à l’avocat spécial. En revanche, l’interdiction énoncée à l’article 85.5 s’étend à quiconque détient des renseignements confidentiels. Deuxièmement, l’interdiction énoncée à l’article 85.5 est applicable en permanence ou, selon les mots employés dans les notes article par article, [traduction] « durant l’instance ou à tout moment par la suite ». En accord avec la permanence apparente de l’interdiction, « tout juge » (a judge), et pas seulement le juge qui préside l’instance, a le pouvoir d’autoriser la communication des renseignements confidentiels.

[67]      En l’espèce, les avocats publics ont effectivement communiqué fréquemment avec les avocats spéciaux sans avoir eu besoin d’autorisation. Seuls les avocats spéciaux doivent obtenir l’autorisation d’un juge avant de communiquer avec une autre personne. Les avocats spéciaux ont bien présenté près de 18 demandes pour communiquer avec M. Harkat et les avocats publics. Sauf quelques rares exceptions, ces demandes ont été accueillies sous réserve des conditions estimées indiquées, telles que l’obligation de rendre des comptes dans certains cas. Lorsqu’elle était saisie de ces demandes, la Cour a toujours été soucieuse d’éviter les divulgations par inadvertance de renseignements classifiés pouvant survenir lors de discussions entre les avocats spéciaux et M. Harkat au sujet de la stratégie à adopter, de l’opportunité de faire un contre‑interrogatoire, etc. L’annexe B a été ajoutée aux présents motifs afin de montrer le nombre de demandes reçues, accueillies, accueillies en partie ou rejetées.

[68]      Les avocats spéciaux n’ont présenté aucune demande concernant le privilège du secret professionnel. Si une telle demande avait été présentée, il aurait pu être opportun d’avoir recours à des « conditions indiquées » afin que soit protégé le privilège invoqué. Dans de telles situations, le personnel de soutien pour le programme des avocats spéciaux auraient pu veiller à ce que les renseignements confidentiels soient protégés pendant les réunions sans que le juge désigné soit informé des faits précis protégés par ce privilège. Le pouvoir discrétionnaire conféré au juge désigné par la LIPR est utile dans de telles situations, car il permet de trouver des façons de garantir l’équité du processus. Comme cela a été mentionné pendant les observations orales, une audience ex parte à huis clos avait été tenue dans une autre instance relative à un certificat et seuls les avocats spéciaux y avaient participé afin de discuter de questions sensibles (voir la transcription des débats judiciaires, le 31 mars 2010, vol. 26, p. 21 et 22). Vu le pouvoir discrétionnaire conféré au juge désigné, le régime actuel peut s’adapter aux situations imprévues, et ce, dans l’intérêt de toutes les parties.

Les nouvelles dispositions sur le contrôle de la détention

[69]      Dans l’arrêt Charkaoui no 1, la Cour suprême du Canada a affirmé aux paragraphes 141 et 142 que l’article 84.2 de l’ancienne LIPR — qui niait aux étrangers le droit à une audition quant à leur détention dans un bref délai parce qu’il interdisait toute demande à cet effet pendant une période de 120 jours suivant la confirmation de leur certificat — était inconstitutionnel. Les étrangers ont été ajoutés à l’article 83 et « [t]ant qu’il n’est pas statué sur le certificat » a été radié du paragraphe 83(2). Le législateur en a tenu compte dans la LIPR (voir l’article 81 et les paragraphes 82(1) et (2) de la LIPR). Maintenant, tant les étrangers que les résidents permanents ont droit au contrôle de leur détention dans les 48 heures suivant leur détention. La juge en chef de la Cour suprême du Canada a reconnu au paragraphe 122 de l’arrêt Charkaoui no 1 que la Cour fédérale avait l’habitude de prévoir des contrôles périodiques des conditions, et le législateur a ajouté l’examen des conditions de remise en liberté une fois expiré un délai de six mois suivant la conclusion du dernier contrôle (voir le paragraphe 82(4) de la LIPR). Si la détention se poursuit après que le certificat a été jugé raisonnable, le contrôle de la détention sera effectué une fois expiré un délai de six mois suivant la conclusion du dernier contrôle.

[70]      Lors du contrôle des conditions de remise en liberté, le juge désigné doit tenir compte des répercussions possibles sur la sécurité nationale et sur la sécurité d’autrui et doit déterminer si la personne visée se présentera à la procédure ou au renvoi (voir l’alinéa 82(5)a) de la LIPR). Les conditions peuvent être modifiées selon les circonstances (voir l’article 82.1 de la LIPR).

[71]      De nouvelles dispositions ont été édictées quant au non‑respect des conditions et elles portent notamment sur le pouvoir d’arrêter une personne mise en liberté et sur l’obligation de la conduire devant un juge dans les 48 heures suivant son arrestation ainsi que sur l’exécution du contrôle (voir les paragraphes 82.2(1) et (2), et les alinéas 82.2(3)a), b) et c) de la LIPR).

[72]      Le ministre peut, en tout temps, ordonner la remise en liberté de la personne visée ou le retrait de toutes conditions pour lui permettre de quitter le Canada (voir l’article 82.4 de la LIPR). L’ancienne disposition (le paragraphe 84(1)) prévoyait également de tels pouvoirs.

Les nouvelles dispositions sur les appels

[73]      Les décisions interlocutoires ne sont pas susceptibles d’appel. Si le juge désigné certifie que l’affaire soulève une question grave de portée générale, la décision sur le caractère raisonnable du certificat ainsi que les décisions sur le contrôle de la détention et des conditions de détention peuvent faire l’objet d’un appel (voir les articles 79 et 82.3 de la LIPR). Ces dispositions précisent les limites de l’ancienne LIPR, qui disposait que les décisions sur le caractère raisonnable du certificat étaient définitives (voir le paragraphe 80(3) de l’ancienne LIPR).

8.         Le régime des avocats spéciaux de la LIPR comparé à d’autres régimes

[74]      Dans l’arrêt Charkaoui no 1, la juge en chef a examiné l’intervention de différents avocats dans des affaires de sécurité nationale lors desquelles on avait dû avoir recours à des renseignements classifiés, tels que la méthode utilisée par le Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité (CSARS); l’affaire R. v. Malik, 2005 BCSC 350, dans laquelle les avocats de la défense avaient pu consulter des renseignements touchant la sécurité nationale à condition qu’ils ne les divulguent à personne, même pas à l’accusé; la Commission Arar [Commission d’enquête sur les actions des responsables canadiens relativement à Maher Arar], dans laquelle un amicus curiae avait été nommé pour aider le commissaire et la Special Immigration Appeals Commission du Royaume‑Uni (le régime des avocats spéciaux de la SIAC du R.‑U.).

[75]      Dans la décision Almrei (2008), précitée, le juge en chef de la Cour a apporté des précisions quant à l’intervention de l’avocat du CSARS, qui aide les membres du comité à examiner une plainte. Cet avocat agit pour le compte du CSARS. Il ne communique avec le plaignant ou son avocat que de façon ponctuelle. L’avocat du CSARS n’est pas le représentant du plaignant ou de la personne visée (aux paragraphes 44 à 53) :

L’avocat du CSARS, en tout temps, agit pour le compte du Comité de surveillance : décision Khawaja, au paragraphe 56.

Lors d’un récent témoignage devant le Comité sénatorial spécial sur l’antiterrorisme, le directeur exécutif du Comité de surveillance a corrigé l’idée répandue selon laquelle l’avocat du CSARS est un avocat spécial : Délibérations, 2 juin 2008, fascicule n° 7, aux pages 5, 7 et 8:

Je voudrais pour commencer tirer au clair certains termes qui ont été employés à propos du modèle du CSARS. Il n’y a pas d’avocat spécial, pas de conseiller spécial, pas de conseiller indépendant qui intervienne dans notre processus.

[…]

[…] l’avocat du [CSARS] doit être indépendant du gouvernement, représenté par le SCRS […] et du plaignant.

Pour plus de clarté, disons que l’avocat du CSARS n’est pas celui de la personne concernée. [Non souligné dans l’original.]

L’avocat du CSARS comprend les représentants juridiques recrutés dans le secteur privé, ainsi que les avocats internes.

L’avocat du CSARS, qui agit pour le compte du Comité de surveillance, aide le président de l’organisme à promouvoir les intérêts d’un plaignant dans les audiences à huis clos, de la même façon qu’un décideur doit montrer de l’équité envers chacune des parties. Ici, mes observations portent sur le rôle de l’avocat du CSARS en général, sans distinction entre les dossiers propres aux certificats ministériels et la charge de travail courante du Comité de surveillance.

Les avocats externes du CSARS reçoivent leurs directives du président du Comité de surveillance et des avocats internes. Les communications entre l’avocat du CSARS et le plaignant relèvent de l’autorité explicite ou implicite du président du Comité de surveillance. La fonction de président, en tant que filtre ou autorité en matière de communications, est analogue, mais pas identique, au rôle de surveillance exercé par le juge qui préside une instance selon la section 9 de la LIPR. La « libre circulation », comme on l’appelle, de l’information entre l’avocat du CSARS et le plaignant est circonscrite comme elle doit l’être.

Dans l’arrêt Charkaoui, la Cour suprême estimait qu’un représentant indépendant devait examiner objectivement les renseignements confidentiels dans le dessein de protéger les intérêts de la personne désignée (aux paragraphes 3 et 86).

L’avocat spécial est indépendant de la Cour, contrairement à l’avocat du CSARS par rapport au Comité de surveillance. Cette indépendance non seulement impose moins de contraintes à l’avocat spécial, mais également fait reposer sur lui une obligation sans doute plus élevée de protection des intérêts de la personne désignée, sans être l’avocat de celle‑ci.

Ni la législation qui a établi le Comité de surveillance [Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité, L.R.C. (1985), ch. C-23, art. 34] ni les règles de procédure du Comité de surveillance ne font état du rôle de l’avocat du CSARS. Les fonctions de l’avocat ont évolué au fil du temps. Dans la section 9, le législateur a explicité le rôle, les responsabilités et les pouvoirs des avocats spéciaux.

L’avocat spécial protège, dans les audiences à huis clos, les intérêts de la personne désignée [LIPR, art. 85.1(1) (édicté par L.C. 2008, ch. 3, art. 4)]. Il met en doute la confidentialité revendiquée par le ministre et la véracité des renseignements confidentiels [art. 85.1(2) (édicté, idem)]. Il présente des observations orales et écrites concernant les renseignements confidentiels [art. 85.2a) (édicté, idem)] et peut contre‑interroger des témoins durant des audiences à huis clos [art. 85.2b) (édicté, idem)]. Finalement, il peut « exercer, avec l’autorisation du juge, tout autre pouvoir nécessaire à la défense des intérêts [de la personne désignée] » [art. 85.2c) (édicté, idem)].

Le rôle des avocats spéciaux, comme celui de l’avocat du CSARS, évoluera en fonction des décisions des juges présidant les instances.

Il ne m’est pas nécessaire de trancher la question, mais je n’ai pas été persuadé que le « modèle du CSARS » offrirait davantage de protection aux personnes désignées que ne le fait la section 9 de la LIPR.

[76]      Je retiens cette analyse et les opinions portant sur la comparaison entre le rôle de l’avocat du CSARS et celui de l’avocat spécial. J’insiste sur le fait que l’avocat spécial défend les intérêts de la personne visée et met à l’épreuve les renseignements classifiés, ce qui diffère du rôle de l’avocat du CSARS. L’innovation apportée par le modèle du CSARS est que l’avocat externe du CSARS, avec la collaboration de l’avocat interne du CSARS, est un pont entre les membres du comité et le plaignant aux fins des audiences à huis clos. L’avocat interroge aussi ponctuellement au nom du plaignant les témoins qui déposent lors des audiences à huis clos grâce à des questions qu’il remet dans une enveloppe scellée. Cette approche permet l’application d’un système plus ou moins contradictoire. Cependant, le régime de l’avocat spécial respecte clairement ce principe.

[77]      Le système en cause dans l’affaire Malik posait problème. La juge en chef de la Cour suprême l’a souligné au paragraphe 78 de l’arrêt Charkaoui no 1. Le recours à l’avocat de la défense est problématique, car il se peut que cet avocat n’ait pas l’habilitation de sécurité nécessaire. En outre, de nombreux avocats participent habituellement aux procédures liées au contexte de l’immigration, particulièrement celui de la procédure de certificat de sécurité. Il n’est pas clair non plus si, dans l’affaire Malik, l’avocat de la défense intervenait lors des audiences à huis clos sans impliquer l’accusé. Ce système peut donner lieu à des situations imprévues et créer des problèmes. Cette affaire particulière a laissé transpirer bien peu d’informations. Il est donc difficile de faire une comparaison convenable sans davantage d’informations.

[78]      Lors de la Commission Arar, l’intervention d’un amicus curiae suivant la LPC a certainement aidé le commissaire (voir Canada (Procureur général) c. Canada (Commission d’enquête sur les actions des responsables canadiens relativement à Maher Arar), 2007 CF 766, [2008] 3 R.C.F. 248 (la Commission Arar). Dans cette affaire, l’amicus curiae avait pour mission l’examen des renseignements confidentiels pour le compte du commissaire. Selon la LIPR, il incombe notamment aux avocats spéciaux de contester, au nom de la personne visée, les restrictions à la divulgation invoquées par les ministres. Il est donc impossible pour les avocats spéciaux d’assumer un rôle semblable à celui qu’avait l’amicus curiae pendant la Commission Arar en plus de défendre les intérêts de la personne visée lors des audiences à huis clos.

[79]      Le législateur s’est fondé sur le régime des avocats spéciaux de la SIAC du R.‑U. pour établir le cadre de la LIPR. Il est de notoriété publique qu’au Canada on divulgue beaucoup plus de renseignements qu’au Royaume-Uni. Il convient de noter que, suivant la loi applicable, l’avocat spécial de la SIAC ne peut pas contester les restrictions à la divulgation contrairement à ce que prévoit le régime de la LIPR concernant les avocats spéciaux. En outre, selon le régime canadien, l’avocat spécial doit obtenir une autorisation avant de pouvoir communiquer avec d’autres personnes, par conséquent, les limites imposées aux communications au Canada sont moins restrictives que celles imposées au Royaume-Uni. En plus, l’avocat spécial peut exercer, sur demande et avec l’autorisation du juge, d’autres pouvoirs, notamment citer des témoins et des témoins experts à comparaître, déposer des documents, etc., ce que l’avocat spécial au Royaume-Uni ne peut pas faire. Au Canada, l’équipe juridique des avocats spéciaux peut obtenir plus facilement des ressources raisonnables grâce au programme des avocats spéciaux du ministère de la Justice.

[80]      Le programme des avocats spéciaux établi par la LIPR constitue une grande amélioration en comparaison du programme de la SIAC du Royaume-Uni. Il y a plus de divulgation au Canada. Les avocats spéciaux ont davantage de responsabilités ainsi que plus de pouvoirs et d’occasions permettant de défendre et de protéger les droits de la personne visée. Les deux régimes sont des systèmes contradictoires, mais le programme canadien va plus loin.

9.         L’article 7 de la Charte et les principes de justice fondamentale

[81]      L’article 7 de la Charte prévoit une protection constitutionnelle selon laquelle les lois ne peuvent porter atteinte au droit à la vie, à la liberté et à la sécurité d’une personne qu’en conformité avec les principes de justice fondamentale. Comme le révèle le libellé de l’article 7, une analyse en deux étapes doit être effectuée. Premièrement, il faut rechercher s’il y a eu violation au droit « à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne ». Deuxièmement, la violation alléguée ne doit pas contrevenir aux principes de justice fondamentale (Singh et autres c. Ministre de l’Emploi et de l’Immigration, [1985] 1 R.C.S. 177).

[82]      Les principes de justice fondamentale « représentent nécessairement un équilibre entre les intérêts de la société et ceux de l’individu » (R. c. O’Connor, [1995] 4 R.C.S. 411, au paragraphe 65). La portée de ces principes s’étend au‑delà du droit pénal et englobe les procédures administratives et les actes de l’État pouvant avoir des répercussions sur les droits garantis par l’article 7 (voir, par exemple, Nouveau‑Brunswick (Ministre de la Santé et des Services communautaires) c. G. (J.), [1999] 3 R.C.S. 46; Singh et autres c. Ministre de l’Emploi et de l’Immigration, [1985] 1 R.C.S. 177 [cité ci-dessus]; et Gosselin c. Québec (Procureur général), 2002 CSC 84, [2002] 4 R.C.S. 429). En outre, s’il existe un lien de causalité suffisant entre la violation des droits garantis par l’article 7 et l’intervention du gouvernement du Canada, la garantie de justice fondamentale s’applique aux atteintes qui sont le fait d’intervenants autres que le gouvernement canadien (Suresh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CSC 1, [2002] 1 R.C.S. 3, au paragraphe 54).

[83]      La Cour suprême du Canada a souvent statué sur ce que l’article 7 exigeait. On peut faire les observations suivantes :

a) Les principes de justice fondamentale n’appellent pas un type particulier de procédure, mais le processus doit prévoir être équitable eu égard à la nature de l’affaire et des intérêts en cause (R. c. Rodgers, 2006 CSC 15, [2006] 1 R.C.S. 554, au paragraphe 47; Idziak c. Canada (Ministre de la Justice), [1992] 3 R.C.S. 631, aux pages 656 et 657).

b) Les exigences procédurales nécessaires pour veiller au respect des principes de justice fondamentale sont déterminées en fonction du contexte (voir Rodgers; R c. Lyons, [1987] 2 R.C.S. 309, page 361; Chiarelli c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1992] 1 R.C.S. 711, aux pages 743 et 744; Centre hospitalier Mont‑Sinaï c. Québec (Ministre de la Santé et des Services sociaux), 2001 CSC 41, [2001] 2 R.C.S. 281, aux paragraphes 20 et 21). L’application de l’article 7 ne dépend toutefois pas « d’une distinction formelle entre les différents domaines du droit ». Elle dépend plutôt de la gravité des conséquences de la décision sur les droits protégés. Le certificat de sécurité ne constitue pas une mesure administrative, il s’agit d’une décision judiciaire (Charkaoui no 2, aux paragraphes 53 à 55).

c) Les intérêts sociétaux peuvent être pris en compte lors de l’examen de la teneur des principes de justice fondamentale applicables (R. c. Malmo-Levine; R. c. Caine, 2003 CSC 74, [2003] 3 R.C.S. 571, au paragraphe 98).

d) La recherche concernant les principes de justice fondamentale applicables ne doit pas chevaucher l’analyse qu’il faut effectuer suivant l’article premier et le critère de l’arrêt Oakes [La Reine c. Oakes, [1986] 1 R.C.S. 103]. Il ne s’agit pas de rechercher si les limites imposées étaient justifiées (ce qui relève de l’article premier de la Charte), il faut plutôt rechercher si les limites ont été imposées dans le respect des principes de justice fondamentale (ce qui constitue l’approche qu’il faut suivre en ce qui a trait à l’article 7 de la Charte; voir Charkaoui no 1, au paragraphe 21; Malmo-Levine, aux paragraphes 96 et 97).

e) Plus l’incidence de la décision sur la vie de l’intéressé est grande, plus les garanties procédurales doivent être importantes afin que soient respectées l’obligation d’équité en common law et les exigences de la justice fondamentale consacrées par l’article 7 de la Charte (voir Suresh, au paragraphe 118). Plus la procédure se rapproche des procédures en matière pénale, plus les tribunaux doivent être vigilants (voir Dehghani c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1993] 1 R.C.S. 1053, à la page 1077 et Charkaoui no 2, aux paragraphes 53 et 54).

f) Lorsque des éléments de preuve touchent la sécurité nationale, il n’est peut‑être pas possible de tous les divulguer, et les mesures requises pour respecter les principes de justice fondamentale doivent tenir compte des exigences propres au contexte de la sécurité, mais il faut toutefois s’assurer que l’essence de l’article 7 demeure intacte. Il se peut que la protection ne soit pas aussi complète que celle offerte dans le cadre d’une procédure ordinaire, mais elle doit être véritable et substantielle (voir Charkaoui no 1, aux paragraphes 24 et 27). Même dans les affaires pénales, il n’existe pas de droit absolu de faire produire les documents originaux, mais le ministère public a l’obligation de les communiquer. Si les originaux ne sont pas disponibles, une explication satisfaisante doit être fournie (R. c. La, [1997] 2 R.C.S. 680, au paragraphe 18).

10.       Quels sont les principes de justice fondamentale pertinents?

[84]      La Cour suprême du Canada enseigne que, pour qu’un principe juridique constitue un principe de justice fondamentale, trois conditions doivent être remplies. Premièrement, il doit s’agir d’un principe juridique qui donne de la substance au droit garanti par l’article 7 : sont exclues les questions de politique générale. Deuxièmement, il doit être le fruit d’un important consensus social selon lequel le principe est primordial ou fondamental dans la notion de justice de notre société. Troisièmement, il doit s’agir d’un principe pouvant être cerné avec précision et appliqué aux situations de manière à produire des résultats prévisibles (Malmo-Levine, au paragraphe 113; Canadian Foundation for Children, Youth and the Law c. Canada (Procureur général), 2004 CSC 4, [2004] 1 R.C.S. 76).

[85]      Encore une fois, la jurisprudence de la Cour suprême sur cette question est instructive :

a) Il doit y avoir un processus judiciaire équitable (Nouveau‑Brunswick (Ministre de la Santé et des Services communautaires) c. G. (J.), [1999] 3 R.C.S. 46 [cité ci-dessus]). L’équité d’un tel processus doit être analysée au regard des facteurs consacrés par la Cour suprême dans l’arrêt Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817, aux paragraphes 23 à 28. Ces facteurs sont les suivants : 1) la nature de la décision prise par rapport à sa proximité au processus judiciaire; 2) le rôle de la décision particulière au sein du régime législatif; 3) l’importance de la décision pour la personne visée; 4) les attentes légitimes de la personne qui conteste la décision lorsque des engagements ont été pris concernant la procédure à suivre; 5) la procédure choisie par l’organisme en cause. Ces facteurs ne sont pas exhaustifs.

b) Nul ne peut être privé de sa liberté sans avoir pu bénéficier de l’application régulière de la loi, laquelle doit comporter un processus judiciaire valable (voir États‑Unis d’Amérique c. Ferras; États-Unis d’Amérique c. Latty, 2006 CSC 33, [2006] 2 R.C.S. 77, au paragraphe 19);

c) Il existe des principes de base en matière de justice fondamentale :

i. le droit à une audition;

ii. l’audition doit être présidée par un magistrat indépendant et impartial;

iii. la décision du magistrat doit être fondée sur les faits et le droit, ce qui emporte le droit de chacun de connaître la preuve produite contre lui et le droit d’y répondre (Charkaoui no 1, au paragraphe 29);

iv. le droit de ne pas être sanctionné sur le fondement de lois trop vagues. Cependant, la portée excessive d’une loi ne constitue pas un principe autonome de la justice fondamentale, car il s’agit d’un outil analytique dans l’analyse fondée sur la Charte (R. c. Nova Scotia Pharmaceutical Society, [1992] 2 R.C.S. 606);

d) La façon dont ces conditions doivent être remplies dépend du contexte, mais, en définitive, pour que l’article 7 soit respecté, chaque condition doit être remplie pour l’essentiel (Charkaoui no 1, au paragraphe 22).

[86]      L’examen de la constitutionnalité de l’ancien régime de certificats de sécurité établi par la LIPR a été effectué dans l’arrêt Charkaoui no 1; la Cour suprême du Canada y a conclu que la procédure établie remplissait les deux premières conditions : le droit à une audition devant un magistrat indépendant et impartial.

[87]      Cependant, l’ancien régime de certificats de sécurité ne remplissait pas la troisième condition, c’est‑à‑dire que la décision rendue doit être fondée sur les faits et le droit. Les décisions rendues suivant l’ancien régime de la LIPR ne remplissaient pas cette condition de l’article 7, car on ne pouvait pas avoir la certitude que le juge désigné avait disposé de tous les faits pertinents et, par conséquent, ces décisions pourraient ne pas avoir été rendues sur le fondement de l’ensemble des faits ou du droit (voir Charkaoui no 1, au paragraphe 51).

[88]      Il s’ensuivait également que l’ancien régime de certificats de sécurité établi par la LIPR ne garantissait pas que la personne visée par les restrictions à la divulgation était suffisamment informée. Par conséquent, les droits de la personne visée de connaître la preuve produite contre elle et d’y répondre n’étaient pas respectés. Pour ces motifs, la Cour suprême du Canada a donc conclu que l’ancien régime de certificats de sécurité contrevenait à l’article 7 (voir Charkaoui no 1, au paragraphe 64).

[89]      Cependant, la Cour suprême du Canada, aux paragraphes 57 et 58 de l’arrêt Charkaoui no 1, a dit que le droit d’une partie de connaître la preuve produite contre elle n’est pas absolu et elle « a reconnu à de nombreuses reprises que des considérations relatives à la sécurité nationale peuvent limiter l’étendue de la divulgation ».

[90]      La Cour suprême du Canada a également souligné que, sous l’ancien régime de la LIPR, aucune solution de rechange efficace n’avait été mise en place pour veiller à la protection des principes de justice fondamentale et que le caractère équitable de la procédure reposait entièrement sur les épaules du juge désigné. Gardant ces considérations à l’esprit, la Cour suprême du Canada a donné un an au Parlement pour modifier la LIPR afin qu’elle remplisse les exigences de l’article 7 et a souligné qu’il fallait soit que le juge désigné dispose de tous les renseignements pertinents, soit trouver une autre façon de l’informer pour l’essentiel (Charkaoui no 1).

[91]      En résumé, la juge en chef a noté au paragraphe 65 de l’arrêt Charkaoui no 1 que le secret requis en matière de renseignements touchant la sécurité nationale faisait en sorte qu’il empêchait la personne visée de connaître ce qui lui était reproché et de contester la thèse du gouvernement. Le juge désigné ne disposait donc pas de l’ensemble des faits et des arguments juridiques pertinents pour rendre sa décision.

11.       Au besoin, l’article premier de la Charte peut-il s’appliquer en l’espèce?

[92]      Comme l’a noté la juge en chef McLachlin au paragraphe 66 de l’arrêt Charkaoui no 1, les droits à la vie, à la liberté et à la sécurité garantis par l’article 7 de la Charte peuvent être restreints par le législateur à condition que ce soit dans des limites dont la justification puisse se démontrer dans le cadre d’une société libre et démocratique.

[93]      Dans le Renvoi : Motor Vehicle Act de la C.‑B., [1985] 2 R.C.S. 486, à la page 518, le juge Lamer (plus tard juge en chef de la Cour suprême), s’exprimant au nom de la majorité, s’est dit d’avis que l’article premier peut exceptionnellement sauvegarder des violations de l’article 7. Il a donné comme exemples de conditions exceptionnelles les désastres naturels, des hostilités, les épidémies et ainsi de suite. Cette observation a été réitérée de nombreuses fois, et il n’existe aucun précédent dans lequel une violation de l’article 7 a été sauvegardée par l’article premier de la Charte.

[94]      Après avoir mentionné ce principe, la juge en chef a noté que les dérogations au droit à une audience équitable peuvent difficilement se justifier au sens de l’article premier, mais que « leur justification n’est pas nécessairement impossible, surtout dans des circonstances extraordinaires mettant en cause des préoccupations sérieuses et des problèmes complexes » (voir Charkaoui no 1, au paragraphe 66).

[95]      Par la suite, au paragraphe 68, la juge en chef a dit au nom de tous les juges de la Cour suprême que « [l]a protection de la sécurité nationale du Canada et des sources en matière de renseignement constitue assurément un objectif urgent et réel. Les dispositions de la LIPR prévoyant la non‑communication d’éléments de preuve dans le cadre d’une audition sur un certificat ont un lien rationnel avec cet objectif. »

[96]      Dans l’arrêt Charkaoui no 2, la Cour suprême du Canada, qui ne se prononçait pas alors sur les dispositions actuelles de la LIPR, a confirmé, sur le fondement des facteurs soulignés dans l’arrêt Suresh (qui renvoyait aux facteurs consacrés par l’arrêt Baker), « la nécessité d’un droit élargi à l’équité procédurale, qui impose la divulgation de la preuve, dans le cadre des procédures reliées à l’évaluation du caractère raisonnable du certificat de sécurité et à sa mise en œuvre » (Charkaoui no 2, au paragraphe 58).

12.       Les questions en litige

[97]      Afin de répondre à la question constitutionnelle, il faut répondre aux questions suivantes :

- La LIPR a-t-elle porté atteinte aux droits à la liberté et à la sécurité de M. Harkat?

- Dans l’affirmative, les protections établies par la nouvelle LIPR, telles les dispositions sur la divulgation et les avocats spéciaux, constituent‑elles des solutions de rechange véritables et substantielles qui respectent les principes de justice fondamentale tout en protégeant les renseignements touchant la sécurité nationale?

- Dans la négative, l’article premier de la Charte peut‑il sauvegarder les dispositions de la LIPR dans la mesure où les atteintes aux droits peuvent se justifier dans le cadre d’une société libre et démocratique?

[98]      Afin de statuer adéquatement sur ces questions, il faut se pencher sur d’autres questions connexes. Par exemple, la Cour définira les « renseignements touchant à la sécurité nationale » afin de comprendre pourquoi des limites à la divulgation ont été imposées.

13.       Qu’entend‑on par renseignement touchant la sécurité nationale?

[99]      L’article 76 de la LIPR définit les « renseignements » touchant la sécurité nationale comme étant les « renseignements en matière de sécurité ou de criminalité et ceux obtenus, sous le sceau du secret, de source canadienne ou du gouvernement d’un État étranger, d’une organisation internationale mise sur pied par des États ou de l’un de leurs organismes. »

[100]   Certains renseignements classifiés comme étant des renseignements touchant la sécurité nationale ont certainement été obtenus sous le sceau du secret. Il est pratique courante que les organismes de renseignement se transmettent des renseignements assujettis à mise en garde précisant que les renseignements appartiennent à l’organisme qui les a fournis et qu’ils ne doivent pas être rendus publics à moins que cet organisme l’autorise par écrit. Il s’agit de la règle des tiers. Mon collègue, le juge Mosley, a fait de longues observations à ce sujet (Canada (Procureur général) c. Khawaja, 2007 CF 490, [2008] 1 R.C.F. 547 (aux paragraphes 139 à 142)) :

De manière générale, la règle des tiers dispose que l’organisme canadien qui reçoit des renseignements de sécurité d’un gouvernement ou organisme étranger doit obtenir le consentement de celui‑ci avant de les divulguer : Ahani c. Canada, [1995] 3 C.F. 669 (1re inst.), aux pages 676 à 678 (la décision Ahani). Dans le même sens, la Cour fédérale a dit dans la décision Harkat c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1740, paragraphe 63, citant la décision Harkat (Re), 2005 CF 393, au paragraphe 89, qu’un type de renseignements dont l’État a le droit légitime de préserver la confidentialité concerne « [l]es secrets transmis par des pays étrangers ou des services de renseignement étrangers, lorsque la divulgation non autorisée de ces renseignements porterait ces pays ou ces services à ne plus confier de secrets à un destinataire qui n’est pas digne de confiance ou qui n’est pas à même d’en assurer la confidentialité ».

Tout récemment, la règle des tiers a été qualifiée dans la décision Ottawa Citizen Group Inc. c. Canada (Procureur général), 2006 CF 1552, au paragraphe 25 (la décision Ottawa Citizen) de règle concernant « l’échange de renseignements entre des services du renseignement de sécurité et d’autres organismes apparentés. En termes simples, l’organisme qui obtient des renseignements ne doit ni désigner la source des renseignements ni en communiquer le contenu sans l’autorisation de l’organisme d’origine » (non souligné dans l’original).

Cette jurisprudence enseigne que la règle des tiers est censée s’appliquer à l’échange de renseignements entre États et organismes de divers pays. Comme l’a signalé la Cour dans la décision Ottawa Citizen, cette règle protège à la fois le contenu des renseignements échangés et leur source. Cela dit, ce principe ne s’applique manifestement pas à la protection de sources potentielles lorsqu’aucun renseignement n’a été échangé, car cela échappe à son objet. Si, par exemple, le procureur général souhaite empêcher la divulgation de l’existence d’une relation, il doit invoquer d’autres moyens.

En outre, comme le soutient le demandeur, la règle des tiers est fondée sur le principe du droit de regard de la source des renseignements, et c’est la raison pour laquelle le consentement de l’organisme ou État d’origine doit être obtenu avant que des renseignements échangés ne puissent être communiqués. L’importance de ce principe a en fait été reconnue par l’OTAN lorsqu’elle a établi le Système de sécurité de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord, Bruxelles : Archives de l’OTAN, 1er décembre 1949. DC 2/1: 4, où l’on peut lire ce qui suit :

[traduction] Les parties au Traité de l’Atlantique Nord… mettront tout en œuvre pour s’assurer qu’ils préservent les classifications de sécurité établies par une partie pour les renseignements dont cette partie est la source; elles protégeront en conséquence lesdits renseignements; … et elles s’abstiendront de les divulguer à une autre nation sans le consentement de leur source.

[101]   Je retiens cette explication de la règle des tiers. Les organismes de renseignements prennent cette règle très au sérieux. Tout manquement pourrait grandement nuire à la circulation de l’information. Comme l’a noté la juge Arbour (alors juge à la Cour suprême) au paragraphe 44 de l’arrêt Ruby c. Canada (Solliciteur général), 2002 CSC 75, [2002] 4 R.C.S. 3, le Canada est un importateur net d’information obtenue à l’étranger et il se fonde sérieusement sur cette information pour veiller à ce que les enquêtes en matière de renseignement soient effectuées de manière appropriée, efficace et professionnelle. Telle était la situation en 2002, et elle n’a pas changé depuis; en effet, la situation s’est peut‑être même aggravée. Le Canada ne peut pas se permettre de violer une mise garde parce que cette violation pourrait interrompre la circulation de l’information, ce qui pourrait avoir une grave incidence sur les enquêtes futures et en cours en matière de renseignement.

[102]   Les limitations imposées par les mises en garde s’appliquent aux sources canadiennes et étrangères. Il est bien reconnu que l’autorisation de divulguer publiquement les renseignements fournis par une source n’est donnée que dans des circonstances exceptionnelles.

[103]   Les renseignements touchant la sécurité nationale renferment également des informations pouvant révéler des sources humaines ou techniques, des méthodes d’enquête en matière de renseignement, des communications entre des organismes de renseignement et des noms de code employés dans des dossiers de renseignement. Il s’agit de renseignements de première importance pour ces organismes, qui portent une grande attention à la divulgation publique de renseignements en raison des conséquences que cette divulgation pourrait avoir sur la sécurité d’autrui et sur les enquêtes futures. Ce type de renseignement est non seulement digne d’intérêt pour les personnes participant aux instances relatives aux certificats de sécurité, mais également pour les entités étrangères qui s’en servent pour leurs propres objectifs internes.

[104]   Les renseignements du SCRS pourraient révéler ses propres méthodes de collecte, de classement, d’analyse et d’interprétation de renseignements secrets. Les documents originaux fournis par le SCRS renferment des renseignements sensibles tels que les systèmes de classement, les sujets de préoccupation, le vocabulaire particulier employé, les analyses effectuées, etc. Sont également en cause les modes d’échange des renseignements provenant d’une multitude de sources ainsi que le mode de vérification de la qualité et de la véracité des renseignements, etc. La divulgation de tels renseignements toucherait non seulement des intérêts personnels, mais également les intérêts d’États étrangers.

[105]   Comme il est clairement ressorti de l’examen des renseignements classifiés étayant les rapports très secrets en matière de renseignements de sécurité ainsi que de la divulgation de grande envergure effectuée sur le fondement de l’arrêt Charkaoui no 2, les documents peuvent porter sur plus d’un sujet. Ils peuvent renfermer des renseignements sensibles sur un éventail de questions qui ne sont pas toutes liées à leur sujet principal. La divulgation des originaux ne convenait pas. Par conséquent, les résumés de renseignements ont constitué la façon appropriée de communiquer des renseignements chaque fois que cela a été estimé possible.

14.       La LIPR a-t-elle porté atteinte aux droits à la liberté et à la sécurité de M. Harkat?

[106]   M. Harkat a été détenu du 10 décembre 2002 au 23 mai 2006, où il a été libéré sous certaines conditions. Par la suite, ces conditions ont été contrôlées et allégées. Actuellement, M. Harkat est encore assujetti à certaines conditions et, bien que ces conditions soient moins restrictives, elles portent encore atteinte à sa liberté (voir l’annexe A).

[107]   Dans l’arrêt Charkaoui no 1, la juge en chef du Canada a conclu que les dispositions de l’ancienne LIPR « privent clairement les détenus comme les appelants de leur liberté » parce que les personnes visées par un certificat de sécurité peuvent être exposées à une longue détention. Si elles sont libérées, les personnes désignées sont assujetties à des conditions qui « restreignent fortement la liberté individuelle » bien qu’« elles soient moins sévères que l’incarcération » (voir les paragraphes 13 et 116).

[108]   Vu que la Cour a déjà conclu que le certificat était raisonnable (voir Harkat (Re), 2010 CF 1241 [cité ci-dessus]), une telle conclusion a le même effet qu’une mesure de renvoi en vigueur (voir l’article 80 de la LIPR).

[109]   Dans l’arrêt Charkaoui no 1, au paragraphe 14, la juge en chef a noté que la procédure des certificats de sécurité peut entraîner le renvoi de la personne visée du Canada vers un pays où sa vie et sa liberté pourraient être menacées. Elle a également mentionné que, vu que l’accusation est fondée sur le terrorisme, elle pourrait causer un tort irréparable à la personne, surtout si elle est renvoyée dans son pays d’origine. Ces deux éléments et le tort irréparable causé à la personne du fait qu’elle a été liée au terrorisme constituent des éléments essentiels qui peuvent porter atteinte aux droits de la personne garantis par l’article 7.

[110]   Dans l’arrêt Medovarski c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration); Esteban c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CSC 51, [2005] 2 R.C.S. 539, la juge en chef, au nom de la Cour suprême, a reconnu, sur le fondement de la jurisprudence Chiarelli c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1992] 1 R.C.S. 711, à la page 733, que les non‑citoyens n’ont pas un droit absolu d’entrer ou de demeurer au Canada. Le principe le plus fondamental en droit de l’immigration est que, « [à] elle seule, l’expulsion d’un non‑citoyen ne peut mettre en cause les droits à la liberté et à la sécurité garantis par l’art. 7 » de la Charte  [non souligné dans l’original]. La juge en chef est même allée plus loin et a dit que, « [m]ême si la liberté et la sécurité de la personne étaient en jeu, l’iniquité ne suffit pas pour qu’il y ait manquement aux principes de justice fondamentale » (voir les paragraphes 46 et 47). Comme la Cour suprême l’a précisé aux paragraphes 16 et 17 de l’arrêt Charkaoui no 1, cela ne veut pas dire que les procédures d’expulsion ne sont en aucun cas visées par l’examen fondé sur l’article 7, car certains éléments rattachés à l’expulsion, tels que la détention et le renvoi vers un pays où il existe un risque de torture, peuvent en entraîner l’application.

[111]   En l’espèce, le processus judiciaire suit son cours; les ministres prendront leurs décisions ultérieurement. Au besoin, M. Harkat peut exercer d’autres recours pour protéger ses droits.

[112]   La juge en chef, au paragraphe 16 de l’arrêt Charkaoui no 1, a tiré la conclusion suivante :

Les intérêts personnels en jeu indiquent que l’art. 7 de la Charte, qui vise à protéger la vie, la liberté et la sécurité de la personne, trouve application. Ce qui nous amène directement à la question de savoir si l’atteinte portée à ces intérêts par la LIPR est conforme aux principes de justice fondamentale.

[113]   Telle était la situation sous le régime de l’ancienne LIPR, et la même situation a encore cours sous le régime actuel. M. Harkat est privé de sa liberté et, suivant des décisions qui seront prises ultérieurement, il pourrait également être privé de son droit à la sécurité de sa personne.

15.       Suivant l’article 7 de la Charte, est‑il acceptable que les renseignements touchant la sécurité nationale nécessitent une protection juridique?

[114]   La Cour suprême du Canada a toujours reconnu que les renseignements touchant la sécurité nationale constituaient un précieux atout pour le Canada et qu’ils devaient faire l’objet d’une protection juridique.

[115]   La Cour suprême du Canada a invariablement répété l’importance de l’approche contextuelle en ce qui concerne l’interprétation de l’article 7 (R. c. Wholesale Travel Group Inc., [1991] 3 R.C.S. 154, à la page 226, le juge Cory) :

  Il est désormais clair que la Charte doit être interprétée en fonction du contexte dans lequel une revendication prend naissance. Le contexte est important à la fois pour délimiter la signification et la portée des droits garantis par la Charte et pour déterminer l’équilibre qu’il faut établir entre les droits individuels et les intérêts de la société.

[116]   Dans ce contexte, les renseignements touchant la sécurité nationale ainsi que les objectifs et les droits prévus dans la LIPR constituent des éléments inextricablement liés aux faits de l’espèce.

[117]   Comme la Cour suprême l’a dit aux pages 744 et 745 de l’arrêt Chiarelli, l’État a un intérêt légitime à garder confidentiels les renseignements touchant à la sécurité nationale :

Cependant, l’État a aussi grandement intérêt à mener efficacement les enquêtes en matière de sécurité nationale et de criminalité et à protéger les sources de renseignements de la police. La nécessité de confidentialité dans les affaires mettant en cause la sécurité nationale est soulignée par lord Denning dans l’arrêt R. c. Secretary of State for the Home Department, ex parte Hosenball, [1977] 3 All E.R. 452 (C.A.), à la p. 460:

[traduction] Les renseignements fournis au Home Secretary par le Service de sécurité sont, et doivent être, hautement confidentiels. L’intérêt public dans la sûreté du Royaume est si grand que les sources de renseignements ne doivent pas être révélées, ni leur nature, s’il en résulte le moindre risque de faire découvrir ces sources. La raison en est que, dans ce domaine où la dissimulation est reine, nos ennemis pourraient tenter d’éliminer la source de ces informations.

Sur la nécessité générale de protéger la confidentialité des sources de renseignements de la police, notamment dans le domaine des stupéfiants, voir l’arrêt R. c. Scott, [1990] 3 R.C.S. 979, aux pp. 994 et 995. Voir aussi l’arrêt Ross c. Kent Inst. (1987), 57 C.R. (3d) 79, aux pp. 85 à 88 (C.A.C.‑B.), dans lequel la cour a statué qu’il n’est pas nécessaire pour que soient respectés les principes de justice fondamentale qu’un détenu connaisse les sources des renseignements dont dispose la Commission des libérations conditionnelles, pourvu qu’il soit informé de leur substance.

[118]   Bien que cet arrêt ait été rendu dans le milieu des années 90, il est toujours d’actualité. En outre, l’étendue des divulgations à cette époque n’était pas aussi large qu’aujourd’hui. Au paragraphe 27 de l’arrêt Charkaoui no 1, la juge en chef a exposé avec justesse le besoin de protection :

Les mesures requises pour assurer la justice fondamentale doivent tenir compte des exigences propres au contexte de la sécurité. Il faut toutefois s’assurer que l’essence de l’art. 7 demeure intacte. Les principes de justice fondamentale ne peuvent être réduits au point de ne plus offrir la protection de l’application régulière de la loi qui constitue le fondement même de l’art. 7 de la Charte. Il se peut que cette protection ne soit pas aussi complète qu’en l’absence de contraintes liées à la sécurité nationale. Mais il demeure qu’il ne saurait y avoir conformité avec l’art. 7 sans une protection véritable et substantielle.

[119]   La Charte opère une distinction entre les citoyens et les non‑citoyens. Seuls les citoyens canadiens ont le droit de demeurer au Canada, d’y entrer ou d’en sortir, mais les résidents permanents (non les étrangers) ont le droit de se déplacer dans tout le pays, d’établir leur résidence dans toute province et d’y gagner leur vie (voir les paragraphes 6(1) et 6(2) de la Charte).

[120]   Le Canada a le droit d’accepter et de refuser l’entrée au pays à des candidats à l’immigration pour des raisons légitimes, telles que la sécurité et la grande criminalité. La LIPR prévoit des normes et des conditions visant l’entrée et le séjour au Canada de non‑citoyens. La section 3 [de la partie 1] de la LIPR vise le droit d’entrer au Canada applicable aux citoyens, aux Indiens et aux résidents permanents (voir les paragraphes 19(1) et (2) ainsi que 27(1) et (2)) et énonce l’obligation applicable aux étrangers lors de leur entrée au Canada (voir l’article 20). La section 4 prévoit les motifs d’interdiction de territoire (voir les articles 34 et 36 [mod. par L.C. 2008, ch. 3, art. 3]). La section 5 regroupe les dispositions sur la perte de statut et le renvoi.

[121]   La LIPR précise que l’un de ses objectifs est :

3. (1) […]

i) de promouvoir, à l’échelle internationale, la justice et la sécurité par le respect des droits de la personne et l’interdiction de territoire aux personnes qui sont des criminels ou constituent un danger pour la sécurité;

Objet en matière d’immigration

[122]   Un autre objectif de la LIPR est :

3. (1) […]

h) de protéger la santé des Canadiens et de garantir leur sécurité;

Objet en matière d’immigration

[123]   Dans l’arrêt Medovarski, précité, la juge en chef de la Cour suprême du Canada a fait des observations sur ces objectifs et a noté que ces derniers révèlent « une intention de donner priorité à la sécurité » et « traduisent la ferme volonté de traiter les criminels et les menaces à la sécurité avec moins de clémence que le faisait l’ancienne Loi » (voir le paragraphe 10).

[124]   L’article 7 de la Charte s’applique en fonction de ce contexte lors de l’examen des principes de justice fondamentale lorsqu’il est question d’enjeux liés à la sécurité nationale, de politiques d’immigration et des droits de la personne. Cela étant dit, les renseignements touchant la sécurité nationale doivent être protégés de toute divulgation. Il s’agit d’un intérêt sociétal valable.

[125]   Il est impératif que ces renseignements soient protégés en tout temps. Ce besoin a toujours été reconnu par la Cour suprême (voir Thomson c. Canada (Sous‑ministre de l’Agriculture), [1992] 1 R.C.S. 385, à la page 395; Suresh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), au paragraphe 126, et Chiarelli, précité). La juge en chef l’a récemment répété dans l’arrêt Charkaoui no 1, dans lequel elle a dit au premier paragraphe que « [l]’une des responsabilités les plus fondamentales d’un gouvernement est d’assurer la sécurité de ses citoyens. Pour y parvenir, il peut arriver qu’il doive agir sur la foi de renseignements qu’il ne peut divulguer », car « des considérations relatives à la sécurité nationale peuvent limiter l’étendue de la divulgation de renseignements à l’intéressé » (paragraphe 58).

[126]   Cela étant dit, le défi que doit relever le législateur est de veiller à ce que des solutions de rechange adéquates soient mises en place « dans le respect des impératifs à la fois de la sécurité et d’une gouvernance constitutionnelle responsable » (voir le premier paragraphe de l’arrêt Charkaoui no 1). La Cour doit rechercher si, par les nouvelles dispositions de la LIPR, le législateur est parvenu à relever ce défi.

16.       Les protections mises en place par la nouvelle LIPR constituent‑elles des solutions de rechange véritables et substantielles qui respectent les principes de justice fondamentale tout en protégeant les renseignements touchant la sécurité nationale?

[127]   Comme il a été noté précédemment, les principes de justice fondamentale sont les suivants : 1) le droit à une audition; 2) l’audition doit être présidée par un magistrat indépendant et impartial; 3) la décision doit être fondée sur les faits et le droit, ce qui emporte le droit de chacun de connaître la preuve produite contre lui et le droit d’y répondre. La loi doit respecter ces exigences.

[128]   Il serait certainement paradoxal que, d’une part, le gouvernement se fixe un objectif en matière de sécurité et que, d’autre part, il divulgue des renseignements sensibles touchant la sécurité nationale dans le cadre d’un contentieux en cours. Il est important de s’assurer que la personne visée puisse jouir d’une procédure équitable.

[129]   Dans l’arrêt Charkaoui no 1, la juge en chef a bien reconnu que l’ancienne LIPR prévoyait le droit à une audition devant un juge impartial. La LIPR prévoit aussi le droit à une audience puisque tant la personne visée que le ministre ont l’occasion de faire valoir leurs arguments (voir le paragraphe 83(1) de la LIPR). Le rôle du juge a été élargi dans une certaine mesure, notamment en ce qui a trait à son obligation de veiller à ce que des résumés soient fournis tout au long de l’instance, à son pouvoir discrétionnaire d’exiger la tenue d’une audience à huis clos ainsi qu’à son rôle à l’égard de l’avocat spécial et du contrôle judiciaire des détentions et des conditions de détentions. La nouvelle loi respecte donc ces deux exigences de la justice fondamentale.

[130]   L’ancienne loi ne respectait pas la troisième exigence de la justice fondamentale, soit que la décision doit être fondée sur les faits et le droit. Pour que cette exigence soit respectée, il faut être certain que, à la fin du processus, le juge a été mis au courant de tous les faits, sans quoi l’ensemble des arguments juridiques sont plus ou moins sans objet.

[131]   L’ancienne LIPR ne respectait pas la troisième exigence parce qu’elle ne prévoyait pas une divulgation suffisante et parce que la personne visée n’était pas représentée de façon adéquate lors des audiences à huis clos, ce qui lui aurait permis d’être bien informée de la preuve produite contre elle et d’être en mesure d’y répondre. Comme l’a noté la juge en chef dans l’arrêt Charkaoui no 1, la portée des dispositions de l’ancienne loi portant sur la divulgation de la preuve n’était pas assez large et les dispositions ne prévoyaient aucune solution de rechange aux fins des audiences à huis clos.

[132]   La nouvelle LIPR révèle clairement que l’intention du législateur était que des éléments de preuve soient divulgués à la personne visée pour qu’elle puisse être suffisamment informée de la preuve produite contre elle. Des résumés de la preuve doivent être fournis lors du dépôt du certificat (au début de la procédure) et tout au long de l’instance. De tels résumés doivent permettre à la personne d’être suffisamment informée de la preuve produite contre elle (voir le paragraphe 77(2) et l’alinéa 83(1)g) de la LIPR). En outre, le législateur a chargé l’avocat spécial de contester toute affirmation du ministre voulant que la divulgation de renseignements ou autres éléments de preuve porterait atteinte à la sécurité nationale ou à la sécurité d’autrui (voir l’alinéa 85.1(2)a) de la LIPR). La question de la divulgation n’incombe donc pas seulement au ministre (paragraphe 77(2) de la LIPR), mais également au juge désigné (alinéa 83(1)e) de la LIPR) et à l’avocat spécial (alinéa 85.1(2)a) de la LIPR). Sous l’ancienne LIPR, la question de la divulgation ne relevait que du juge.

[133]   Le régime légal actuel dispose également que l’avocat spécial doit être mis au courant de l’ensemble de la preuve présentée lors des audiences publiques et des audiences à huis clos afin qu’il puisse défendre les intérêts de la personne visée (voir le paragraphe 85.1(1) de la LIPR). L’ancienne loi ne prévoyait rien de tel.

[134]   Des résumés de la preuve sont fournis et tous les intervenants dans l’instance peuvent les consulter. Les résumés de renseignements très secrets sont parfois condensés, mais ils peuvent également être plus volumineux et renfermer davantage que de simples allégations. Ils renferment aussi des éléments de preuve factuels. Le premier résumé de la preuve fourni par les ministres (voir la pièce M5) renfermait effectivement des éléments de preuve révélateurs qui ont par la suite été complétés par des divulgations supplémentaires effectuées par voie de résumés ou autrement (voir, par exemple, les pièces M7 à M11). Ces documents donneraient une bonne idée des éléments de preuve factuels présentés par les ministres. John, un agent du renseignement du SCRS, a témoigné pour le compte des ministres et a été contre‑interrogé. Il n’avait consulté que le dossier public. Son témoignage a permis à M. Harkat de comprendre l’ensemble du cadre factuel présenté lors de l’audience publique contre lui ainsi que la teneur de la preuve produite contre lui.

[135]   Les résumés visent à garantir qu’aucun renseignement divulgué ne porte atteinte à la sécurité nationale ou à la sécurité d’autrui. Ils sont rédigés de façon à informer la personne visée sans porter atteinte à la sécurité nationale. Par exemple, les résumés ne renfermeront pas le nom de l’auteur du message, le nom de l’organisation, les codes, les renseignements concernant les sources, etc. Ils peuvent contenir peu de renseignements s’ils font état de renseignements provenant d’une source unique ou portant sur des sources humaines.

[136]   En résumé, M. Harkat a été mis au courant de la preuve produite contre lui. Il connaissait l’ensemble des allégations formulées contre lui et certains éléments de preuve importants étayant ces allégations. Son témoignage ne donne nullement à penser qu’il ne connaissait pas ce qu’on lui reprochait, au contraire.

[137]   Les résumés de conversation (la pièce K) concernant M. Harkat n’avaient pas été divulgués lors des instances précédentes. Bien que M. Harkat nie avoir participé à nombre de ces conversations, ces dernières restent instructives.

[138]   La divulgation effectuée sur le fondement de l’arrêt Charkaoui no 2 (la pièce M15) a aussi permis à M. Harkat de mieux comprendre les renseignements des ministres en l’espèce. Cette divulgation a été effectuée à la demande des avocats spéciaux, qui ont estimé qu’il était important que M. Harkat connaisse ces renseignements.

[139]   Au fur et à mesure que l’instance progressait et que de nouveaux renseignements étaient divulgués, les avocats spéciaux ont pu demander l’autorisation de communiquer avec M. Harkat et ses avocats afin de discuter de points particuliers. Des autorisations ont été accordées dans la plupart des cas. La Cour cherchait à éviter que, lors des communications, des renseignements soient divulgués explicitement ou implicitement par inadvertance. C’est pourquoi aucune communication n’aurait été accordée sans que des limites appropriées soient proposées. Les avocats publics pouvaient communiquer en tout temps avec les avocats spéciaux sans autorisation judiciaire. Les réponses des avocats spéciaux, le cas échéant, devaient être autorisées par un juge. Cette façon de faire a également été respectée. L’annexe B fait état des demandes de communication présentées par les avocats spéciaux et des décisions rendues à l’égard de ces demandes.

[140]   Bien qu’on ne lui ait pas demandé de se prononcer sur la question constitutionnelle soulevée par la divulgation effectuée dans l’affaire Almrei (2009) étant donnée la détermination faite déclarant non-raisonnable le certificat émis, mon collègue le juge Mosley a dit être satisfait du processus de divulgation et de son issue (voir les paragraphes 484, 487 et 488). Deux juges désignés ont conclu que le régime actuel prévoyait une procédure de divulgation de renseignements qui s’était révélée efficace, et il s’ensuit que les renseignements divulgués dans la présente instance ont effectivement permis à M. Harkat de connaître la preuve produite contre lui et d’être capable d’y répondre.

[141]   L’étendue de la divulgation variera selon les circonstances de chaque affaire. Comme des affaires précédentes en matière d’immigration portant entre autres sur l’espionnage ou la subversion l’ont montré, la divulgation peut porter atteinte à la sécurité nationale. L’espionnage concerne des personnes agissant pour le compte d’un pays (voir, par exemple, Miller c. Canada (Solliciteur général), 2006 CF 912, [2007] 3 R.C.F. 438; Hampel c. Canada, ordonnance modifiée du 6 décembre 2006; et Lambert c. Canada, ordonnance du 5 juin 1996). Dans de telles affaires, la divulgation de renseignements touchant la sécurité nationale peut être problématique. La nouvelle loi confère au juge des pouvoirs discrétionnaires dans de telles circonstances afin que le juge puisse prendre les mesures qui s’imposent.

[142]   M. Harkat et d’autres témoins (certains en qualité de témoins experts) ont, de fait, témoigné. Par conséquent, les faits de l’affaire ont été présentés et les avocats publics ont fait valoir des observations exhaustives sur les faits pertinents et le droit applicable. Ces observations, interprétées de concert avec les observations des ministres, sont instructives.

[143]   Le processus de divulgation établi par la nouvelle loi ainsi que le rôle actif joué par les avocats spéciaux dans la contestation des allégations des ministres assurent à la personne visée une protection adéquate. Les principes de justice fondamentale sont respectés.

16.1    Les dispositions relatives à la divulgation dans la LIPR (les alinéas 83(1)c) à e)) sont‑elles inconstitutionnelles parce qu’elles ne prévoient pas une mise en balance dans le cadre de laquelle il faudrait tenir compte de l’intérêt public, comme le prévoit le paragraphe 38.06(2) de la Loi sur la preuve au Canada?

[144]   Aux paragraphes 9 et 10 de la décision Jaballah (Re), 2009 CF 279 (Jaballah (2009)), la juge Dawson (maintenant juge à la Cour d’appel fédérale) s’est prononcée en partie sur la présente question :

Il incombe aux ministres d’établir que la divulgation non seulement pourrait porter atteinte mais qu’elle porterait effectivement atteinte à la sécurité nationale ou à la sécurité d’autrui. Voir : Ahani c. Canada, [1995] 3 C.F. 669, aux paragraphes 18 et 19; conf. par (1996), 201 N.R. 233; demande d’autorisation rejetée [1996] C.S.C.R. n496 (et voir Harkat (Re) (2003), 231 F.T.R. 19, au paragraphe 10, pour l’application de cette jurisprudence au cadre législatif actuel). Cette conclusion imposant aux ministres la charge de la preuve est compatible avec la jurisprudence établie dans d’autres contextes. Voir, par exemple, Vancouver Sun (Re), [2004] 2 R.C.S. 332, au paragraphe 31.

Lorsqu’il est convaincu que la divulgation porterait atteinte à la sécurité nationale ou à la sécurité d’autrui, le juge désigné est tenu, en vertu de l’alinéa 83(1)d) de la Loi, de garantir la confidentialité des renseignements. Le juge désigné n’est investi d’aucun pouvoir discrétionnaire à cet égard, ce qui rend non pertinente la pondération des droits qui a été décrite dans des affaires comme l’arrêt Dagenais c. Société Radio-Canada, [1994] 3 R.C.S. 835 et l’arrêt R. c. Mentuck, [2001] 3 R.C.S. 442. Voir : Personne désignée c. Vancouver Sun, susmentionné, aux paragraphes 34 à 37.

Je retiens cette approche. Cependant, avant de conclure que la divulgation de renseignements porterait atteinte à la sécurité nationale ou à la sécurité d’autrui, il faut que certaines étapes soient respectées.

[145]   Selon la LIPR, la personne visée doit être suffisamment informée de la preuve à laquelle elle doit répondre à condition que la preuve ne renferme pas, de l’avis du juge, des renseignements qui porteraient atteintes à la sécurité nationale ou à la sécurité d’autrui. Ces deux exigences s’entrechoquent. La LIPR prévoit la divulgation de renseignements au moyen de résumés, lesquels, s’ils sont adéquatement formulés, peuvent parer aux risques de divulgation de renseignements qui pourraient être préjudiciables. Si les ministres n’acceptent pas une telle divulgation, la loi prévoit un mécanisme leur permettant de retirer les renseignements en cause. Le juge désigné doit garantir leur confidentialité et il ne peut pas les utiliser aux fins de sa décision.

[146]   Suivant la LPC, des renseignements peuvent être divulgués s’ils ne portent pas atteinte aux relations internationales ou bien à la défense ou à la sécurité nationales. Si le juge conclut que la divulgation des renseignements serait préjudiciable, il peut envisager de divulguer tout ou partie des renseignements si, en soupesant le tout, la divulgation servira mieux l’intérêt public que la non‑divulgation. M. Harkat soutient que cette exigence de mise en balance devrait s’appliquer à la LIPR. Si l’intérêt public l’emporte, le juge doit déterminer comment divulguer les renseignements pour limiter l’atteinte. Cette divulgation pourrait porter sur tout ou partie des renseignements ou être effectuée au moyen d’un résumé des renseignements ou d’un aveu écrit des faits.

[147]   M. Harkat soutient que l’absence de mise en balance de l’intérêt public dans la LIPR viole le droit de la personne visée de connaître la preuve produite contre elle et d’y répondre dans la mesure où la LIPR prévoit que la divulgation de renseignements ou d’éléments de preuve est automatiquement interdite s’il s’agit de renseignements touchant la sécurité nationale. Il soutient que les alinéas 83(1)c), d) et e) sont donc inconstitutionnels.

[148]   Les ministres répliquent que le législateur a fait un choix en décidant d’ajouter les dispositions relatives à la divulgation dans la LIPR, qu’il connaissait toutes les options qui s’offraient à lui et que l’on doit respecter son choix. Ils affirment que le processus de divulgation établi par la LIPR est équitable vu les intérêts en cause. Ils soutiennent que le choix du législateur doit être respecté. Compte tenu du processus de divulgation et de l’intervention active des avocats spéciaux en ce qui a trait aux questions liées à la divulgation, le droit de la personne visée de connaître la preuve et d’y répondre, qui n’est pas un droit absolu suivant les circonstances, est respecté, et les alinéas 83(1)c), d) et e) de la LIPR sont constitutionnels.

[149]   M. Harkat demande que davantage de renseignements soient divulgués. Il soutient que, si l’on tient compte de l’intérêt public, plus de renseignements peuvent être divulgués et que certains renseignements portant atteinte à la sécurité nationale peuvent être divulgués.

[150]   Le législateur a choisi une autre façon de faire. Il a adopté un processus de divulgation qui permet à la personne visée d’être suffisamment informée tout en ne divulguant pas des renseignements qui porteraient atteinte à la sécurité nationale ou à la sécurité d’autrui. Il faut établir l’équilibre entre deux éléments lors de la divulgation de renseignements dans le cadre d’une instance relative à un certificat de sécurité : le juge doit suffisamment informer la personne visée, mais, en même temps, il ne doit y avoir aucune divulgation de renseignements qui porterait atteinte à la sécurité nationale. La rédaction d’un résumé de renseignements ou d’autres éléments de preuve à des fins de divulgation peut être la solution.

[151]   Cela appelle l’intervention du juge désigné ainsi que des avocats spéciaux et des avocats des ministres. L’objectif est et a été d’informer la personne visée de l’ensemble des allégations formulées contre elle et de lui fournir un résumé des faits adéquat.

[152]   Compte tenu des préoccupations du législateur en ce qui a trait aux atteintes à la sécurité nationale, l’objectif d’informer suffisamment la personne visée peut être atteint par la rédaction d’un résumé de la preuve adéquat. Des renseignements touchant la sécurité nationale sont ainsi divulgués à la personne visée de façon à ce que la divulgation ne contrevienne pas à la LIPR. À la page 746 de l’arrêt Chiarelli, le juge Sopinka, qui se penchait alors sur des questions liées à la divulgation, a conclu que « suffisamment de renseignements pour mettre l’intimé au courant de la substance des actes qu’on lui reprochait et pour lui permettre de répondre » avaient été divulgués.

[153]   En l’espèce, la divulgation effectuée a certainement permis à M. Harkat d’être suffisamment informé. M. Harkat a reçu « suffisamment de renseignements » pour lui permettre de connaître la « substance » des allégations formulées contre lui et d’y répondre (voir le premier résumé du rapport public de renseignement de sécurité (pièce M5) qui a été suivi par une autre divulgation de renseignements (pièce M7), les résumés de la preuve (pièces M10 et M11), y compris les résumés de conversations ayant trait à M. Harkat (pièce M7, à l’annexe K), ainsi que la divulgation effectuée sur le fondement de l’arrêt Charkaoui no 2, laquelle a permis la communication de nombreux renseignements qui n’avaient pas déjà été divulgués (pièces M13, M15, M17, M18, M25 et M26)).

[154]   Les éléments divulgués renfermaient des renseignements touchant la sécurité nationale obtenus grâce à des enquêtes en matière de renseignement, mais aucun renseignement qui aurait pu porter atteinte à la sécurité nationale ou à la sécurité d’autrui. Les sources humaines, les mises en garde des organismes canadiens et étrangers, les méthodes employées dans le domaine du renseignement, les méthodes de gestion des organismes de renseignement, les noms de code, etc., ont été protégés. La substance des allégations a été présentée à M. Harkat.

[155]   La LPC ne prévoit pas l’intervention d’avocats spéciaux comme ceux qui ont défendu les intérêts de M. Harkat suivant la LIPR. Des amici curiae sont intervenus dans certaines affaires dans lesquelles étaient suivie la LPC. Les intérêts de la personne visée ne sont pas aussi bien défendus par l’amicus curiae suivant la LPC que par l’avocat spécial suivant la LIPR.

[156]   Lors des audiences à huis clos, les avocats spéciaux connaissent l’ensemble des renseignements touchant la sécurité nationale présentés, y compris des renseignements qui seraient préjudiciables s’ils étaient divulgués. Les avocats spéciaux sont chargés de les examiner afin de défendre les intérêts de la personne visée. Le législateur a choisi la formule des avocats spéciaux : ils peuvent contester les allégations de non‑divulgation des ministres et agir pour le compte de la personne visée.

[157]   Dans l’arrêt Chiarelli, à la page 745, la Cour suprême a dit que les règles du CSARS [Règles de procédure du Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité à l’égard des fonctions exercées en vertu de l’alinéa 38(c) de la Loi sur le Service canadien de renseignement de sécurité, adoptées le 9 mars 1985] prévoyaient la mise en balance de la sécurité du Canada et du droit de la personne concernée à un traitement équitable lorsque le CSARS devait déterminer si une personne pouvait contre‑interroger un témoin (paragraphe 48(2) des règles du CSARS) et si, dans le cas où une partie a été exclue de certaines portions de l’audience, la teneur des observations ou des éléments de preuve présentés par l’autre partie pouvait être divulguée (paragraphe 48(4) des règles du CSARS). Les règles du CSARS ne prévoient aucune mise en balance de l’intérêt public qui pourrait entraîner à terme la divulgation de renseignements touchant à la sécurité nationale. Comme je l’ai noté précédemment, la LIPR prévoit qu’un juge peut mettre en balance le droit de la personne visée d’être suffisamment informée et la nécessité de ne pas divulguer des renseignements touchant la sécurité nationale. Une telle approche semble être semblable à ce que prévoient les règles du CSARS, mais, si je puis me permettre, je suis d’avis qu’elle est plus explicite.

[158]   Le droit de connaître la preuve n’est pas absolu. Il peut être adapté aux circonstances à condition que l’équité l’emporte et que les principes de justice fondamentale soient respectés. Le processus de divulgation établi par la LIPR atteint ces objectifs, il est donc constitutionnel.

[159]   Il est de notoriété publique que tant les membres du Comité permanent de la sécurité publique et nationale de la Chambre des communes que ceux du Comité du Sénat connaissaient la procédure établie par la LPC lorsqu’ils ont examiné les propositions de modifications de la LIPR. Les deux chambres ont choisi le processus de divulgation de la LIPR tel qu’il avait été proposé.

[160]   La procédure prévue par la LPC a été conçue pour être applicable dans différentes situations de fait et vise de nombreuses questions de droit. La LIPR est plus précise, car elle vise les affaires d’interdiction de territoire pour raison de sécurité ou de grande criminalité ou bien pour atteinte aux droits de la personne ou au droit international. Lorsque des questions de sécurité nationale sont en cause, des mesures spéciales sont prises pour protéger les renseignements sensibles; par ailleurs, la personne concernée a droit à une audience équitable.

[161]   La juge en chef, au paragraphe 77 de l’arrêt Charkaoui no 1, a bien fait état du processus de divulgation établie par la LPC, mais elle a clairement dit que la LPC ne visait pas le même problème que la LIPR et qu’elle était donc d’une utilité limitée. La juge en chef a mentionné le processus de divulgation de la LPC pour montrer comment le législateur a été capable d’opérer l’équilibre entre le besoin de protection des renseignements confidentiels et les droits des personnes.

[162]   Comme la juge Dawson l’a clairement dit dans la décision Jaballah (2009), lorsqu’il est conclu que la divulgation de renseignements porterait atteinte à la sécurité nationale ou à la sécurité d’autrui — et qu’aucun résumé de ces renseignements ne pourrait être fourni de façon à empêcher ce résultat — alors, et alors seulement, la Cour ne peut plus exercer le pouvoir discrétionnaire qui lui permettait de divulguer les renseignements. Aucune mise en balance des intérêts ne peut être opérée. L’absence de pouvoir discrétionnaire à cette étape ne rend pas les alinéas 83(1)c) à e) de la LIPR inconstitutionnels. Le législateur a fait connaître son intention dans la LIPR. Les avocats spéciaux doivent défendre les intérêts de la personne visée. Ces dispositions établissent bien un juste équilibre entre le besoin de protection des renseignements confidentiels et les droits de la personne visée.

16.2    Les dispositions de la LIPR exigeant que les avocats spéciaux demandent l’autorisation du juge avant de communiquer avec qui que ce soit sont‑elles trop larges?

[163]   L’une des préoccupations du législateur était que, si les avocats spéciaux n’avaient pas l’obligation de demander l’autorisation du juge avant de communiquer avec qui que ce soit, il pourrait y avoir divulgation par inadvertance de renseignements touchant la sécurité nationale; c’est ce qui explique l’obligation imposée aux avocats spéciaux.

[164]   Le problème des divulgations par inadvertance est un thème récurrent dans la LIPR. Il incombe désormais au juge désigné de garantir (ensure) la confidentialité des renseignements. L’autorisation judiciaire nécessaire avant la communication constitue un exemple du souci du législateur (voir les alinéas 83(1)d) et 83(1)f) ainsi que le paragraphe 77(2), les alinéas 83(1)c), 83(1)e), les paragraphes 85.4(2), 85.4(3), et les alinéas 85.5a) et 85.5b)). Le législateur a estimé que la meilleure façon de garantir la confidentialité des renseignements classifiés après que les avocats spéciaux y ont eu accès était de leur interdire de communiquer sans l’autorisation d’un juge.

[165]   Il peut y avoir divulgation par inadvertance sans que le divulgateur ait eu l’intention de nuire. En l’espèce, la preuve est colossale et renferme des documents sensibles.

[166]   Le paragraphe 85.4(2) de la LIPR interdit à l’avocat spécial qui a eu accès aux documents classifiés de communiquer avec qui que ce soit avant d’en avoir eu l’autorisation du juge. L’article 85.5 interdit à quiconque a eu accès à des renseignements sensibles de communiquer avec qui que ce soit sans que le juge l’ait autorisé.

[167]   M. Harkat soutient que les deux dispositions sont trop larges, qu’elles ne portent pas le moins possible atteinte à ses droits, qu’elles sont contraires à l’article 7 de la Charte et qu’elles ne peuvent pas être sauvegardées par l’article premier. Il allègue que ces dispositions ne permettent pas à l’avocat spécial de communiquer avec la personne visée au sujet de l’opportunité de certaines stratégies lors des contre‑interrogatoires, des éléments de preuve qui pourraient être présentés en réponse, des questions tactiques ou de l’opportunité de déposer certaines requêtes. Selon M. Harkat, l’avocat spécial devrait pouvoir communiquer sans restriction avec la personne visée et l’avocat public. Tout au plus, si l’avocat spécial estime qu’il pourrait y avoir divulgation, il serait alors peut‑être approprié de demander conseil à la Cour. En outre, même si, en droit, il n’existe aucun privilège lié au secret professionnel, les avocats spéciaux ont une connaissance approfondie de la preuve de la personne visée qui est protégée par le secret professionnel. S’ils ont l’obligation de demander l’autorisation du juge avant de communiquer avec la personne visée, ils devront révéler cette information protégée au juge, ce qui est inacceptable.

[168]   Les ministres répliquent que l’adoption par le législateur de l’obligation d’obtenir l’autorisation du juge avant de communiquer avec qui que ce soit constituait la meilleure solution que pouvait choisir le législateur (elle est préférable, par exemple, au modèle de l’intervention de l’avocat du CSARS) et que l’objectif légitime du législateur était d’empêcher les divulgations par inadvertance. Les ministres soutiennent que le processus établi est équitable et respecte les exigences de l’article 7 de la Charte, car les principes de justice fondamentale sont sauvegardés. Ils sont également d’avis que l’argument fondé sur le secret professionnel doit être examiné en fonction du régime de la LIPR et que chaque disposition doit être interprétée d’une façon qui s’harmonise avec le régime. L’intention du législateur n’était certainement pas que le paragraphe 85.1(4) rende inconstitutionnels le paragraphe 85.4(2) et l’article 85.5 de la LIPR. Il ne fait aucun doute que le législateur, lorsqu’il adopte une loi, ne recherche pas un tel résultat. Selon les ministres, le régime de la LIPR confère au juge désigné le pouvoir discrétionnaire d’examiner différentes possibilités tout en respectant l’intention du législateur de protéger la sécurité nationale et les droits des personnes désignées.

[169]   Aux paragraphes 104 et 105 de la décision Almrei (2008), le juge en chef de la Cour a noté l’importance de l’autorisation du juge afin d’empêcher les divulgations par inadvertance :

Le Parlement a voulu que les avocats spéciaux obtiennent l’autorisation du juge pour toutes leurs communications une fois qu’ils ont reçu des renseignements confidentiels. L’alinéa 83(1)d) […] dispose que le juge doit veiller à la protection des renseignements confidentiels. La législation vise à prévenir, par le mécanisme de la surveillance judiciaire, la divulgation intentionnelle ou involontaire de renseignements confidentiels.

À mon avis, si l’objectif du législateur doit être atteint, alors les avocats spéciaux ne peuvent pas, sans l’autorisation du juge, communiquer avec une autre personne à propos de l’instance, même concernant une ordonnance ou directive rendue publique par le juge présidant l’instance. S’il était permis aux avocats spéciaux de déterminer eux‑mêmes le moment où ils peuvent communiquer à propos de l’instance, quand bien même des renseignements confidentiels n’y seraient pas débattus, la volonté du législateur de limiter la divulgation involontaire de renseignements confidentiels serait entravée. Sans un contexte factuel, il est encore une fois prématuré de statuer d’une manière catégorique sur la validité constitutionnelle de ces dispositions contestées.

[170]   La LIPR n’interdit pas les communications entre les avocats spéciaux, la personne visée et les avocats, elle ne fait que les assujettir à l’autorisation d’un juge. En l’espèce, le juge désigné a pleinement exercé son pouvoir discrétionnaire et les demandes de communication n’ont été qu’exceptionnellement rejetées.

[171]   La LIPR dispose clairement que l’avocat spécial n’est pas partie à l’instance et que les rapports entre lui et la personne visée ne sont pas ceux qui existent entre un avocat et son client (voir le paragraphe 85.1(3)). Le paragraphe 85.1(4) de la LIPR prévoit également que leurs communications sont protégées par le secret professionnel.

[172]   L’avocat spécial n’est pas un avocat public. Les avocats publics représentent M. Harkat quant aux questions publiques. Les avocats spéciaux assument entièrement la charge de la défense des intérêts de M. Harkat pendant les audiences à huis clos. Au début de l’instance, les avocats spéciaux ont reçu leurs directives avant qu’ils aient accès aux renseignements classifiés. En l’espèce, ils ont eu suffisamment de temps. Au fur et à mesure que des renseignements ont été divulgués au cours de l’instance, les avocats spéciaux ont eu la possibilité de demander au juge l’autorisation de communiquer avec M. Harkat afin d’obtenir d’autres directives s’ils avaient estimé que c’était nécessaire. Ils ont présenté des demandes de communication à cette fin, et également sur des questions différentes. Cette procédure relative à la communication vise clairement la défense des intérêts de la personne visée. Au lieu d’interdire aux avocats spéciaux de communiquer avec la personne visée après avoir consulté les renseignements classifiés, le législateur a conféré au juge désigné le pouvoir discrétionnaire d’autoriser les communications lorsque le juge l’estime indiqué. Le régime des avocats spéciaux de la SIAC du R.-U. ne prévoit aucune communication.

[173]   En résumé, M. Harkat souhaite que ce soit l’avocat spécial qui détermine s’il devrait y avoir communication. Telle n’était pas l’intention du législateur. La solution qu’il a retenue a été de conférer au juge un rôle de supervision afin qu’il puisse garantir la confidentialité des renseignements classifiés et autoriser l’avocat spécial à communiquer avec la personne visée.

[174]   M. Harkat et ses avocats publics peuvent communiquer avec les avocats spéciaux en tout temps sans autorisation judiciaire. En fait, de telles communications ont incité les avocats spéciaux à présenter des demandes au juge afin de pouvoir communiquer avec M. Harkat.

[175]   La Cour a exercé le pouvoir discrétionnaire conféré par la LIPR afin d’autoriser les avocats spéciaux à communiquer avec M. Harkat au sujet d’un certain nombre de questions : le contrôle des conditions de remise en liberté, les questions liées à la torture, le cas échéant, l’importance de donner des explications adéquates quant aux allégations présentées, les résumés des conversations concernant M. Harkat, l’établissement du calendrier ayant trait aux témoins experts ainsi que les éléments de preuve factuels tels que le lieu d’hébergement à Babi, au Pakistan, ses communications avec Khadr, ses liens avec Wael, Al Shehre, Zubaydah et ben Laden, sa présence en Afghanistan et le fait qu’il avait accès à de fortes sommes d’argent au Canada (voir l’annexe B).

[176]   Il ressort de ce qui précède que les communications assujetties à certaines conditions ont été autorisées en ce qui concerne un éventail de sujets, y compris la preuve visant directement les allégations formulées contre M. Harkat. La procédure relative à la communication établie par la LIPR a servi les intérêts de M. Harkat. Si des renseignements concernant une question de droit ou la stratégie à adopter dans une affaire doivent être révélés afin d’expliquer l’objet de la communication, la LIPR permet la tenue d’audience en l’absence des avocats des ministres. La tenue d’une telle audience n’a pas été nécessaire en l’espèce contrairement à ce qui s’est produit dans une autre affaire portant sur un certificat de sécurité. La LIPR donne la possibilité au juge désigné d’assortir la communication de certaines conditions.

[177]   Le fait que le juge désigné ait accès à des renseignements qui n’auraient pas été déposés en preuve habituellement pendant une audience ne sort pas de l’ordinaire et n’est ni préjudiciable ni injuste à l’égard de la personne visée. Les juges présidant un voir‑dire entendent souvent des éléments de preuve et obtiennent fréquemment des renseignements au cours de l’instance (voir R. c. Corbett, [1988] 1 R.C.S. 670). En outre, les juges se prononcent régulièrement sur des questions de recevabilité d’éléments de preuve. Les juges ont le discernement pour faire abstraction des renseignements qu’ils ont obtenus avant d’en prononcer l’exclusion.

[178]   La question de l’examen des renseignements protégés par le secret professionnel reste théorique en l’espèce. Les demandes de communication présentées n’ont pas directement ou indirectement révélé de tels renseignements.

[179]   Au paragraphe 60 de la décision Almrei (2008), le juge en chef de la Cour a noté que, malgré son importance, le privilège du secret professionnel n’est pas absolu (voir également R. c. McClure, 2001 CSC 14, [2001] 1 R.C.S. 445, aux paragraphes 34 et 35).

[180]   Le juge en chef de la Cour a dit au paragraphe 61 que l’objectif d’éviter une atteinte à la sécurité nationale en raison d’un risque de divulgation par inadvertance « constitue sans doute une nécessité qui justifie une entorse au privilège dans la mesure où elle ne dépasse pas ce qu’exigent les circonstances ». Il a ajouté que le juge ne saurait statuer sur une telle question dans l’abstrait.

[181]   La LIPR dispose clairement qu’il n’existe aucun privilège du secret professionnel, mais elle prévoit également que les renseignements donnés par la personne visée à l’avocat spécial sont protégés par un tel privilège.

[182]   Si une telle situation se présente, à savoir que les avocats spéciaux obtiennent l’autorisation du juge et que les renseignements sont protégés par le secret professionnel, une des approches possibles serait que la communication se fasse d’une telle façon que ces renseignements ne soient pas divulgués.

[183]   Si des renseignements sont donnés au juge afin d’obtenir l’autorisation, le juge peut exercer son propre pouvoir discrétionnaire et aviser l’ensemble des avocats que certains renseignements ne doivent pas être communiqués et que la communication peut être assujettie aux conditions que le juge estime indiquées. Par exemple, la communication peut être autorisée seulement si elle se déroule en présence d’une personne donnée, telle que le représentant du programme des avocats spéciaux. Une procédure adéquate prévoyant l’obligation de rendre des comptes peut être utilisée, laquelle procédure sert à informer la Cour de la communication effectuée (sans en divulguer le contenu) de sorte qu’aucun renseignement classifié ne soit divulgué. Des employés du programme des avocats spéciaux assistent toujours aux audiences publiques et aux audiences à huis clos, et il leur est interdit de divulguer des renseignements classifiés. Comme je l’ai dit précédemment, le régime est souple et peut s’adapter à toutes les situations au fur et à mesure qu’elles se présentent.

[184]   La Cour est d’avis que des mesures appropriées peuvent être prises dans le respect de la LIPR afin que soient protégés les droits de la personne visée et les renseignements visés par le secret professionnel. Les dispositions de la LIPR opèrent le juste équilibre entre les impératifs de la sécurité nationale et des droits de la personne visée, particulièrement les dispositions sur la communication qui ont été adoptées dans l’intérêt de la personne visée et à son avantage. Je conclus que le paragraphe 85.4(2) et l’alinéa 85.5b) de la LIPR sont constitutionnels. En effet, ces dispositions renforcent l’équité du processus et respectent les principes de justice fondamentale.

17.       Les autres questions

[185]   M. Harkat soulève d’autres questions constitutionnelles visant la LIPR : la [traduction] « norme des motifs raisonnables de croire » (articles 33 et 78), la qualité de la preuve admise en justice (alinéa 83(1)h)) et les motifs sur lesquels est fondée la décision, y compris les renseignements non divulgués si ce n’est qu’au moyen de résumés de la preuve (alinéa 83(1)i)). Il soutient que toutes ces dispositions sont inconstitutionnelles et devraient être invalidées. Les deux parties ont consacré de longues observations à la première question, et il semble y avoir une certaine convergence de vues permettant à la Cour de statuer sur cette question sans qu’elle ait à se prononcer sur des questions constitutionnelles. M. Harkat n’a pas longuement débattu les deux autres questions.

[186]   Le 6 août 2010, la Cour a donné une directive avisant les parties que les allégations portant sur l’inconstitutionnalité de certaines dispositions de la LIPR n’étaient pas étayées par des observations écrites ou orales et que, à moins d’avis contraire, la Cour n’avait pas l’intention de se pencher sur leur constitutionnalité. Il s’agissait du paragraphe 77(2), des alinéas 83(1)c) à e), dans la mesure où ces dispositions ne portent pas sur des restrictions à la divulgation, de l’alinéa 83(1)h), concernant l’admissibilité de la preuve et de l’alinéa 83(1)i), concernant les renseignements sur lesquels une décision peut se fonder.

[187]   M. Harkat a répondu que la Cour était saisie de la question de la constitutionnalité du paragraphe 77(2) et des alinéas 83(1)c) à e), h) et i) pour autant que cette question porte sur le respect des principes de justice fondamentale et sur la violation, par ces dispositions, de l’article 7 de la Charte. Je retiens cette observation dans la mesure où ces dispositions portent sur les restrictions à la divulgation de renseignements. Aucun autre argument précis n’a été soumis concernant la constitutionnalité de ces dispositions au regard de la Charte. Les ministres, dans leur réponse, ont adéquatement décrit le contexte de chacune des dispositions pour lesquelles M. Harkat sollicite une déclaration d’inconstitutionnalité (voir les pièces H84, H85 et M52).

[188]   J’examinerai donc les questions portant sur l’admissibilité de la preuve et sur les motifs des décisions qui peuvent être fondés sur des renseignements non communiqués à la personne visée. Cet examen sera effectué à la lumière du processus de divulgation établi par la LIPR. J’aborderai d’abord la question de la norme de preuve.

La norme de preuve

[189]   Les articles 33 et 78 de la LIPR disposent que la Cour doit rechercher si le certificat visant M. Harkat est raisonnable ou non. Cette norme figure à l’article 33 de la LIPR, qui porte sur l’« Interprétation » et qui dispose que l’interdiction de territoire doit être établie selon la norme des « motifs raisonnables de croire ». Les ministres ont signé un certificat dans lequel ils ont conclu qu’ils avaient des motifs raisonnables de croire que M. Harkat était interdit de territoire au Canada pour des raisons de sécurité. La Cour doit examiner les faits de l’espèce, car les ministres ont présenté de nouveaux faits tout au long de l’audience. Elle doit les examiner de concert avec la preuve présentée par la personne visée et dont les ministres n’avaient pas été saisis, et décider si le certificat est raisonnable.

[190]   La norme du caractère raisonnable nécessite davantage qu’un simple soupçon, mais elle est moins exigeante que la norme de preuve pénale de « hors de tout doute raisonnable ». Le fardeau de la preuve incombe d’abord aux ministres. Par la suite, selon la preuve présentée par les ministres, ce fardeau peut être inversé. Par conséquent, les éléments de preuve contradictoires sont examinés selon la prépondérance de la preuve. De façon générale, des conclusions de fait sont tirées. Au terme de ce long processus, certains faits peuvent être acceptés et d’autres écartés. Il incombe alors à la Cour d’examiner les éléments de preuve factuels selon la prépondérance de la preuve et de décider si le certificat est raisonnable. Je retiens les observations de mon collègue le juge Mosley au paragraphe 101 de la décision Almrei (2009) :

Je suis d’avis que l’expression « motifs raisonnables de croire » à l’article 33 sous-entend un critère préliminaire pour établir les faits nécessaires à une décision d’interdiction de territoire auquel la preuve des ministres doit satisfaire au minimum, comme l’a affirmé le juge Robertson dans l’arrêt Moreno, précité. Lorsque les deux parties produisent une preuve considérable et que des versions concurrentes des faits sont présentées à la Cour, la norme du caractère raisonnable exige une évaluation de la preuve et des conclusions établissant les faits qui seront acceptés. La Cour ne peut conclure au caractère raisonnable d’un certificat si elle est convaincue que la prépondérance de la preuve infirme ce que prétendent les ministres.

La juge Dawson (maintenant juge à la Cour d’appel fédérale) a également retenu cette approche dans la décision Jaballah (Re), 2010 CF 79, [2011] 2 R.C.F. 145, où elle s’est exprimée en ces termes (au paragraphe 45) :

De plus, malgré la règle d’interprétation prévue à l’article 33 de la Loi, lorsque la preuve est contradictoire sur un point, la Cour doit trancher en déterminant quelle version des faits est la plus probable. Un certificat de sécurité ne peut être jugé raisonnable si la Cour est convaincue que la prépondérance des éléments de preuve crédibles va à l’encontre des allégations des ministres.

[191]   Tant les avocats de M. Harkat que les ministres ont retenu cette opinion dans leurs observations (voir la transcription des débats judiciaires, le 30 mars 2010, vol. 25, p. 101 et 129). Il ne sert à rien de s’attarder plus longtemps sur la présente question).

L’admissibilité de la preuve

[192]   L’alinéa 83(1)h) prévoit l’admissibilité de la preuve même inadmissible en justice si le juge estime que cette preuve est digne de foi et utile (reliable and appropriate). Les renseignements recueillis peuvent être utilisés aux fins de la décision. L’ancienne loi prévoyait la même norme d’admissibilité de la preuve. Cependant, la notion de « digne de foi » (reliable) a été ajoutée à la LIPR (voir l’alinéa 78j) de l’ancienne LIPR). Il n’est donc pas nécessaire d’appliquer la règle de la meilleure preuve, et la preuve par ouï-dire provenant de sources humaines ou bien d’organismes canadiens ou étrangers est admissible à condition qu’elle soit digne de foi et utile.

[193]   Comme l’a noté à juste titre mon collègue le juge Mosley au paragraphe 84 de la décision Almrei (2009), la comparaison des versions anglaise et française révèle qu’une preuve simplement pertinente ne suffit pas. Je retiens l’observation suivante :

Un élément de preuve peut être pertinent, mais ne pas être utile ou judicieux pour un certain nombre de raisons, notamment les circonstances dans lesquelles il a été obtenu. Cela est d’autant plus vrai lorsque le terme est jumelé avec « digne de foi » (reliable) qui comporte les notions de fiabilité, de confiance, de sécurité, de crédibilité.

La nouvelle LIPR a apporté une importante modification en matière d’admissibilité de la preuve, laquelle renforce l’exigence de crédibilité des éléments de preuve.

[194]   La Cour est d’avis que la divulgation de renseignements touchant la sécurité nationale qui a été effectuée est considérable et instructive. Si M. Harkat conteste la constitutionnalité de l’alinéa 83(1)h) parce qu’il est insatisfait de la divulgation qui a été effectuée, comme la lettre de réponse des avocats datée du 11 août 2010 le donne à penser, il ne s’agit pas d’un argument valable.

[195]   Par conséquent, l’alinéa 83(1)h) de la LIPR dispose que la preuve doit être « digne de foi et utile ». Les avocats de M. Harkat n’ont fait valoir aucun autre moyen d’ordre constitutionnel. Je ne ferai donc pas d’autres observations à ce sujet.

La décision quant au caractère raisonnable du certificat peut être fondée sur des renseignements non divulgués à la personne visée ou divulgués dans des résumés de la preuve

[196]   L’alinéa 83(1)i) de la LIPR permet au juge de fonder sa décision sur des renseignements et autres éléments de preuve même si un résumé de ces derniers n’est pas fourni à la personne visée.

[197]   M. Harkat connaît l’ensemble des allégations formulées contre lui et, grâce à des résumés de la preuve et à d’autres pièces, il a également été informé d’éléments de preuve factuels importants étayant ces allégations. Les renseignements qui ne lui ont pas été divulgués ont été tenus confidentiels afin d’éviter que leur divulgation porte atteinte à la sécurité nationale.

[198]   La décision relative au caractère raisonnable du certificat révèle que de nombreux éléments de preuve ont été rendus publics. Il est vrai que M. Harkat n’a pas été informé de certains renseignements factuels, mais, si l’on compare ce qu’il ne connaît pas à ce qui lui a été divulgué, il y a bien peu de renseignements dont il n’est pas au courant. Il semble qu’il en ait été de même dans l’affaire Almrei (2009).

[199]   La LIPR, en ce qui a trait à la question des renseignements non divulgués touchant la sécurité nationale, prévoit la pleine participation de l’avocat spécial à qui il incombe de défendre les intérêts de la personne visée lors des audiences à huis clos. Grâce à l’avocat spécial, les intérêts de la personne visée sont protégés. Il s’agit d’une protection supplémentaire garantissant la sauvegarde des principes de justice fondamentale.

[200]   La Cour a toujours veillé à ce que M. Harkat soit suffisamment informé de la preuve produite contre lui. Cependant, chaque affaire est un cas d’espèce. Il se peut que, dans une affaire donnée, très peu de renseignements puissent être divulgués pour des raisons de sécurité nationale, par exemple, dans une affaire d’interdiction de territoire fondée sur des actes d’espionnage ou sur des renseignements provenant en grande partie d’une source humaine et dont la divulgation pourrait menacer la sécurité de cette source. Toute décision dans de telles affaires serait limitée.

[201]   L’alinéa 83(1)i) de la LIPR confère au juge un pouvoir discrétionnaire lorsque des questions sensibles sont soulevées. Le juge décide des renseignements sur lesquels sa conclusion sera fondée. Il peut y avoir une décision publique et une décision confidentielle, selon les circonstances. Le juge a le pouvoir discrétionnaire d’adapter ses motifs aux circonstances particulières de l’affaire.

[202]   À l’exception de l’argument sur le processus de divulgation, M. Harkat n’a présenté aucun argument d’ordre constitutionnel visant l’alinéa 83(1)i). Je me suis prononcé sur la question du processus de divulgation, et aucune déclaration d’inconstitutionnalité ne sera donc prononcée quant à cette disposition.

18.       Conclusions visant la première question

[203]   La Cour conclut que les nouvelles modifications apportées à la LIPR, par lesquelles le législateur a adopté un nouveau processus de divulgation et l’intervention active de l’avocat spécial, protègent de façon substantielle et adéquate la personne visée et sont conformes aux principes de justice fondamentale tout en protégeant les renseignements touchant la sécurité nationale.

[204]   Avec ce nouveau processus de divulgation, la personne visée est suffisamment informée de la preuve produite contre elle et elle est capable d’y répondre. L’avocat spécial défend en toutes circonstances les intérêts de la personne visée lors des audiences à huis clos et, en même temps, les renseignements touchant la sécurité nationale sont protégés. Au terme de ce processus, le juge désigné a été saisi des faits présentés par les deux parties. Le juge désigné peut rendre une décision fondée sur l’ensemble des faits pertinents et du droit applicable.

19.       L’article premier

[205]   À titre subsidiaire et comme l’on fait valoir les deux parties dans leurs observations, il est dans l’intérêt de la justice que la Cour se penche sur l’application de l’article premier de la Charte en l’espèce.

[206]   Dans le cadre d’une analyse fondée sur l’article premier, il faut rechercher si la limite aux droits à la vie, à la liberté et à la sécurité imposée par la loi est justifiée (voir Charkaoui no 1, au paragraphe 21). Suivant l’article 7, la Cour doit rechercher si les limites imposées respectent les principes de justice fondamentale. Suivant l’article premier, les mêmes faits sont examinés sous un autre angle. La Cour s’efforcera de ne pas faire double emploi avec l’analyse fondée sur l’article 7 effectuée précédemment.

[207]   Comme le dispose l’article premier de la Charte et comme cela est répété aux paragraphes 66 à 69 de l’arrêt Charkaoui no 1, les droits protégés par la Charte ne sont pas absolus. Le législateur peut limiter les droits à la liberté, à la vie et à la sécurité, et ce, à condition qu’il puisse être démontré que les limites imposées peuvent se justifier dans le cadre d’une société libre et démocratique.

[208]   La Cour suprême du Canada enseigne, en ce qui a trait aux violations des droits garantis par l’article 7, que seules des circonstances exceptionnelles comme les désastres naturels, le déclenchement d’hostilités, les épidémies, etc., pourraient, pour des motifs de « commodité administrative », sauvegarder une violation à la vie, à la liberté et à la sécurité (voir Renvoi : Motor Vehicle Act de la C.‑B., [1985] 2 R.C.S. 486 [cité ci-dessus], à la page 518). La raison en est que les droits garantis par l’article 7 constituent des valeurs fondamentales de notre société libre et démocratique. Après avoir noté que les dérogations au droit à une audition équitable pouvaient difficilement se justifier au sens de l’article premier, la juge en chef a ajouté que « leur justification n’est pas nécessairement impossible, surtout dans des circonstances extraordinaires mettant en cause des préoccupations sérieuses et des problèmes complexes » (voir Charkaoui no 1, au paragraphe 66).

19.1      Le critère de l’arrêt Oakes

[209]   La Cour suprême, dans l’arrêt La Reine c. Oakes, [1986] 1 R.C.S. 103 [cité ci-dessus], a consacré un critère permettant de rechercher si une violation peut être justifiée au sens de l’article premier de la Charte. Ce critère est communément appelé « critère de l’arrêt Oakes ». Une violation est justifiée au sens de l’article premier de la Charte si sont réunies les conditions suivantes :

- la limite vise un objectif urgent et réel et elle est proportionnée eu égard à cet objectif;

- cette exigence de proportionnalité est fondée sur ce qui suit :

i. les dispositions législatives ont un lien rationnel avec les objectifs urgents et réels;

ii. on porte le moins possible atteinte aux droits;

iii. l’effet attentatoire est proportionnel à l’importance de l’objectif poursuivi.

19.1.1  Un objectif urgent et réel

[210]   Une des obligations et responsabilités les plus urgentes d’un gouvernement est d’assurer la sécurité de ses citoyens. Les objectifs énoncés aux alinéas 3(1)h) et i) de la LIPR en font clairement état. Il incombe au gouvernement d’interdire de territoire au Canada les personnes sur lesquelles pèsent des doutes en matière de sécurité ou de criminalité et qui pourraient possiblement menacer la sécurité des Canadiens. L’un des objectifs de la LIPR est que la sécurité soit garantie (maintain) (alinéa 3(1)h)) et que l’interdiction de territoire d’une personne pour des raisons de sécurité ou de criminalité soit liée au fait que cette personne constitue un danger pour la sécurité (security risks) (alinéa 3(1)i)).

[211]   La LIPR dispose également que les non‑citoyens n’ont pas les mêmes droits d’entrer et de demeurer au Canada que les citoyens canadiens et que les personnes inscrites comme Indiens en vertu de la Loi sur les Indiens [L.R.C. (1985), ch. I-5] (voir le paragraphe 19(1) ainsi que le paragraphe 27(1) concernant les résidents permanents). La Charte permet aux Canadiens de demeurer au Canada, d’y entrer ou d’en sortir (voir le paragraphe 6(1) de la Charte). Les non‑citoyens n’ont pas les mêmes droits. À la page 733 de l’arrêt Chiarelli, le juge Sopinka a fait l’observation suivante :

Or, le principe le plus fondamental du droit de l’immigration veut que les non‑citoyens n’aient pas un droit absolu d’entrer au pays ou d’y demeurer. En common law, les étrangers ne jouissent pas du droit d’entrer au pays ou d’y demeurer […]

[212]   La présente procédure n’est pas de nature pénale. Il s’agit d’une affaire d’immigration concernant une interdiction de territoire pour des raisons de sécurité. Les incidences et les répercussions de la LIPR sur la personne touchée sont importantes, mais il faut les considérer en tenant compte de la perspective appropriée, particulièrement à la lumière de l’important objectif de sauvegarde et de protection de la société canadienne prévu par la LIPR.

[213]   La sécurité de l’ensemble des Canadiens est au cœur de notre société libre et démocratique. Si une telle société ne protégeait pas adéquatement ses citoyens, elle serait sans aucun doute en péril. L’objectif de la LIPR d’assurer la sécurité pour tous les citoyens constitue une assise sensée sur laquelle une telle société peut se fonder. En outre, on peut déceler le souci implicite du législateur en ce qui concerne la sécurité nationale dans la définition de l’expression « menaces envers la sécurité du Canada » figurant dans l’article 2 [mod. par L.C. 2001, ch. 41, art. 89] de la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité [L.R.C. (1985), ch. C-23]. L’un des objectifs principaux du maintien de la sécurité est la protection du régime constitutionnel du Canada et la protection des régimes étrangers :

2. […]

« menaces envers la sécurité du Canada » Constituent des menaces envers la sécurité du Canada les activités suivantes :

a) l’espionnage ou le sabotage visant le Canada ou préjudiciables à ses intérêts, ainsi que les activités tendant à favoriser ce genre d’espionnage ou de sabotage;

b) les activités influencées par l’étranger qui touchent le Canada ou s’y déroulent et sont préjudiciables à ses intérêts, et qui sont d’une nature clandestine ou trompeuse ou comportent des menaces envers quiconque;

c) les activités qui touchent le Canada ou s’y déroulent et visent à favoriser l’usage de la violence grave ou de menaces de violence contre des personnes ou des biens dans le but d’atteindre un objectif politique, religieux ou idéologique au Canada ou dans un État étranger;

d) les activités qui, par des actions cachées et illicites, visent à saper le régime de gouvernement constitutionnellement établi au Canada ou dont le but immédiat ou ultime est sa destruction ou son renversement, par la violence.

La présente définition ne vise toutefois pas les activités licites de défense d’une cause, de protestation ou de manifestation d’un désaccord qui n’ont aucun lien avec les activités mentionnées aux alinéas a) à d).

Définitions

[214]   Afin d’opérer l’équilibre entre la sécurité des Canadiens et les droits de la personne visée, le législateur a opté pour un processus de divulgation limité et l’intervention des avocats spéciaux, qui défendent les intérêts de la personne visée, afin de veiller à ce qu’aucun renseignement qui pourrait porter atteinte à la sécurité nationale ne soit divulgué.

[215]   Les enquêtes en matière de renseignement permettent de déceler les menaces à la sécurité du Canada. Les menaces peuvent être posées par des personnes se trouvant dans différents endroits dans le monde, mais qui ont un intérêt commun envers un endroit particulier. La coopération entre les États est essentielle. Les renseignements proviennent d’une multitude d’organismes de renseignement ou de services de police situés partout au Canada et à l’étranger. Lorsque des organismes communiquent des renseignements à un autre organisme, il est entendu qu’ils ne doivent être utilisés qu’au sein de cet organisme à des fins de renseignement, à moins d’autorisation contraire. Les organismes de renseignement accordent une grande importance à leurs renseignements, lesquels peuvent être recueillis grâce à des sources humaines. Ces renseignements peuvent faire état non seulement de renseignements à l’état brut, mais également d’analyses d’une situation donnée, de méthodes de gestion interne, etc. Il faut protéger ces renseignements afin que les futures enquêtes en matière de renseignement soient efficaces.

[216]   Comme l’a noté la juge Arbour dans l’arrêt Ruby c. Canada (Solliciteur général), [2002] 4 R.C.S. 3, les autorités canadiennes ont besoin de ce type de renseignements pour que leurs enquêtes en matière de renseignement soient menées à terme. Les sources humaines ont également besoin de protection. Leur identité doit rester secrète, sans quoi leur vie pourrait être menacée. Leur protection doit être semblable à celle que reçoivent les indicateurs dans les enquêtes criminelles, lesquels sont protégés par un privilège strict ayant une portée considérable (Personne désignée c. Vancouver Sun, 2007 CSC 43, [2007] 3 R.C.S. 253). Le privilège relatif à l’indicateur vise la protection de l’identité et de la sécurité des sources ainsi que des procès et des enquêtes en cours. Ces enjeux se posent également dans les instances en matière de certificat de sécurité, ils y sont peut-être même plus cruciaux encore (voir aussi Harkat (Re), 2009 CF 204, [2009] 4 R.C.F. 370, concernant les sources humaines secrètes de renseignement). En outre, les liens et les efforts nécessaires pour recueillir des renseignements fiables, crédibles et adéquats touchant à la sécurité nationale doivent être maintenus, car ils pourraient être utiles dans des affaires en cours ou futures. Par conséquent, afin de maximiser la sécurité des Canadiens, il faut protéger les renseignements touchant la sécurité nationale.

[217]   Dans l’arrêt Charkaoui no 1, la juge en chef a bien reconnu que la « sécurité nationale du Canada et des sources en matière de renseignement constitue assurément un objectif urgent et réel » (voir le paragraphe 68). Elle a également noté que les anciennes dispositions de la LIPR concernant la non‑divulgation d’éléments de preuve demeuraient valables au titre de la sécurité nationale. Par conséquent, la sécurité de l’ensemble des Canadiens grâce à la protection de la sécurité nationale du Canada constitue un objectif urgent et réel.

19.1.2 Les dispositions légales en cause ont‑elles un lien rationnel avec l’objectif urgent et réel?

[218]   L’article 33, le paragraphe 77(2), l’article 78, les alinéas 83(1)c) à e), 83(1)i), le paragraphe 85.4(2) et l’alinéa 85.5b) de la LIPR ont un lien rationnel avec la protection de la sécurité nationale et des sources en matière de renseignement. Le paragraphe 77(2) et les alinéas 83(1)c) à e) et 83(1)i) établissent un processus de divulgation tout en maintenant l’importance de la sécurité nationale. Le paragraphe 85.4(2) et l’alinéa 85.5b) définissent la procédure relative à la communication que doivent respecter les avocats spéciaux, communication qui nécessite l’autorisation du juge. Par cette procédure, je le répète, on s’assure d’éviter toute divulgation par inadvertance de renseignements touchant la sécurité nationale. Les articles 33 et 78 définissent la norme de preuve, ce sur quoi les parties se sont déjà entendues.

[219]   La seule raison pour laquelle la question du processus de divulgation prévu par la LIPR s’est posée c’est parce que la divulgation, délibérée ou par inadvertance, de renseignements touchant la sécurité nationale constitue un enjeu important. Il existe un lien rationnel entre les mesures prises et l’objectif poursuivi, comme l’a reconnu la Cour suprême au paragraphe 68 de l’arrêt Charkaoui no 1 :

La protection de la sécurité nationale du Canada et des sources en matière de renseignement constitue assurément un objectif urgent et réel. Les dispositions de la LIPR prévoyant la non‑communication d’éléments de preuve dans le cadre d’une audition sur un certificat ont un lien rationnel avec cet objectif. Les faits à cet égard ne sont pas contestés. Le Canada est un importateur net de renseignements sur la sécurité. Or, ces derniers sont essentiels pour la sécurité et la défense du Canada, et leur divulgation nuirait à la circulation et à la qualité de ces renseignements : voir Ruby.

[220]   Le risque de divulgation de renseignements par inadvertance par les avocats spéciaux ne constitue pas qu’une simple possibilité. Il est possible de dire quelque chose par inadvertance ou de commettre des erreurs. Sans une surveillance judiciaire, il est vraisemblable qu’une divulgation par inadvertance se produise un jour. Même une personne très attentive peut divulguer des renseignements lors d’une discussion. Dans l’Enquête interne sur les actions des responsables canadiens relativement à Abdullah Almalki, Ahmad Abou-Elmaati et Muayyed Nureddin, « Décision sur le mandat et la procédure », 31 mai 2007, le juge Iacobucci a dit que de telles situations pouvaient se produire (au paragraphe 58) :

Même un fait aussi inoffensif qu’une demande de document ou de clarification d’un fait pourrait susciter de la part des collègues et clients des questions susceptibles d’entraîner la divulgation d’information soumise à la confidentialité liée à la sécurité nationale.

[221]   Par conséquent, les dispositions légales visées par la question constitutionnelle ont toutes été conçues de façon rationnelle de sorte qu’aucun renseignement qui porterait atteinte à la sécurité nationale ne soit divulgué.

19.1.3 Porte-t-on le moins possible atteinte aux droits?

[222]   Aux paragraphes 83 et 84 de l’arrêt Terre‑Neuve (Conseil du Trésor) c. N.A.P.E., 2004 CSC 66, [2004] 3 R.C.S. 381, le juge Binnie a reconnu qu’il fallait accorder une certaine marge de manœuvre aux gouvernements et aux législateurs lorsqu’ils doivent choisir le processus approprié pour régler des problèmes difficiles :

Troisièmement, le critère de l’arrêt Oakes reconnaît qu’il se peut que, pour certains types de décision, il n’y ait pas de solution manifestement correcte ou erronée, mais qu’il y ait plutôt une gamme de possibilités dont chacune comporte des avantages et des inconvénients. Les gouvernements choisissent, parmi une gamme de solutions raisonnables, celle qu’ils jugent appropriée, et la Cour a reconnu dans l’arrêt M. c. H., précité, par. 78, que « le rôle du législateur exige que les tribunaux fassent preuve de retenue à l’égard des décisions de principe que le législateur est le mieux placé pour prendre ».

[223]   En réponse à la jurisprudence Charkaoui no 1, le gouvernement a proposé un nouveau processus de divulgation lorsqu’il est question de renseignements touchant à la sécurité nationale dans le cadre d’affaire en matière d’immigration, lequel processus prévoit l’intervention de l’avocat spécial, qui doit défendre les intérêts de la personne visée. Le législateur était pleinement au fait des questions des droits de la personne en jeu et de l’intérêt du Canada dans la protection de la sécurité nationale. Il a adopté ce qu’il estimait être la meilleure approche.

[224]   D’autres approches ont été examinées : le programme d’avocat spécial du Royaume-Uni, la procédure du CSARS et l’intervention de l’avocat du CSARS, la procédure de la LPC portant sur les renseignements touchant la sécurité nationale ainsi que les leçons tirées de la décision rendue dans le cadre de la Commission Arar et des pratiques adoptées lors de l’affaire Air India. Le nouveau processus de divulgation de la LIPR ainsi que le rôle et les pouvoirs conférés à l’avocat spécial favorisent une divulgation plus exhaustive et permettent, lors des audiences à huis clos, l’intervention de conseillers juridiques chargés de la pleine défense des intérêts de la personne visée.

[225]   Il convient aussi de noter que l’interdiction imposée à l’avocat spécial de ne pas communiquer avec la personne visée n’est pas absolue : le juge désigné peut exercer son pouvoir discrétionnaire et autoriser la communication suivant les lignes directrices établies à l’article 85.4 de la LIPR. Il est présumé que ce pouvoir discrétionnaire est exercé adéquatement afin que soient respectées, notamment, les exigences de l’article 7 de la Charte. En outre, il importe de souligner que la personne visée peut, en tout temps et sans autorisation judiciaire, communiquer des faits et des observations à ses avocats spéciaux. Les communications entre les avocats spéciaux et la personne visée avant que les avocats spéciaux aient eu accès aux renseignements secrets ne souffrent d’aucune restriction. Vu ces éléments, il est manifeste qu’est minimale l’atteinte portée aux droits de la personne visée.

[226]   En définitive, un nouveau processus de divulgation prévoyant l’intervention de l’avocat spécial a été établi. Les renseignements touchant la sécurité nationale sont maintenant divulgués sous forme de résumés sans qu’il soit porté atteinte à la sécurité nationale, et ces résumés donnent à la personne visée des renseignements importants sur l’ensemble des allégations. En ce qui a trait aux renseignements non divulgués, les avocats spéciaux les attaquent et les contestent, et ils défendent ainsi les intérêts de la personne visée. Ce système contradictoire favorise grandement la confrontation des opinions divergentes, ce qui contribue au processus de prise de décision judiciaire.

[227]   Seules des raisons de sécurité nationale empêchent la divulgation de renseignements. Les avocats spéciaux connaissent les renseignements non divulgués et ils les remettent en question et les contestent lors des audiences à huis clos. Il est porté le moins possible atteinte aux droits de la personne visée, et les divulgations par inadvertance peuvent être empêchées grâce à la LIPR.

19.1.4 L’effet attentatoire est‑il proportionnel à l’importance de l’objectif poursuivi?

[228]   L’un des objectifs de la LIPR est d’empêcher l’entrée au pays des personnes qui pourraient constituer une menace pour le Canada, cela afin que soit assurée la sécurité des Canadiens. Il s’agit d’un outil législatif visant à garantir « une société libre et démocratique ». La procédure des certificats de sécurité est la mesure que le législateur a adoptée afin d’atteindre cet objectif tout en protégeant les renseignements touchant la sécurité nationale. Depuis 1976, les certificats de sécurité ont été utilisés à environ 30 reprises. On n’a donc eu recours aux certificats de sécurité que de façon sporadique.

[229]   Tout en gardant à l’esprit l’objectif de protection de la sécurité nationale, le législateur a établi un processus équitable pour les personnes visées par des certificats de sécurité. Il existe parallèlement une procédure permettant aux autorités canadiennes de superviser les processus en matière d’immigration, d’apprécier adéquatement les menaces à la sécurité et de prendre les mesures appropriées à cet égard.

[230]   Les dispositions sur la communication confèrent au juge désigné le pouvoir discrétionnaire lui permettant de faire face à de multiples cas, notamment en ce qui concerne les renseignements protégés par le secret professionnel (voir les paragraphes 176 et suivants des présents motifs).

[231]   Le critère du caractère proportionnel est respecté : compte tenu de l’importance de la protection des renseignements touchant la sécurité nationale, la procédure d’interdiction de territoire pour des raisons de sécurité en matière d’immigration, le processus de divulgation de renseignements informe suffisamment la personne visée de la preuve produite contre elle et l’avocat spécial peut intervenir de façon efficace. Il est porté le moins possible atteinte aux droits de la personne visée. L’importance de cet objectif n’est plus mise en doute comme le révèlent les observations de la Cour suprême dans les arrêts Charkaoui no 1 et Charkaoui no 2. Le législateur n’est pas tenu de choisir la solution législative parfaite, et il faut faire preuve de retenue à l’égard de ses choix (Charkaoui no 1, au paragraphe 85, renvoyant à R. c. Chaulk, [1990] 3 R.C.S. 1303). Vu que les modifications à la LIPR adoptées par le législateur ont été adoptées en réponse à la décision constitutionnelle rendue par la Cour suprême dans l’affaire Charkaoui no 1, il convient de citer les observations du juge Lamer (alors juge en chef) dans l’arrêt R. c. Mills, [1999] 3 R.C.S. 668, au paragraphe 55 :

Le législateur peut s’inspirer de la décision de la Cour et concevoir un régime différent pourvu que celui‑ci demeure constitutionnel. Tout comme le législateur doit respecter les décisions de la Cour, la Cour doit respecter la décision du législateur que le régime qu’elle a créé peut être amélioré. Insister sur une conformité servile irait à l’encontre du respect mutuel qui sous‑tend les rapports entre les tribunaux et le législateur et qui est si essentiel à notre démocratie constitutionnelle […]

[232]   Un résultat semblable est acceptable dans une société libre et démocratique. Les valeurs prônées par le législateur lors de l’établissement des objectifs en cause reflètent certains besoins de la société canadienne. Le législateur a cerné certaines valeurs fondamentales de notre pays, tout en informant raisonnablement la personne visée et en assurant une représentation légale lors d’auditions in camera. Compte tenu de l’importance de l’objectif législatif, il y a une proportionalité acceptable quant à l’effet attentatoire.

19.1.5  Conclusion relative à l’article premier

[233]   Les dispositions de la LIPR limitant les droits protégés par l’article 7 de la Charte peuvent se justifier dans une société libre et démocratique. La protection de la sécurité des Canadiens et des renseignements touchant la sécurité nationale dans la LIPR constitue un objectif légitime, urgent et réel. Les dispositions légales se rattachent à cet objectif; elles portent le moins possible atteinte aux droits touchés et leur effet attentatoire est proportionnel à l’importance de l’objectif poursuivi. Les dispositions portant sur le processus de divulgation de renseignements touchant la sécurité nationale et sur la procédure relative à la communication sont sauvegardées par l’article premier de la Charte.

20.       Conclusion

[234]   Je conclus que l’ensemble des dispositions de la LIPR portant sur le processus de divulgation de renseignements de sécurité nationale (le paragraphe 77(2) et les alinéas 83(1)c), d), e) et i)) et sur la procédure relative à la communication, qui prévoit une demande d’autorisation judiciaire (paragraphe 85.4(2) et l’alinéa 85.5b)), sont constitutionnelles parce qu’elles établissent un processus équitable grâce auquel les renseignements communiqués ne posent aucun risque à la sécurité nationale. La LIPR protège également les droits de la personne visée (grâce à l’intervention des avocats spéciaux dans les audiences à huis clos) et elle l’informe de la preuve produite contre elle de façon à ce qu’elle soit capable d’y répondre. Les dispositions en cause respectent les principes de justice fondamentale.

[235]   De façon subsidiaire, les atteintes alléguées aux droits peuvent se justifier dans une société libre et démocratique et elles sont donc sauvegardées par l’article premier de la Charte.

21.       La certification de questions

[236]   Les parties sont invitées à proposer des questions sérieuses de portée générale en vertu de l’article 82.3 de la LIPR. Elles ont 15 jours pour soumettre leurs questions et elles auront par la suite 5 jours pour présenter des observations sur les questions proposées, le cas échéant.

22.       Ordonnance

[237]   La requête contestant la constitutionnalité des dispositions 77(2), 78, 83(1)c) à e), 83(1)h), 83(1)i), 85.4(2) et 85.5b) de la LIPR est rejetée.

ANNEXE A

1.   La mise en liberté de M. Harkat est conditionnelle à ce qu’il signe un document, devant être rédigé par ses avocats et approuvé par les avocats des Ministres, par lequel il convient de se conformer strictement à chacune des conditions qui suivent.

2.   Mr. Harkat sera muni d’un dispositif de télésurveillance (GPS) comme l’a décidé l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC). M. Harkat devra toujours porter par la suite ce dispositif et ne jamais altérer celui-ci, ni permettre à quiconque de l’altérer. M. Harkat consent à porter un bracelet électronique et consent à l’utiliser selon les directives de l’ASFC, notamment à charger la pile (grâce au fil fourni avec le dispositif et grâce à la rallonge (32 pieds) qui peuvent être branchés dans une prise de courant) pendant au moins deux heures consécutives à chaque jour. L’ASFC est la seule qui peut décider de modifier, de changer ou de remplacer le dispositif de télésurveillance et si la modification ou le remplacement occasionne de l’inconfort à M. Harkat, celui ci peut soumettre une plainte à l’ASFC. Si le problème ne peut pas être réglé, M. Harkat peut présenter à la Cour fédérale une requête demandant que le problème soit réglé.

3.   Avant la mise en liberté de M. Harkat, la somme de 35 000 $ doit être versée à la Cour, et ce, conformément à la règle 149 des Règles des Cours fédérales. S’il y a violation d’une quelconque condition de l’ordonnance de mise en liberté de M. Harkat, les Ministres pourront solliciter une ordonnance prescrivant le versement total de cette somme, plus les intérêts courus, au procureur général du Canada.

4.   Avant la mise en liberté de M. Harkat, les huit personnes mentionnées ci-dessous devront passer des actes de cautionnement de bonne exécution au moyen desquels elles conviennent d’être liées envers Sa Majesté la Reine du Chef du Canada quant aux montants précisés ci-dessous. Chaque cautionnement de bonne exécution sera assorti d’une condition selon laquelle, si M. Harkat enfreint l’une ou l’autre des conditions prévues dans l’ordonnance de mise en liberté, tel qu’elles pourront être modifiées, les sommes garanties par les cautionnements seront confisquées au profit de Sa Majesté. Les conditions des cautionnements de bonne exécution, qui devront être conformes à celles prévues à l’article 56 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (LIPR), seront communiquées par les avocats des Ministres aux avocats de M. Harkat. Chaque caution devra reconnaître par écrit avoir examiné les conditions prévues dans la présente ordonnance.

a. Pierrette Brunette          50 000 $

b.   Sophie Harkat              5 000 $

c. Kevin Skerritt                  10 000 $

d.   Leonard Bush              10 000 $

e.   Jessica Squires                        1 500 $

f. Josephine Wood                        1 500 $

g.   William Baldwin                        5 000 $

h.   Philippe Parent                        50 000 $

5.   M. Harkat demeurera au _____________ dans la ville d’Ottawa (Ontario) (résidence) avec Sophie Harkat. Afin que soit protégée la vie privée de ces personnes, l’adresse de la résidence ne figurera pas dans le dossier public de la présente instance.

6.   M. Harkat informera la Cour, les Ministres et l’ASFC de tout changement d’adresse au moins 72 heures avant l’entrée en vigueur du changement. Nul ne pourra occuper la résidence sans l’autorisation de l’ASFC.

7.   M. Harkat se présentera une fois par semaine à l’ASFC au jour et à l’heure que précisera un représentant de l’ASFC.

8.   M. Harkat ne se déplacera pas à l’extérieur de la région de la capitale nationale (Ottawa, Orléans, Kanata et Gatineau) sans l’autorisation de l’ASFC. Les conditions suivantes s’appliquent à toute demande de déplacement à l’extérieur de la région de la capitale nationale faite par M. Harkat :

(i)               M. Harkat doit demander 48 heures à l’avance (2 jours ouvrables complets) l’autorisation de se déplacer à l’extérieur de la région de la capitale nationale comme il est défini ci-dessus. La demande doit être reçue par écrit entre 8 h et 16 h et elle doit mentionner les dates et les heures des déplacements, la ou les destinations envisagées, l’itinéraire et le moyen de transport.

(ii)   M. Harkat doit en tout temps être muni du dispositif GPS;

(iii)  M. Harkat doit être accompagné par une caution tel que décrite au paragraphe 4 de la présente ordonnance;

(iv)  M. Harkat doit se présenter à l’ASFC;

(v)   L’ASFC a le droit de refuser tout déplacement si les conditions susmentionnées ne sont pas toutes respectées ou si le déplacement envisagé empêche M. Harkat de se présenter à l’ASFC ou rend sa surveillance impraticable.

9.   M. Harkat ne devra en aucun temps ou d’aucune manière s’associer ou communiquer directement ou indirectement avec :

(i)               toute personne qui, selon ce qu’il sait ou ce qu’il devrait savoir, soutient le terrorisme ou le djihad belliqueux, ou qui s’est trouvée dans un camp d’entraînement ou dans un gîte opéré par une entité qui soutient le terrorisme ou le djihad belliqueux;

(ii)   toute personne qui, selon ce qu’il sait ou ce qu’il devrait savoir, a un casier judiciaire ou constitue une menace à la sécurité nationale;

(iii)  toute personne que la Cour pourra désigner par la suite dans une ordonnance modifiant la présente ordonnance.

10. Sauf tel qu’il est prévu aux présentes, M. Harkat ne devra pas, directement ou indirectement, posséder, avoir à sa disposition ou utiliser un poste de radio ou un dispositif radio pouvant transmettre, non plus que du matériel de communication ou du matériel permettant la connexion à Internet ou encore une composante d’un tel matériel, ce qui comprend notamment un téléphone cellulaire; tout type d’ordinateur muni d’un modem ou permettant l’accès à Internet, ou une composante d’un tel ordinateur; un téléavertisseur; un télécopieur; un téléphone public; un téléphone hors du domicile; une installation Internet; un appareil portatif, tel qu’un BlackBerry. Aucun ordinateur avec accès sans fil Internet ni aucun téléphone cellulaire ne sera autorisé dans le domicile. Tout ordinateur avec connectivité à Internet dans le domicile devra être gardé dans une partie fermée à clé du domicile à laquelle M. Harkat n’a pas accès.

11. M. Harkat devra permettre aux employés de l’ASFC, à toute personne désignée par l’ASFC et à tout agent de la paix l’accès requis au domicile en tout temps (après identification) aux fins

(i)               d’y installer ou entretenir le matériel requis pour le matériel de télésurveillance;

(ii)   de s’assurer que M. Harkat ou toute autre personne se conforme aux conditions de la présente ordonnance.

Avant la mise en liberté de M. Harkat, tous les autres occupants du domicile devront signer un document, d’une teneur jugée acceptable par les avocats des Ministres, par lequel ils conviendront de se conformer à cette condition. Avant d’occuper le domicile, tout nouvel occupant devra également convenir de se conformer à cette condition.

12. L’ASFC devra demander à la Cour l’autorisation d’entrer pour les fins mentionnées à l’alinéa 11(ii) de la présente ordonnance.

13. M. Harkat devra remettre son passeport et tout titre de voyage à un représentant de l’ASFC. Les Ministres transmettront à M. Harkat le nom du représentant.

14. Si le renvoi du Canada de M. Harkat devait être ordonné, celui-ci devra se présenter tel que requis pour l’exécution de la mesure de renvoi. Il devra également se présenter devant la Cour lorsque celle-ci le lui enjoindra.

15. M. Harkat devra se présenter à toutes les audiences ou à toutes les instances tenues par la Cour en vertu de la LIPR.

16. M. Harkat ne pourra être en possession d’une arme, d’une imitation d’arme, de substances nocives ou d’explosifs, non plus que de composantes de ceux-ci.

17. M. Harkat devra garder la paix et avoir une bonne conduite.

18. Tout agent de l’ASFC ou tout agent de la paix, s’il a des motifs raisonnables de croire qu’il y a eu violation d’une condition de la présente ordonnance, pourra procéder à l’arrestation sans mandat de M. Harkat et le faire détenir sous garde. Dans les 48 heures suivant le début d’une telle détention, un juge de la Cour, désigné par le juge en chef, devra établir s’il y a eu violation d’une condition de la présente ordonnance, s’il convient de modifier les conditions de la présente ordonnance et si M. Harkat doit être incarcéré.

19. Si M. Harkat ne se conforme pas strictement à l’une ou l’autre des conditions de la présente ordonnance, il pourra être incarcéré sur nouvelle ordonnance de la Cour

20. Tout manquement à la présente ordonnance constitue une infraction au sens de l’article 127 du Code criminel ainsi qu’une infraction visée à l’alinéa 124(1)a) de la LIPR.

21. Les conditions prévues dans la présente ordonnance peuvent être modifiées, et ce, en conformité avec l’article 82 de la LIPR.

ANNEXE B

JUGEMENTS

Date

Juge

Contenu

28 novembre 2008

Juge Simon Noël

Motifs publics du jugement et jugement expurgés : avocats spéciaux demandent l’accès aux relevés d’emploi de T.S., un ancien employé du SCRS qui était un agent du renseignement qui a participé à l’enquête sur M. Harkat. La requête est rejetée. Les copies du ou des rapports sur la fiabilité et la véracité de tout renseignement doivent être déposées auprès de la Cour.

22 décembre 2008

Juge Simon Noël

Motifs publics du jugement et jugement expurgés : le privilège relatif aux indicateurs de police ne s’applique que dans le contexte de la présente procédure de certificat et, par conséquent, la demande d’interrogatoire et de contre‑interrogatoire de sources humaines secrètes faite par les avocats spéciaux est rejetée.

22 janvier 2009

Juge Simon Noël

Motifs du jugement et jugement : demande de communication faite par les avocats spéciaux. Ils peuvent communiquer avec les autres avocats spéciaux afin de discuter de questions communes dans les réunions organisées par le groupe de soutien aux ressources pour les avocats spéciaux.

6 mars 2009

Juge Simon Noël

Motifs du jugement : examen des motifs de maintien des conditions. Certaines modifications sont apportées aux conditions de M. Harkat.

31 mars 2009

Juge Simon Noël

Motifs du jugement et jugement expurgés : l’obligation de communication énoncée dans Charkaoui II exige que les ministres fassent droit aux demandes supplémentaires de communication formulées par les avocats spéciaux. La requête est rejetée.

7 octobre 2009

Juge Simon Noël

M. Harkat a contesté un certain nombre de conditions figurant dans l’ordonnance dans le cadre du contrôle des conditions tenu à tous les six mois en vertu du paragraphe 82(4) de la LIPR. Les demandes visant l’annulation ou la modification des conditions de mise en liberté sont rejetées. La Cour modifiera les conditions lorsque les parties soumettront par écrit un paragraphe autorisant M. Harkat à se déplacer à l’extérieur de la région de la capitale nationale.

ORDONNANCES

Date

Juge

Contenu

25 février 2008

Juge en chef Allan Lutfy

Instance à gestion spéciale. Le juge en chef Allan Lutfy et le juge Simon Noël sont nommés juges responsables de l’instance.

7 mars 2008

Juge en chef Allan Lutfy

M. Harkat est autorisé, moyennant certaines conditions, à assister à la réunion de gestion de l’instance à Ottawa.

17 mars 2008

Juge Simon Noël

M. Harkat est autorisé, moyennant certaines conditions, à assister à toutes les conférences de gestion de l’instance à venir. M. Harkat est autorisé, moyennant certaines conditions, à assister à la clinique fiscale offerte gratuitement.

26 mars 2008

Juge Edmond Blanchard

Mme Nancy Brooks est nommée avocate spéciale de M. Harkat en vue de protéger ses intérêts dans les procédures en cas de conflit qui seront entendues à huis clos. La date de la prochaine conférence de gestion de l’instance est fixée.

28 mars 2008

Juge Simon Noël

Des ajouts sont apportés aux limites géographiques fixées dans l’ordonnance de mise en liberté initiale du juge Dawson.

31 mars 2008

Juge Simon Noël

M. Harkat est autorisé à quitter sa résidence pendant plus de quatre heures afin d’aller aider sa belle‑soeur à déménager.

4 avril 2008

Juge Edmond Blanchard

Le résumé public joint à l’ordonnance visant à suffisamment informer M. Harkat des arguments soulevés par les ministres dans les procédures en cas de conflit est approuvé. Les avocats spéciaux sont autorisés, moyennant certaines conditions, à communiquer avec M. Harkat.

10 avril 2008 et 11 avril 2008

Juge Edmond Blanchard

M. Copeland est autorisé, moyennant certaines conditions, à communiquer avec M. Harkat. Les avocats spéciaux de M. Jaballah et de M. Mahjoub sont autorisés, moyennant certaines conditions, à communiquer avec ceux‑ci et leurs avocats.

14 avril 2008

Juge Edmond Blanchard

La Cour ne se prononce pas sur le présumé conflit d’intérêts concernant la demande que M. Copeland soit nommé avocat spécial de M. Harkat. La question de la nomination des avocats spéciaux sera tranchée par le juge désigné.

25 avril 2008

Juge Eleanor Dawson

La Cour siègera pour entendre la requête de M. Harkat visant l’obtention d’une requête l’autorisant à changer de lieu de résidence.

5 mai 2008

Juge Eleanor Dawson

Deux pièces déposées en preuve sont scellées et tenues séparées du dossier public car elles font mention du lieu de résidence de M. Harkat.

5 mai 2008

Juge Eleanor Dawson

William Baldwin, à titre de caution de surveillance, souscrira à un cautionnement de 5 000 $.

12 mai 2008

Juge Eleanor Dawson

La requête visant l’obtention d’une ordonnance autorisant M. Harkat à déménager dans une nouvelle résidence est rejetée.

28 mai 2008

Juge en chef Allan Lutfy

Dates de dépôt des requêtes en financement

4 juin 2008

Juge Simon Noël

Paul Copeland et Paul Cavalluzzo sont nommés avocats spéciaux de M. Harkat.

25 juin 2008

Juge Simon Noël

Les ministres devront dire s’il y a lieu de tenir une médiation à propos des requêtes en financement

4 juillet 2008

Juge Eleanor Dawson

Philip Parent souscrira à un cautionnement de 50 000 $.

9 juillet 2008

Juge James Hugessen

La requête du défendeur visant à obtenir un financement excédant les taux de l’aide juridique est rejetée.

14 juillet 2008*

Juge Carolyn Layden-Stevenson

La demande envoyée par M. Harkat le 26 juin 2008 afin qu’on l’autorise à rencontrer les avocats spéciaux et les avocats pour les audiences publiques les 15 et 16 juillet 2008 entre 8 h et 10 h, a été accepté par les ministres. L’ordonnance de mise en liberté a été modifiée afin de favoriser des rencontres avec les avocats de M. Harkat et les avocats spéciaux.

7 août 2008

Juge Simon Noël

L’ASFC a autorisé l’interception de toutes les communications écrites provenant de M. Harkat ou transmises à M. Harkat ou provenant de toute personne vivant à l’adresse domiciliaire de ce dernier ou transmises à toute personne vivant à l’adresse domiciliaire de ce dernier.

7 août 2008

Juge Simon Noël

L’ordonnance dans laquelle est mentionnée l’adresse civique est conservée sous-scellé par la Cour pour des raisons de confidentialité.

18 août 2008

Juge Simon Noël

Les avocats spéciaux reçoivent un droit d’accès aux décisions confidentielles ayant trait à l’audience antérieure relative au caractère raisonnable, aux audiences relatives à la détention et aux modifications des conditions de mise en liberté déposées auprès de la Cour et aux documents classifiés de l’audience relative au caractère raisonnable tenue devant le juge Dawson en 2004, aux documents classifiés déposés en rapport avec le contrôle des motifs de la détention tenu devant le juge Lemieux et aux réponses des ministres déposées en réponse aux 231 questions posées par Paul Copeland.

10 septembre 2008

Juge Simon Noël

M. Harkat peut se rendre à la mosquée d’Ottawa moyennant des conditions précises.

24 septembre 2008

Juge Simon Noël

Après avoir examiné l’incidence de Charkaoui II, les ministres et le SCRS doivent déposer auprès de la Cour tous les renseignements liés à M. Harkat détenus par le SCRS.

10 octobre 2008

Juge Simon Noël

M. Harkat est autorisé, moyennant certaines conditions, à changer de résidence. Alois Weidemann n’est plus caution de surveillance.

30 octobre 2008*

Juge Simon Noël

Les avocats spéciaux peuvent communiquer par écrit avec les avocats de M. Harkat relativement à certaines questions : l’examen des conditions, la possibilité d’aller de l’avant avec la partie publique des audiences relatives au caractère raisonnable du certificat avant la divulgation ordonnée par la Cour le 24 septembre 2008.

3 novembre 2008

Juge Simon Noël

Motifs de l’ordonnance et ordonnance : la requête en ajournement des audiences publiques est rejetée.

28 novembre 2008

Juge Simon Noël

Les conditions de mise en liberté de M. Harkat sont regroupées à l’annexe A de la présente ordonnance.

5 décembre 2008

Juge Simon Noël

Ordonnance modifiée : les conditions de mise en liberté de M. Harkat sont regroupées à l’annexe A de la présente ordonnance.

22 décembre 2008

Juge Simon Noël

M. Harkat peut s’absenter de son domicile entre 16 h et minuit les 24 et 25 décembre 2008.

23 décembre 2008

Juge Simon Noël

L’ordonnance datée du 5 décembre 2008 est modifiée afin d’ajouter le paragraphe 13.1 – lorsque l’analyste constate qu’il a affaire à une communication entre le client et ses avocats, il doit cesser de surveiller la communication et radier la communication interceptée.

2 janvier 2009

Juge en chef Allan Lutfy

La juge Dawson est chargée d’entendre les plaidoiries concernant le rôle du juge désigné relativement aux renseignements additionnels divulgués par les ministres en conformité avec Charkaoui II, et décider si les renseignements divulgués aux personnes désignées et à leurs avocats devraient être insérés dans les dossiers publics de la Cour relatifs à l’instance.

12 février 2009*

Juge Simon Noël

Mme Robin Parker a été désignée pour agir comme soutien administratif auprès des avocats spéciaux. Ses tâches font l’objet d’une restriction. Les avocats spéciaux sont autorisés à communiquer avec elle.

18 février 2009

Juge Simon Noël

Motifs de l’ordonnance et ordonnance : trois résumés des conversations sont déclarés confidentiels à titre provisoire, mais sont remis à M. Harkat et à ses avocats. Il dispose de 10 jours pour signifier et déposer une requête demandant à la Cour de continuer de traiter les trois résumés de conversations comme des documents confidentiels. Sinon, ils feront partie du rapport public modifié en matière de sécurité.

18 février 2009

Juge Simon Noël

Motifs de l’ordonnance : nomination de Mme Robin Parker comme soutien administratif.

25 février 2009

Juge Simon Noël

Philippe Parent est la quatrième caution de surveillance.

25 février 2009

Juge Simon Noël

L’ordonnance provisoire de confidentialité des résumés de conversations est prorogée. Les avocats spéciaux, les avocats des ministres et les avocats de M. Harkat peuvent se rencontrés et discuter de questions procédurales.

26 février 2009

Juge Simon Noël

La demande des avocats spéciaux visant à permettre à Mme Parker d’assister à une réunion des avocats spéciaux est rejetée.

5 mars 2009

Juge Eleanor Dawson

Motifs de l’ordonnance : les renseignements divulgués à la personne désignée en vertu de Charkaoui II devraient être divulgués directement aux avocats de la personne désignée et ne devraient pas être insérés dans le dossier public de la Cour. Ils ne deviendront publics que s’ils sont invoqués par une partie et déposés en preuve.

11 mars 2009

Juge Simon Noël

Les avocats spéciaux sont invités à participer à toute autre audience nécessaire pour examiner les éléments expurgés des renseignements divulgués.

12 mars 2009

Juge Simon Noël

Ordonnance expurgée : les avocats des ministres et le témoin doivent examiner les éléments expurgés de tous les documents déposés. Les avocats des ministres doivent examiner de nouveau les éléments expurgés et annuler les expurgations qui ont trait à certaines personnes ou certains groupes (sous réserve de certains privilèges juridiques revendiqués).

25 mars 2009

Juge Simon Noël

Les conditions de mise en liberté de M. Harkat sont regroupées à l’annexe A de la présente ordonnance.

21 avril 2009

Juge Simon Noël

Les avocats des ministres doivent produire un résumé des renseignements, y compris le nombre et le type des dossiers originaux qui y figurent.

6 mai 2009*

Juge Simon Noël

Les avocats spéciaux sont autorisés à communiquer avec les avocats de M. Harkat relativement à :

l’importance, dans ces procédures, des allégations relatives à la torture et aux peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants;

les raisons pour lesquelles les avocats spéciaux ont abandonné leur demande de divulgation de 10 documents mentionnés dans la lettre de M. Boxall du 28 avril 2009;

l’importance de l’absence de divulgation de la quatrième allégation mentionnée dans la lettre de M. Boxall du 28 avril 2009

l’importance de donner une explication adéquate à propos des trois allégations divulguées dans la communication émise le 22 avril 2009 et de la relation divulguée dans les résumés des communications qui figurent à l’onglet K du rapport révisé en matière de sécurité daté du 5 février 2009, à l’onglet C du résumé vert daté du 23 avril 2009.

8 mai 2009

Juge Simon Noël

Le plan de déroulement de l’instance énoncé dans une directive antérieure est remplacé par un nouvel échéancier

12 mai 2009

Juge Simon Noël

Les conditions de mise en liberté de M. Harkat sont regroupés à l’annexe A de la présente ordonnance.

13 mai 2009*

Juge Simon Noël

La requête en communication entre les avocats spéciaux et les avocats de M. Harkat est rejetée.

14 mai 2009

Juge Simon Noël

Le protonotaire Tabib entendra et tranchera toutes les questions relatives à la revendication du secret professionnel de l’avocat relativement aux dossiers saisis par l’ASFC. Les avocats déposeront des observations sur la légalité de la fouille de la résidence de M. Harkat. Les avocats des ministres déposeront une évaluation du danger relativement à M. Harkat.

14 mai 2009

Juge Simon Noël

Les conditions de mises en liberté consolidées de M. Harkat énoncées au paragraphe 16 sont remplacées et le paragraphe 16.1 est ajouté et prévoit que l’ASFC doit prévenir la Cour et obtenir sa permission pour pouvoir pénétrer dans la résidence de M. Harkat.

15 mai 2009

Protonotaire Mireille Tabib

Audience ajournée afin de trancher toutes les questions relatives à toute revendication du secret professionnel de l’avocat qui peut être faite par les avocats de M. Harkat relativement aux dossiers saisis par l’ASFC.

21 mai 2009

Protonotaire Mireille Tabib

Certains documents figurant au dossier sont protégés. Certains autres documents ne sont pas protégés.

21 mai 2009

Juge Simon Noël

La date limite à laquelle les avocats des ministres et de M. Harkat doivent déposer leurs observations quant à la légalité de la fouille est prorogée est prorogée.

25 mai 2009

Juge Simon Noël

La date limite à laquelle l’avocat de M. Harkat doit déposer une requête omnibus est prorogée.

27 mai 2009

Juge Simon Noël

Motifs de l’ordonnance : les ministres doivent déposer auprès de la Cour des copies non expurgés d’un dossier de source humaine. Une audience visant à établir la légalité de la source aura lieu. L’audience visant à établir le caractère raisonnable du certificat est temporairement ajournée.

11 juin 2009*

Juge Simon Noël

Les avocats spéciaux sont autorisés à communiquer avec les avocats de M. Harkat quant à la possible inscription au calendrier d’un témoignage d’expert en juin et juillet 2009.

23 juin 2009

Juge Simon Noël

Motifs de l’ordonnance et ordonnance : la saisie à la résidence de M. Harkat. Tous les renseignements, éléments et dossiers saisis par l’ASFC doivent être rendus sans délai à M. Harkat. Les copies de ces renseignements, éléments et dossiers doivent être détruites par l’ASFC.

25 juin 2009

Juge Simon Noël

Les avocats des témoins dans la question du polygraphe se sont vu reconnaître la qualité pour agir dans la présente instance. La Cour accorde au procureur général du Canada l’autorisation d’accorder aux avocats des témoins l’accès aux documents très secrets.

29 juin 2009*

Juge Simon Noël

Plan de déroulement de l’instance. Les avocats spéciaux sont autorisés à communiquer avec les avocats de M. Harkat afin de finaliser les détails du plan de déroulement de l’instance.

7 juillet 2009

Juge Simon Noël

Les avocats du procureur général déposeront des copies d’une note de service et deux courriels. Le client de M. Shore est invité à relever tout renseignement figurant dans le dossier relatif à la source humaine qui, selon lui, est pertinent aux questions traitées dans son témoignage. Les observations écrites doivent être déposées par les avocats du procureur général et les témoins sur trois questions.

16 juillet 2009

Juge en chef Allan Lutfy

M. Harkat sera autorisé, moyennant des conditions précises, à assister aux funérailles d’un parent de Mme Harkat à Cornwall.

27 juillet 2009

Juge Simon Noël

Prorogation du délai accordé aux avocats pour déposer des observations sur la question des possibles tergiversations de la part de trois témoins du SCRS. La Cour n’a pas été informée de la participation de M. Colin Baxter dans cette affaire et cela soulève certaines inquiétudes.

4 août 2009

Juge Simon Noël

Plan de déroulement de l’instance pour un contrôle des conditions de mise en liberté de M. Harkat

21 septembre 2009

Juge Simon Noël

Les conditions de mise en liberté de M. Harkat sont regroupées à l’annexe A de la présente ordonnance.

22 septembre 2009

Juge Simon Noël

Ordonnance modifiée : les conditions de mise en liberté de M. Harkat sont regroupées à l’annexe A de la présente ordonnance

15 octobre 2009

Juge Simon Noël

Motifs publics de l’ordonnance et ordonnance : question du polygraphe. Un dossier relatif à la source humaine concernant une autre source de renseignement humaine secrète dont les renseignements sont invoqués à l’appui des allégations formulées à l’égard de M. Harkat sera déposé auprès de la Cour.

29 octobre 2009

Juge Simon Noël

Le paragraphe 8 de l’annexe A est modifié afin de permettre à M. Harkat, moyennant certaines conditions, de se déplacer à l’extérieur de la région de la capitale nationale.

10 novembre 2009*

Juge Simon Noël

Les avocats spéciaux sont autorisés, moyennant certaines conditions, à communiquer avec M. Harkat à propos des sujets suivants :

- petit hôtel à Babi

- liens avec Khattab

- contacts avec Khadr

- liens avec Triki (wael) et Al Shehr[e]

- présence en Afghanistan et activités dans ce pays

- liens avec Zubaydah

- liens avec Bin Laden et contacts avec lui

- accès à des sommes d’argent importantes au Canada

11 décembre 2009

Juge Simon Noël

Motifs de l’ordonnance relative à la requête en divulgation déposée par M. Harkat. Autant que possible, des résumés des renseignements ont été remis à M. Harkat. Les autres renseignements demandés par M. Harkat ne sont pas des renseignements visés par l’obligation de divulgation énoncée dans Charkaoui II.

3 mars 2010*

Juge Simon Noël

La Cour a reçu un courriel de M. Copeland lui demandant l’autorisation de discuter avec les avocats de M. Harkat à propos d’un échange de correspondance, non autorisé par la Cour, qu’il a eu avec des tiers concernant Pacha Haji Wazir. M. Copeland a présenté une demande rétroactive de communication des renseignements et cette demande a été rejetée. La Cour informe M. Harkat que Pacha Haji Wazir aurait récemment été libéré de prison à Bagram.

15 mars 2010

Juge Simon Noël

Ordonnance modifiée : échéancier pour le dépôt des observations écrites sur le caractère raisonnable du certificat, un contrôle des conditions de mise en liberté et l’avis de suspension des procédures.

26 mars 2010

Juge Simon Noël

Les dates de l’audience publique sont modifiées en raison de circonstances malheureuses concernant un membre de la famille de l’un des avocats.

31 mars 2010

Juge Simon Noël

Échéancier pour le dépôt d’observations écrites de sources fermées.

9 avril 2010

Juge Simon Noël

Modification de l’ordonnance modifiée : échéancier pour le dépôt des observations écrites sur le caractère raisonnable du certificat, un contrôle des conditions de mise en liberté, l’avis de suspension des procédures et la question constitutionnelle.

DIRECTIVES

Date

Juge

Contenu

15 février 2008

Juge en chef Allan Lutfy

La date de la gestion de l’instance ordinaire est fixée dans chacune des procédures.

12 mars 2008

Juge en chef Allan Lutfy

Question du conflit d’intérêts concernant la nomination de Paul Copeland à titre d’avocat spécial de M. Harkat. La nomination éventuelle d’avocats spéciaux devra être faite par le juge désigné présidant chacune des procédures.

13 mars 2008

Juge en chef Allan Lutfy

Audience à huis clos demandée concernant l’opposition des ministres à la nomination de Paul Copeland à titre d’avocat spécial de M. Harkat et la date de la conférence de gestion de l’instance ordinaire est fixée.

20 mars 2008

Juge Edmond Blanchard

Les ministres devront informer la Cour quant à la demande voulant que Mme Nancy Brooks soit nommée avocate spéciale de M. Harkat dans le cadre de l’audience relative au conflit d’intérêts. La date de la conférence de gestion de l’instance est fixée.

28 mars 2008

Juge Simon Noël

Les ministres doivent déposer et signifier un point de contact afin de répondre aux questions relatives au « soutien administratif et aux ressources » dont parle le paragraphe 85(3) de la LIPR. La date de la conférence de gestion de l’instance est fixée.

7 avril 2008

Juge en chef Allan Lutfy

La lettre de Paul Copeland fera l’objet d’une discussion lors de la conférence de gestion de l’instance ordinaire. Les avocats des deux parties sont encouragés à convenir d’un échéancier.

29 avril 2008

Juge en chef Allan Lutfy et juge Simon Noël

Les parties devront déposer un plan de déroulement de l’instance. Chacune des procédures fait l’objet d’une gestion de l’instance. La date de la gestion de l’instance ordinaire est fixée.

6 mai 2008

Juge Allan Lutfy

Un juge désigné est affecté à chacune des procédures

4 juin 2008

Juge Simon Noël

Les avocats spéciaux ont un mois pour être informés par l’avocat pour les audiences publiques et M. Harkat avant d’obtenir l’accès aux documents confidentiels.

20 juin 2008

Juge Eleanor Dawson

L’audience relative à la gestion de l’instance est ajournée

2 juillet 2008

Juge James Hugessen

Les requêtes qui devaient être entendues à Toronto et Montréal sont ajournées sine die

21 août 2008*

Juge Simon Noël

La Cour acceptera une demande formulée par les avocats pour l’audience publique de M. Harkat de transmettre des renseignements aux avocats spéciaux pour les audiences à huis clos, sous réserve des observations formulées par les ministres.

21 août 2008*

Juge Simon Noël

Les avocats spéciaux et les avocats du SCRS sont autorisés à communiquer entre eux relativement à la présente procédure si ces communications sont faites de manière sécuritaire.

2 septembre 2008

Juge en chef Allan Lutfy

L’échéancier pour l’audition des plaidoiries concernant la requête fondée sur la Constitution à Toronto est fixé.

5 septembre 2008

Juge en chef Allan Lutfy

Si aucun des intervenants ne déposent des observations écrites, la Cour est toujours disposée à entendre les plaidoiries concernant la requête fondée sur la Constitution. La date de la gestion de l’instance ordinaire est fixée.

9 septembre 2008

Juge en chef Allan Lutfy (directive de vive voix)

La conférence de gestion de l’instance relativement à la question fondée sur la Constitution et les autres questions aura lieu comme prévu.

10 octobre 2008

Juge Simon Noël

Une téléconférence visant à discuter de l’échéancier pour une audience rapide relativement au contrôle des conditions de mise en liberté de M. Harkat aura lieu.

24 octobre 2008

Juge en chef Allan Lutfy

La date de la conférence de la gestion de l’instance est fixée

30 octobre 2008

Juge Simon Noël

La Cour entendra les plaidoiries relatives à la requête en ajournement des audiences publiques relatives au caractère raisonnable du certificat.

6 novembre 2008*

Juge Simon Noël

Audience publique – Les avocats de M. Harkat ont demandé l’autorisation de communiquer avec les avocats spéciaux à propos de questions de droit. La Cour refuse la demande. Si l’avocat souhaite faire une telle demande, il doit la faire au moyen d’une requête.

18 novembre 2008

Juge Simon Noël

Directive de vive voix : la Cour autorisera M. Foley à témoigner de nouveau sur une question précise à l’audience publique.

27 novembre 2008

Juge Simon Noël

M. Copeland a informé la Cour que toute divulgation additionnelle à l’ensemble des avocats doit d’abord être faite aux avocats de M. Harkat et non au public. La Cour demande à toutes les parties de soumettre des observations écrites à ce sujet.

27 novembre 2008

Juge Simon Noël

La Cour souscrit à la version expurgée du témoignage du témoin de l’ASFC et elle doit être transmise à l’avocat de M. Harkat.

28 novembre 2008

Juge Simon Noël

On demande aux avocats des ministres et aux avocats spéciaux d’examiner les motifs et le jugement délivrés aujourd’hui afin d’établir s’ils peuvent être rendus publics.

28 novembre 2008

Juge Simon Noël

La Cour entendra les plaidoiries sur la question de la communication entre les avocats spéciaux dans toutes les procédures.

8 janvier 2009

Juge Eleanor Dawson

Les avocats des quatre personnes choisiront un avocat qui formulera les observations principales sur les questions relatives à Charkaoui II. Les avocats spéciaux peuvent également formuler des observations.

9 janvier 2009

Juge Simon Noël

D’autres dates sont réservées afin de permettre de fixer les audiences à huis clos relativement à l’examen de la divulgation fondée sur l’arrêt Charkaoui II, afin de terminer un résumé et d’entendre les avocats des ministres et les avocats spéciaux sur la question du caractère raisonnable du certificat.

9 janvier 2009

Juge Eleanor Dawson

Changement de la date à laquelle les avocats des personnes désignées et les avocats spéciaux doivent déposer et signifier les observations écrites.

9 janvier 2009

Juge Simon Noël

Avant de procéder, les avocats des ministres doivent attendre une réponse de la part des avocats spéciaux sur la question.

14 janvier 2009

Juge Eleanor Dawson

On demande aux avocats de formuler des observations relativement à l’alinéa 83(1)e) de la LIPR

16 janvier 2009

Juge Simon Noël

Les dates des audiences à huis clos et des audiences publiques relatives au caractère raisonnable du certificat sont fixées.

17 février 2009

Juge Simon Noël

Lorsqu’ils demandent à la Cour de rendre une ordonnance, les avocats et les avocats spéciaux doivent se conformer aux Règles des Cours fédérales.

4 mars 2009

Juge Eleanor Dawson

Il est se peut que dans un cas, des expurgations reposent sur des conclusions de non‑pertinence manifeste tirées par les avocats des ministres et cela ne constitue pas un motif suffisant pour demander la tenue d’une audience

27 mars 2009

Juge Simon Noël

Si les parties ont l’intention d’appeler des experts à témoigner au cours des audiences, ils doivent informer la Cour par écrit.

3 avril 2009

Juge Simon Noël

Si les avocats désirent présenter une demande concernant la divulgation des renseignements qui sont en la possession du SCRS, ils doivent se conformer aux Règles des Cours fédérales.

28 avril 2009*

Juge Simon Noël

M. Boxall a demandé l’autorisation de communiquer avec les avocats spéciaux. Les avocats doivent déposer un dossier de requête visant l’obtention d’une requête.

29 avril 2009*

Juge Simon Noël

Les avocats de M. Harkat doivent fournir le nom et le cv des témoins experts qu’ils ont l’intention d’appeler à témoigner au cours des audiences publiques. Les deux parties doivent déposer et signifier leurs rapports d’expert. La Cour a ordonné aux avocats de déposer un dossier de requête visant l’obtention de l’autorisation de communiquer avec les avocats spéciaux concernant une requête relative à l’accès à un dossier de source humaine.

5 mai 2009

Juge Simon Noël

Les avocats et les avocats spéciaux doivent être prêts à discuter et à débattre la requête concernant la constitutionalité de l’alinéa 83.1e) de la LIPR.

20 mai 2009

Juge Simon Noël

Les paragraphes qui ont déjà été expurgés doivent être insérés dans les observations des avocats spéciaux quant à la renonciation aux renseignements des agences étrangères.

16 juin 2009

Juge Simon Noël

La Cour donne l’occasion aux trois témoins du SCRS d’expliquer leur témoignage et pourquoi des renseignements importants n’ont pas été fournis à la Cour quant à la matrice de source humaine.

17 juin 2009*

Juge Simon Noël

Audience publique – les avocats spéciaux sont autorisés à discuter avec les avocats de M. Harkat quant à l’échéancier du plan de déroulement de l’instance.

7 juillet 2009

Juge Simon Noël

Les avocats des ministres doivent tenir la Cour informée de la progression des demandes faites aux agences étrangères visant la divulgation de certains renseignements à M. Markat.

25 septembre 2009*

Juge Simon Noël

Audience publique – la Cour a autorisé une communication entre les avocats spéciaux et les avocats pour les audiences publiques quant au total des autres conditions.

15 octobre 2009

Juge Simon Noël

Les avocats des ministres doivent mettre à jour les renseignements quant aux demandes adressées aux agences étrangères. On demande aux avocats spéciaux de parachever leurs demandes de divulgation fondée sur l’arrêt Charkaoui II. Les avocats des ministres doivent répondre à toutes les demandes formulées par les avocats spéciaux.

15 octobre 2009

Juge Simon Noël

Les motifs sont délivrés de façon confidentielle aux ministres, au procureur général, aux avocats des témoins et aux avocats spéciaux. Les motifs sont rédigés afin d’être rendus publics.

20 janvier 2010

Juge Simon Noël

Pendant la durée de l’audience publique relative au caractère raisonnable, la présence de M. Harkat à la Cour répond à l’exigence voulant que M. Harkat se présente à l’ASFC formulée au paragraphe 7 des conditions de mise en liberté actuelles.

30 mars 2010*

Juge Simon Noël

Audience publique – les avocats pour les audiences publiques ont ouvert des canaux de communication avec les avocats spéciaux quant à un article de journal qui parlerait de M. Al Shehre et d’un avocat. Après avoir entendu les arguments des avocats spéciaux et des avocats des ministres, la Cour a rejeté la requête.

7 avril 2010

Juge Simon Noël

On demande aux avocats des ministres et de M. Harkat de mettre à jour leurs observations écrites portant sur la question constitutionnelle en tenant compte des plaidoiries qui ont été faites.

COMMUNICATIONS

Date

Juge

Contenu

24 septembre 2008

Juge Simon Noël

L’audience a duré huit jours et quatre témoins ont été entendus à huis clos à l’appui du caractère raisonnable du certificat, de la dangerosité et de l’étendue de la divulgation qui sera faite à M. Harkat.

30 septembre 2008

Juge Simon Noël

Téléconférence – Deux témoins ont témoigné et les avocats spéciaux, les avocats des ministres et le juge ont discuté en détail de l’étendue de la divulgation en conformité avec la preuve présentée à huis clos. Deux questions limitées sont encore débattues à huis clos.

7 octobre 2008

Juge Simon Noël

Audience relative au contrôle des motifs de la détention – la Cour a tenu des audiences à huis clos qui [ont] duré huit jours et les quatre témoins ont été entendus. Ils ont présenté les arguments des ministres quant au caractère raisonnable du certificat, au danger associé à M. Harkat et à l’étendue de la divulgation qui doit être faite à M. Harkat. Les avocats spéciaux ont contre‑interrogé quant à la question de l’étendue de la divulgation à M. Harkat et quant au danger relatif à une modification de l’ordonnance de mise en liberté. Ils se sont réservés le droit de reprendre le contre‑interrogatoire en fonction des divulgations supplémentaires. La Cour a rendu une ordonnance enjoignant aux ministres et au SCRS de déposer tous les autres dossiers qu’il détenait quant à M. Harkat dans le cadre de Charkaoui #2. Deux témoins ont été entendus sur ce sujet. Un autre ensemble de divulgation sera constitué. On travaille présentement là-dessus.

16 octobre 2008

Juge Simon Noël

Téléconférence – On a demandé de proroger certaines échéances quant à la divulgation et cette demande a été accueillie. La Cour attend quelque chose plus tard cette semaine, puis elle sera en mesure de traiter les questions soumises.

3 novembre 2008

Juge Simon Noël

Audience publique – Les avocats se sont rencontrés dans un bureau pendant l’heure du midi, pour des motifs de confidentialité, afin de discuter de photographies. M. Boxall traitera de ce sujet avec le témoin.

4 décembre 2008

Juge Simon Noël

Téléconférence – Rien n’est ressorti quant à la question de la divulgation parce qu’on travaille toujours dessus à huis clos

15 décembre 2008

Juge Simon Noël

Audience publique – Elizabeth Snow et une autre personne témoigneront à huis clos. Le SCRS s’occupe de l’interception des appels téléphoniques pour l’ASFC. Les analystes de l’ASFC écoutent les conversations interceptées. Dès que l’analyste réalise qu’une communication est visée par le secret professionnel de l’avocat, il arrête d’écouter. L’ASFC adopte une définition large des communications visées par le secret professionnel de l’avocat. Le SCRS a communiqué directement avec le bureau régional du Nord de l’Ontario à propos d’une conversation entre M. Harkat et ses avocats dans laquelle des questions urgentes ont été soulevées à propos de la sécurité des personnes. Il s’agissait d’une question de nature privée. La situation urgente a finalement été réglée. Hormis cet appel téléphonique, l’ASFC n’a pas été informée du contenu d’aucun autre appel téléphonique visé par le secret professionnel de l’avocat.

16 décembre 2008

Juge Simon Noël

Audience publique – le cadre supérieur du SCRS qui a eu connaissance de la surveillance des télécommunications relatives à M. Harkat a témoigné. Le SCRS ne conserve pas de registre des appels. Aucun courriel entre les avocats de M. Harkat et une quelconque personne dans la résidence de M. Harkat n’a été intercepté. Si l’ordonnance de mise en liberté a été modifiée afin d’empêcher l’interception des communications entre avocat et client, le SCRS, à titre d’agent de l’ASFC se conformera à l’ordonnance.

2 février 2009

Juge Simon Noël

La demande d’accès au personnel de soutien doit être adressée au PAS. Le cas échéant, la Cour s’occupera de toute question corollaire qui peut être soulevée.

9 février 2009

Juge Simon Noël

Téléconférence – Les avocats pour les audiences publiques recevront un rapport révisé en matière de sécurité à la suite des audiences à huis clos. Certains documents étaient de nature publique, mais ils n’ont pas été divulgués publiquement. Certains renseignements n’étaient pas publics, mais l’autorisation de divulgation a été accordée par des associés canadiens. Certains résumés de conversations entre M. Harkat et d’autres personnes n’ont pas été communiqués dans le passé. On travaille également à huis clos sur trois autres résumés en raison de questions relatives à la protection de la vie privée. On travaille toujours sur deux jugements qui sont de nature très secrète. On rendra public un carnet des conversations visées par le secret professionnel de l’avocat, à la suite du travail des avocats spéciaux avec les avocats des ministres. Les documents de Charkaoui 2 sont entrés et les avocats spéciaux ont commencé à les examiner.

12 février 2009

Juge Simon Noël

Audience publique – les avocats spéciaux ont demandé, en audience à huis clos, du soutien administratif qui leur permettrait d’accomplir leurs tâches. Cette question devrait être traitée publiquement.

18 février 2009

Juge Simon Noël

Téléconférence – le juge examine la divulgation fondée sur l’arrêt Charkaoui 2 et se demande si les exclusions sont faites selon les règles et si elles sont fondées sur des motifs valides. Les avocats travaillent sur les questions de divulgation et espèrent avoir terminé dans un mois environ. On s’attend à ce que le juge dise au début de mars aux avocats du SCRS ce qui, selon lui, sont des exclusions discutables afin de leur permettre de produire quelque chose pour les avocats spéciaux.

24 février 2009

Juge Simon Noël

Quatre résumés de conversations demeurent confidentiels à titre provisoire, mais sont remis à M. Harkat et ses avocats. Il dispose de 10 jours pour signifier et déposer une requête demandant à la Cour de continuer à traiter de façon confidentielle les résumés de conversations. Sinon, ils feront partie du rapport modifié en matière de sécurité.

25 février 2009

Juge Simon Noël

Audience publique – une audience à huis clos a eu lieu afin de discuter de la divulgation qui sera faite relativement au rapport sur la sécurité et de discuter de la divulgation fondée sur l’arrêt Charkaoui 2. On a également discuté à quoi servait cet exercice. On a également examiné le plan de déroulement de l’instance. Une audience à huis clos en présence des avocats du SCRS et d’un témoin a eu lieu afin d’examiner les expurgations apportées à un document. Un nouveau document a été produit en Cour dans lequel les expurgations ont en grande partie été enlevées. Il a été convenu que la Cour examinerait le reste des expurgations en présence d’un témoin et des avocats du SCRS et ferait rapport aux avocats spéciaux. Dans une autre audience à huis clos, on a demandé à la Cour de certifier une question. Encore dans une autre audience à huis clos, on a discuté des nombreuses demandes de la part de M. Copeland concernant les questions en suspens relativement au rapport en matière de sécurité, les expurgations ou l’échange de correspondance entre les avocats spéciaux et les avocats du ministre quant aux expurgations à être apportées à deux jugements très secrets qui seront publiés plus tard cette semaine. La Cour attend toujours qu’on lui soumette certaines observations de dernière minute sur ce sujet. On a également discuté de la divulgation fondée sur l’arrêt Charkaoui 2. Une autre audience à huis clos a eu lieu avant la présente audience publique portant sur une question précise.

26 février 2009

Juge Simon Noël

Une audience à huis clos sera tenue afin d’examiner les expurgations apportées à certains documents à la suite de la divulgation fondée sur l’arrêt Charkaoui II.

11 mars 2009

Juge Simon Noël

Audience publique – La divulgation a été faite et il y a des milliers et des milliers de documents. Ces documents contiennent certains renseignements qui n’ont pas trait à M. Harkat. Une question concernant environ trois communications n’a pas encore été réglée. Le juge a préparé un document dans lequel il énumère plus de 67 documents auxquels des expurgations discutables ont été apportées.

17 mars 2009

Juge Simon Noël

Les avocats des ministres doivent réexaminer les expurgations apportées et les déposer auprès de la Cour.

26 mars 2009

Juge Simon Noël

Les avocats des ministres examinent 36 documents qui, selon les avocats spéciaux, sont des documents qui devraient être résumés et remis à M. Harkat.

15 avril 2009

Juge Simon Noël

Audience publique – Quatre jours ont été réservés pour la tenue d’audiences à huis clos portant sur le caractère raisonnable du certificat, mais ils n’ont pas été utilisés. Au lieu de cela, un témoin pour les ministres a affirmé que la divulgation fondée sur l’arrêt Charkaoui 2 a été faite en conformité avec l’ordonnance. Il reste encore quelques documents à déposer. On a examiné les expurgations. Une transcription des procédures de l’audience à huis clos à laquelle les avocats spéciaux n’étaient pas présents a été remise aux avocats spéciaux. On a convenu que 18 documents seront résumés. La Cour a reçu une demande d’accès à un dossier de source humaine de la part des avocats spéciaux. La Cour entendra des observations sur ce sujet.

16 avril 2009

Juge Simon Noël

Audience publique – Les avocats spéciaux demandent l’accès à un dossier de source humaine. Des documents ont été déposés à ce sujet. Les ministres ont répondu et la Cour les entendra en après‑midi. Les avocats spéciaux ont également demandé d’autres divulgations découlant du rapport en matière de sécurité, relativement aux trois allégations factuelles devant être communiquées aux avocats. En ce qui concerne les agences étrangères, la Cour entend actuellement un témoin.

22 avril 2009

Juge Simon Noël

On a formulé des observations relativement à une requête déposée par les avocats spéciaux concernant l’accès à un dossier de source humaine. Le témoin est contre‑interrogé à propos de la position du SCRS sur les renseignements de l’agence étrangère. Une divulgation supplémentaire devra être faite à M. Harkat.

13 mai 2009

Juge Simon Noël

Saisie de documents à la résidence de M. Harkat; compte rendu quant au progrès de l’assignation à témoigner délivré au Casino du Lac Leamy; ébauche de document résumant le témoignage du témoin du SCRS concernant la question de l’agence étrangère a été examiné; 11 nouveaux documents déposés à titre de mise jour relative à Charkaoui II; M. Webber a demandé que le SCRS mette à jour les renseignements sur Abu Zubaydah. La Cour ne délivrera pas une ordonnance accueillant la demande, mais elle a renvoyé les ministres à la jurisprudence pertinente qui énonce une obligation d’extrême bonne foi dans le contexte des audiences à huis clos.

22 mai 2009

Juge Simon Noël

Téléconférence – la Cour a siégé en audience à huis clos et a examiné des questions différentes non réglées. Une communication sera émise sous peu.

22 mai 2009

Juge Simon Noël

La Cour a demandé au SCRS de revoir ses positions concernant l’obtention du consentement des agences étrangères.

5 juin 2009

Juge Simon Noël

Un cadre du SCRS effectuera une enquête interne quant à la question du polygraphe. Les ministres ont ordonné au SCRS de demander l’autorisation à certaines agences étrangères de divulguer des renseignements à M. Harkat. Une lettre très secrète expurgée adressée par les avocats des ministres est jointe à la communication.

8 juin 2009

Juge Simon Noël

Téléconférence – l’examen de la matrice de source humaine se poursuit. Les avocats du SCRS insisteront pour que leur client dépose rapidement cette matrice source. La cour a demandé à l’enquêteur d’examiner la situation, puis, des témoins seront appelés afin que l’on puisse obtenir des précisions. La cour a exprimé le souhait, lors de l’audience à huis clos, que l’on dresse un rapport intérimaire et l’enquêteur examine cette possibilité.

11 juin 2009

Juge Simon Noël

Téléconférence – la Cour examine les témoignages des témoins et les ordonnances. Elle prépare un document qui sera remis aux avocats spéciaux et aux avocats des ministres dans le cadre d’une audience à huis clos et elle attend toujours certains documents avant de compléter l’ensemble. Une audience aura lieu le 15 à propos de l’approche et de la procédure à suivre afin de faire ce qui peut être fait quant à l’omission de renseignements. Puis la Cour examinera l’occasion donnée aux témoins de se présenter à la Cour dans le cadre d’une audience à huis clos afin d’expliquer leur position. La Cour a interrogé un témoin en particulier qui a été entendu récemment et une entente visant à préciser les dates des polygraphes a été conclue. Cela a amené le témoin et les avocats du SCRS à réaliser que tout n’a peut-être pas été divulgué.

17 juin 2009

Juge Simon Noël

Téléconférence – la Cour examine si elle peut se fier au témoignage de deux personnes. Un troisième témoin s’est occupé d’un rapport d’enquête. Il a été amené à la Cour afin d’expliquer pourquoi certaines parties du rapport d’enquête ont été expurgées.

25 juin 2009

Juge Simon Noël

La Cour a reçu un rapport d’enquête final rédigé par le SCRS et a autorisé les avocats du procureur général à remettre des copies aux avocats spéciaux et aux avocats des témoins.

29 juin 2009

Juge Simon Noël

Un témoin a été interrogé.

3 juillet 2009

Juge Simon Noël

Un rapport final découlant de l’enquête interne effectuée par le SCRS sur l’affaire a été déposé. Le premier et le deuxième témoin ont été interrogés. Un autre témoin a été appelé à témoigner afin de donner des explications sur le document portant sur le résultat du polygraphe et sur les circonstances entourant le contrôle de la qualité des résultats du polygraphe.

3 septembre 2009

Juge Simon Noël

Les avocats spéciaux ont soulevé le paragraphe 24(1) de la Charte canadienne des droits et libertés (la Charte) dans leurs observations écrites et sollicite une ordonnance portant que soient exclus tous les renseignements fournis par la source humaine dont les résultats de test polygraphique n’ont pas été complètement divulgués.

18 septembre 2009

Juge Simon Noël

Téléconférence – une lettre a été reçue de l’ASFC et il s’agit d’une tournure des événements importante relativement aux conditions auxquelles M. Harkat est soumis. Il s’agit d’une nouvelle évaluation du danger effectuée par les ministres et le SCRS qui adoucira les choses.

21 septembre 2009

Juge Simon Noël

Audience publique – une téléconférence a eu lieu avant l’audience publique avec les avocats des ministres et M. Cavalluzzo. Le but visé était de voir dans quelle mesure la Cour pouvait divulguer les nouveaux événements qui se sont produits. La situation est telle que les détails des nouveaux événements ne peuvent pas être divulgués, mais ils suffiront pour que M. Harkat comprenne ce qui arrive. Les avocats des ministres, les avocats spéciaux et la Cour travaillent sur un document public qui sera publié. Une nouvelle évaluation du risque a été effectuée. On estime que la menace a été atténuée.

25 septembre 2009

Juge Simon Noël

Audience publique – un témoin pour le compte des ministres a témoigné à huis clos quant à la nouvelle évaluation du danger effectuée qui a été déposée à la Cour. C’est par accord consensuel qu’on en est arrivé à un résumé public qui a été transmis aux avocats pour les audiences publiques.

17 novembre 2009

Juge Simon Noël

Afin que l’audience à huis clos de deux semaines soit efficace et productive pour tous les avocats, ceux‑ci énuméreront les documents sur lesquels ils se fient et les transmettront au greffier.

18 novembre 2009

Juge Simon Noël

Tous les avocats énuméreront les documents très secrets pertinents quant au caractère raisonnable du certificat qui n’ont pas été déposés comme pièce au cours des audiences à huis clos.

11 décembre 2009

Juge Simon Noël

Renseignements transmis aux avocats pour les audiences publiques : aucun compte rendu sur Abu Zubaydah; renseignements sur Loto Québec; la Cour ne mentionnera pas de façon précise quels renseignements provient d’une agence étrangère; aucun dossier original de communications interceptées avant 2002; impossible d’établir une distinction entre des preuves fondées sur des interceptions et des sources humaines sans mettre en danger la sécurité nationale. Des documents sont divulgués à M. Harkat.

19 janvier 2010

Juge Simon Noël

Audience publique - Dahhak est mentionné dans les documents protégés. Les avocats spéciaux désiraient fortement que ce renseignement soit divulgué. Un résumé a été préparé.

20 janvier 2010

Juge Simon Noël

Audience publique – Le rapport supplémentaire en matière de sécurité de février 2009 contient des renseignements supplémentaires qui n’ont pas été divulgués à l’origine et a été le fruit du travail des avocats spéciaux. Il n’a fait l’objet d’aucune discussion, le résultat étant par exemple le renvoi en bas de page numéro 1 (noms d’emprunt).

21 janvier 2010

Juge Simon Noël

Audience publique – les avocats des ministres et les avocats spéciaux ont rencontré le juge afin de discuter des documents de l’audience à huis clos et du cas Dahhak. Il y a encore du travail à faire.

3 mars 2010

Juge Simon Noël

L’objet de l’audience était de traiter de diverses demandes de divulgation et d’autres sujets soulevés par la Cour et les avocats spéciaux.

4 mars 2010

Juge Simon Noël

Téléconférence – Il n’y a pas davantage d’information concernant l’ordonnance datée du 3 mars 2010 sur Wazir. Un certain nombre de documents écrits ont été échangés entre M. Copeland et Mme Foster et l’essentiel figure dans l’ordonnance. Les avocats spéciaux, les avocats des ministres et la Cour discutent de M11. Ils examinent la possibilité d’obtenir davantage de renseignements sur Dahak. Les renseignements sont traités dans le cadre de l’audience à huis clos relative à Dhahak. Une réponse a été donnée par les ministres relativement à la question de Marzouk/Adnan soulevée par les avocats pour les audiences publiques. Cela n’a rien donné et on ne peut rien faire de plus.

30 mars 2010

Juge Simon Noël

Audience publique – il y a toujours des questions non réglées. Les avocats spéciaux et les avocats des ministres examinent toujours les documents sur Dahhak. Les avocats spéciaux, à la demande des avocats pour les audiences publiques, ont demandé à la Cour d’accorder l’autorisation de parler avec les avocats pour les audiences publiques. Elle a été refusée car il s’agit d’une question publique.

5 mai 2010

Juge Simon Noël

Les cas d’Abu Zubaydah et d’Hadje Wazir ont été discutés et seront traités dans les observations définitives fomulées à huis clos; Le cas de Dahak a été discuté; de la correspondance émanant des avocats spéciaux et du ministre a été déposée; l’autorisation de déposer des documents publics n’a pas été accordée à M. Copeland; des courriels émanant de M. Boxall concernant des courriels reçus de Douglas Baum ont fait l’objet d’une discussion.

12 mai 2010

Juge Simon Noël

Le contenu d’un courriel reçu par M. Séguin de la part de M. James C. Luh est transmis aux avocats pour les audiences publiques.

1 septembre 2010

Juge Noël

Communication orale – La Cour a informé toutes les parties que, jusqu’au 31 août 2010, elle accepterait des renseignements additionnels. Les ministres ont informé la Cour qu’ils n’avaient aucun autre renseignement à fournir.

RÉSUMÉS

Date

Juge

Contenu

4 avril 2008

Juge Edmond Blanchard

Joint à l’ordonnance datée du 4 avril 2008. Un résumé des renseignements relatifs à la nomination des avocats spéciaux.

7 mai 2009*

Juge Simon Noël

Audience publique – un cadre du SCRS qui avait plein accès à un dossier de source humaine a témoigné. La demande d’autorisation de communiquer avec les avocats pour les audiences publiques à propos de quatre sujets formulée par les avocats spéciaux a été accueillie. Ils ont discuté de la possibilité de rendre publics les renseignements des agences étrangères. L’essentiel a été donné aux avocats pour les audiences publiques au début de l’audience. Des efforts conjoints sont déployés par les avocats spéciaux et les ministres quant à la divulgation fondée sur l’arrêt Charkaoui 2.

13 mai 2009

Juge Simon Noël

Résumé du témoignage d’un témoin du SCRS donné les 14 et 17 avril 2009 : règle des tiers

2 juin 2009

Juge Simon Noël

Audience publique – Les ministres ont déposé une évaluation des risques auprès de la Cour. Ils se sont également conformés à l’ordonnance de la Cour en vertu de laquelle les dossiers de source humaine ont été déposés. La Cour siègera à huis clos afin de discuter de la procédure à suivre à propos des inquiétudes formulées dans les motifs qui ont été rendus. L’interprétation de la Cour des observations de la juge Dawson sur les conclusions relatives à la menace (très secret) permet à la Cour de dire aux avocats pour les audiences publiques que les renseignements en question à titre de suivi à la communication des ministres (sur la question des polygraphes) n’ont pas été utilisés par la juge Dawson dans ses motifs. Elle a tiré sa conclusion à partir d’autres éléments de preuve.

17 novembre 2009

Juge Simon Noël

Résumé public de l’audience à huis clos dans la procédure relative au certificat de sécurité d’Harkat : des questions de divulgation non réglées et d’autres questions sont discutées. Certaines réponses émanant d’agences étrangères sont fournies à la Cour. Douze lettres émanant des avocats spéciaux ont été examinées. La Cour entend les observations de tous les avocats quant à la demande des avocats spéciaux de rencontrer les avocats de M. Harkat.

30 novembre 2009

Juge Simon Noël

Résumé public modifié des audiences à huis clos : témoin interrogé. Un certain nombre d’engagement pris et de demandes formulées par le témoin seront examinés.

3 décembre 2009

Juge Simon Noël

Résumé public des audiences à huis clos : un certain nombre de questions sont discutées. Un témoin est interrogé quant aux allégations figurant dans le rapport en matière de sécurité classifié quant à la fiabilité de certains éléments de preuve et quant à la fiabilité et la crédibilité des éléments de preuve obtenus de sources humaines.





Demandes de communication faites par les avocats spéciaux et les avocats pour les audiences publiques.

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